La tolérance est le grand mot de notre époque. A moins que ce ne soit un des grands maux de notre temps. A y regarder de plus près, prôner la tolérance revient à dire « fichez-moi la paix et je ferai de même ». La tolérance est la sacralisation du pré carré, des droits particuliers. Elle est la juxtaposition de situations potentiellement conflictuelles maintenant un vivre ensemble instable et précaire. Tant que l’autre me laisse vivre ma vie, je fais de même. Au fond la tolérance est une forme d’individualisme de bonne conscience. Tolérer, étymologiquement, c’est supporter. Pas supporter comme on supporte une équipe, mais supporter la présence de quelqu’un, sous-entendu dont on se passerait bien. Je me souviens, lors d’un meeting de François Bayroux, il y a une quinzaine d’années, ce dernier prônait la tolérance et l’exemple de son invitée la présidente de « ni pute ni soumise ». Celle-ci lui coupe la parole et proteste « mais nous ne voulons pas être tolérées ! Nous voulons être respectées ! » Voilà quelqu’un qui vivait dans sa chaire même, ce que la tolérance a de discriminant. Tolérer masque les désaccords d’une vapeur d’hypocrisie auto protectrice, jusqu’au moment où le conflit dégénèrera en rapport de forces. Au contraire, dans le respect, c’est la personne qui est prise en compte, avant-même ses opinions et ses croyances. Et ainsi nous pouvons faire la différence entre respecter sans condition la personne humaine qui se trouve en face de nous et ses opinions que nous pouvons désapprouver publiquement. Respecter pose le primat de la personne, là où tolérer sacralise le conflit d’idées. Aujourd’hui, pour éviter toute discussion, on prône la tolérance. Mais ce n’est qu’un faux-fuyant pour botter en touche. Si nous ne voulons pas nous laisser museler par l’illusion tolérante, il nous faut recentrer le débat sur le respect, sans quoi le débat sera rendu de facto impossible. Mais telle n’est-elle pas la volonté de ce monde ?