Le pape François a voulu que le prochain synode des évêques se penche sur la question des jeunes. Eternelle cure de jouvence que le monde moderne courtise, faisant du jeunisme l’antidote à l’inévitable vieillissement. Dans nos sociétés occidentales, le vieux est mis sur la touche et, passé la cinquantaine, ringardisé. L’avenir c’est la jeunesse, tout le monde le sait. Mais à sombrer dans le jeunisme on en est venu à exclure les vieux de différentes manières, jusqu’à la plus extrême. Le vieux fait peur, parce que vieillir fait peur, parce que le vieux fait peur. On a tellement porté l’ancien au pinacle et le jeune aux nues que la société d’abord et l’individu ensuite se sont coupés de leur racine d’abord, de l’expérience ensuite. On rêve de demain, on oublie hier et, sautant de l’un sur l’autre, on perd aujourd’hui, seul moment qui soit réel et où se croisent le passé et le présent pour féconder le futur. Il n’en est pas ainsi dans d’autres parties du monde, notamment en Afrique où le respect et la sagesse des anciens demeurent une colonne, vertébrale et solidaire. Chose curieuse, ce sont les « vieux qui entendent rester jeunes » qui parlent aux jeunes, qu’ils ne comprennent pas, d’un avenir qui ne les concernent pas, mais dont ils voudraient bien faire leur présent à eux. Le jeunisme dissolvant du « vieuisme » n’est qu’un transfert de fantasmes et non de la solidarité intergénérationnelle. Mais qu’en gardent les jeunes, sinon une béance dans leur propre construction et une instabilité pour leur propre futur ? Instabilité, insolence, farouche indépendance, crise de l’autorité, perte de la mémoire et des repères, course éperdue en avant, tels sont les fruits du jeunisme idéologique qui ne parle pas aux jeunes des jeunes, mais au mal-être des adultes eux-mêmes.
Les jeunes n’ont aucune envie d’entendre les adultes leur dire ce qu’ils sont aujourd’hui ou seront demain. Les jeunes ont besoin qu’on leur dise qui ils sont « hier aujourd’hui et demain ». Ils ont besoin de se construire, non de s’inventer et moins encore d’endosser les fantasmes de jouvence d’adultes terrifiés par l’épouvantail du vieux qu’ils ont eux-mêmes érigé. Et malheureusement, bien des mouvements d’Eglise sont constitués des ces « vieux épouvantails pour eux-mêmes » qui cherchent à attirer les jeunes dans le moule qui les rassure eux sur leur avenir. Alors on fait des réunions pour demander aux jeunes ce qu’ils attendent en leur expliquant ce qu’ils doivent attendre. N’est-ce pas ce qui ressort des représentants que la France enverra pour préparer le synode des jeunes ? Je ne suis pas allé voir les autres délégations, mais la délégation française est très éloquente quant à cette idéologie jeuniste qui n’a pas compris grand-chose aux jeunes et, de ce fait, moins encore à leur attente.
Qu’attend exactement le Saint-Père de ce synode ? La question reste posée. Une cure de jouvence pour l’Eglise ? Une main tendue vers les jeunes ? Il souhaite qu’on écoute davantage les jeunes, là où les jeunes ont besoin d’apprendre. Il en espère de nouveaux chemins d’évangélisation et il est vrai qu’il faut connaître la jeunesse pour savoir lui parler. Mais alors que seulement 220 000 jeunes ont répondu au questionnaire préparatoire, quand des millions se déplacent ou suivent les JMJ, il semble bien qu’il y ait un vrai problème. Pourquoi ce synode n’intéresse-t-il pas les jeunes ? Pourquoi les représentations de jeunes sont triées et datées d’une époque que l’on croyait révolue dans l’Eglise ? Soyons honnêtes, les jeunes non catho n’ont pas besoin des cathos pour faire de la charité, pour se donner généreusement et d’ailleurs, ce n’est pas dans ces mouvements catholiques dits solidaire et en prise avec le monde que vont les jeunes (catho ou non). Au lieu chercher à attirer les jeunes, comme le monde les attirent, ne vaudrait-ils pas mieux puiser dans la sagesse du trésor ecclésial et se demander ce que l’Eglise à apporter aux jeunes d’essentiel qu’ils ne trouveront pas ailleurs ? Trop de mouvements cherchent à faire comme le monde pour rejoindre les jeunes, mais ils sont vieillots et dépassés, parce que le monde leur propose bien mieux ses propres méthodes et utopies. En fait, nous cherchons à rejoindre les jeunes alors que nous devrions les attirer.
Cyril Brun, rédacteur en chef.