L’édito – Quand les pierres disent Dieu, l’enjeu de la pastorale du tourisme

L’édito – Quand les pierres disent Dieu, l’enjeu de la pastorale du tourisme

 

Une grande question traverse les préoccupations pastorales, économiques et laïques. Que faire des églises vident ? La Belgique tend à s’en séparer invoquant des raisons économiques et l’argument pastoral du regroupement. L’Etat, en France, voudrait parfois récupérer certains lieux de cultes pour en faire des salles de concert, d’expositions, pour les transférer à d’autres confessions religieuses ou pour les vendre. Nous avons vu certaines municipalités laisser volontairement se dégrader des églises afin de pouvoir les raser ensuite. Certains fidèles et prêtres ou évêques préfèrent abandonner les lieux de cultes moins fréquentés au profit de nouveaux édifices situés dans des zones de populations plus denses, pour concentrer à la fois les efforts et les fidèles. D’autres, au contraire, poussent leurs curés et leurs évêques à garder ouvertes églises et chapelles, mêmes dans des lieux reculés et peu fréquentés, comme signe de présence de Dieu, comme soutien aux fidèles âgés qui ne peuvent se déplacer, comme proximité d’un lieu sacré ouvert ou prières occasionnelles. Nous voyons bien que de multiples enjeux, idéologiques, économiques, culturels et bien entendu diverses visions pastorales s’imbriquent pour une réalité complexe. Moins de prêtres, donc moins de célébrations liturgiques, ce qui outre la fontaine de grâces qui se tarit, est une réalité concrète de la vie du clergé et des paroisses. Même si en France l’entretien des églises est majoritairement à la charge de l’Etat et des communes, les frais courants demeurent et reposent sur de moins en moins de fidèles.

Pourtant…

Pourtant, si l’Eglise ne peut vivre sans prêtres, une église peut tout à fait être animée sans prêtre. Ouvrir, accueillir, expliquer, faire prier, bref être une présence chrétienne dans un lieu chrétien est non seulement à la portée de tous les catholiques, mais, finalement leur être même. Si toute église n’a pas la richesse et le rayonnement de la cathédrale de Paris ou de Chartres, chaque édifice a son histoire, son vécu avec les habitants et porte en elle-même un ensemble de signes qui sont autant de catéchèses. La pastorale du tourisme peut s’appliquer à n’importe quel édifice catholique de France. C’est un formidable enjeu d’évangélisation « passive ». Les visiteurs viennent voir des pierres qu’ils admirent mais ne comprennent pas et sont très demandeurs d’en découvrir le sens. Belle occasion, par l’art, de dire Dieu. Chacun pourra alors repartir avec quelque chose de plus dont, par notre intermédiaire, Dieu se sera servi pour le rejoindre. Pour éviter de fermer les églises, commençons par les réhabiter, par cesser de les déserter nous-mêmes. Ouvrir, fermer, garder, accueillir même une seule personne dans la journée n’est-ce pas déjà beaucoup ? Un jour, épuisé, le missionnaire du Chablais saint François de Sales arrive au petit village perdu de Marin au-dessus de Thonon, pour dire la messe après une journée harassante de prêche dans le milieu très hostile des protestants. Voyant qu’il n’avait qu’un fidèle, il s’était dit qu’il ne donnerait pas d’homélie. Mais poussé de l’intérieur il en prononça une pour son paroissien unique. Quelques jours plus tard, un parpaillot vint le voir pour le remercier de l’homélie de Marin qu’il avait écouté caché dans le confessionnal et qui l’avait convaincu de revenir au catholicisme. Depuis, il prêcha même pour les seules pierres. Si nous n’habitons plus les églises, si nous les livrons à la solitude, ces doigts pointés vers Dieu finiront par se recroqueviller un peu partout dans les déserts de France. Tel est l’enjeu que souligne Mgr Habert dans son document sur nos milliers d’églises en France.

 

Cyril Brun, rédacteur en chef

 

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