L’Église en accusation : une belle offensive idéologique commence

L’Église en accusation : une belle offensive idéologique commence

Une belle offensive idéologique commence. Un jour la sénatrice socialiste ­Laurence Rossignol veut supprimer le droit des médecins à l’objection de conscience sur l’IVG. L’autre, c’est sa collègue Valérie Rabault qui exige au nom de son groupe de députés la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les affaires de pédophilie. Je suis le premier à déplorer la faillite collective de l’épiscopat. Je l’ai écrit, hélas ! maintes fois ces dernières années. L’Église aurait dû confier à une commission réellement indépendante le soin de faire toute la lumière sur ces abus. Faute de cela, on en est arrivé à la pire des situations.

De fait, sans pression extérieure, rien ne bouge jamais. Mais ces initiatives n’arrivent pas n’importe quand ni n’importe comment. Avec cette éventuelle commission, dans le contexte de forte passion que suscitent les débats bio­éthiques, il faudrait être naïf pour penser qu’un travail parlementaire sérieux puisse être mené sans arrière-­pensée politique. Si on ne va chercher les problèmes que dans l’Église, où certes ils abondent, comment certains ne soupçonneraient-ils pas que le but caché soit de la mettre au pas ? Où s’arrête le travail de vérité, où finit la laïcité qui nous protège tous ?

Crise et croissance de l’Église. Peut-on associer les deux mots ? Je me posais la question le week-end dernier, en parcourant les allées bien remplies du congrès Mission, à Paris. Si des milliers de personnes se réunissent pour parler d’évangélisation, c’est peut-être le signe que tous les vents ne sont pas mauvais. Au fond, d’ailleurs, l’Église a toujours été en crise. Elle est en crise chaque fois qu’elle échoue. Pour ne rien arranger, elle est en crise aussi, et bien davantage, chaque fois qu’elle croit triompher.

Qui a-t-on écouté ? Des lesbiennes ? Ça se saurait. À qui veut-on parler ? À ceux qu’il faut convaincre ? Ça se verrait.

En un mot, elle est en crise partout et tout le temps. C’est en crise qu’elle remplit toutes ses nefs lors des concerts de Glorious. C’est en crise qu’elle accueille les personnes de la rue, les femmes seules, les migrants, tous les hivers solidaires… Et c’est quand elle est défigurée qu’elle comprend le mieux sa nature servante. Pas d’évangélisation sans travail de vérité. Pas d’évangélisation sans humilité. Pas d’évangélisation sans proximité avec les pauvres. Pas d’évangélisation sans sainteté – mais pas de sainteté comme on voudrait faire briller les cuivres. Rien ne peut plus se faire en surplomb. Il faut que l’annonce vienne par en bas. Par chaque baptisé. Par « attraction », dirait le pape. Comme on parle à l’oreille pour toucher le cœur.

Plus encore dans l’ambiance délétère que nous connaissons, face à une violente perte de crédibilité institutionnelle. C’est en ce sens que sont au minimum datés ou insignifiants, au pis contre-productifs, les documents et rapports les mieux intentionnés, les mieux « fondés en raison », comme le dernier texte sur la PMA. Je n’ai rien à redire sur le fond du document, sérieux et intelligent quand il s’élève contre la marchandisation du corps humain ou cherche à défendre l’embryon. Mais je suis, comme tout le monde, obligé de constater qu’il y a trop de friture sur la ligne. Le texte appelle au dialogue. Mais pour dialoguer, il faut être deux. Qui a-t-on écouté ? Des lesbiennes ? Ça se saurait. À qui veut-on parler ? À ceux qu’il faut convaincre ? Ça se verrait. Il y a un abîme entre ce que l’Église-institution veut dire et la façon dont elle peut être entendue en ce moment.

Arrêtons donc de produire des mots coupés du contexte culturel dans lequel on les prononce. L’Église est « en accusation », aurait dit feu René Rémond. À raison quand elle a couvert des crimes. À tort quand on veut l’intimider. Mais dans tous les cas, mieux vaudrait qu’elle ne prête le flanc ni en couvrant ses propres abus ni en venant faire aux autres la leçon de morale, au même moment et la bouche en cœur. Sinon, qui entendra l’Évangile ?

 

Jean-Pierre Denis

Source La Vie

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