Ce dimanche, mes pas vagabonds m’ont conduit dans une monumentale et belle église de Normandie, comme il en existe tant dans nos contrées reculées, autrefois richement dotées. C’était la messe de départ de monsieur le curé. J’avoue m’être dit « mince, encore une messe à rallonge ou l’on va noyer le Christ dans mille palabres ennuyeuses ! » Eh bien, j’en ai été pour les frais de ma médisance intérieure. Non seulement le Christ était on ne peut plus central, mais les discours, comme l’homélie ont été des plus « distrayants » et surtout fort instructifs. Pour le horsain de passage, une messe d’installation ou d’adieu est une immersion condensée dans la vie de la paroisse. Ici, les discours de remerciements furent aussi chaleureux que convenus. L’EAP, véritable concile paroissial des temps modernes, monsieur le Maire et quelques fidèles choisis ont ouvert le bal missae des fleurs émues, mais visiblement sincères, ne tarissant pas d’éloge sur l’œuvre accomplie par monsieur le curé, comme sur sa personnalité et … son humour décapant. Tout se passait bien jusqu’au repons bref de l’abbé, armant une mitraillette ciblée et soutenue, à l’égard de ces bons paroissiens qui, charitablement (cela va sans dire) avaient obtenu que cette messe d’envoi ait lieu un peu plus tôt que prévu…
La messe reprend alors son cour priant et sobre jusqu’à l’homélie, superbe de spiritualité, tournée vers « l’Eternel » quand, les mitraillettes, peu à peu armées durant le sermon, firent feu de façon ciblée et corrosive sur ces paroissiens qui entendent faire et défaire les curés, refusant de recevoir de Dieu le pasteur qui ne porterait pas le costume « taillé » sur mesure par leur propre conception et de l’Eglise et de Dieu et de leur place de serviteurs dans la paroisse. Le fidèle girovague que je suis assistait à la fois voyeur et gêné à cette lessive familiale publique qui respecta la trêve eucharistique jusqu’au mot d’aurevoir précédant l’ite missa est tant attendu par le poulet rôti, probablement carbonisé au vitriol d’une célébration fortement allongée pour la circonstance. Dernière salve de feu monsieur le curé qui visiblement fit réagir les corps criblés de balles, invités à se convertir. Profitant de la cohue finale, je gagnais, tout intrus que je fus, la sortie qui arborait un « verre de l’amitié » improvisé. Risquant un « il est en forme votre curé dites ! » je reçu une toute autre salve, non moins fournie, où j’apprenais que les propriétaires de la paroisse n’en étaient pas à leur coup d’essai et collectionnaient les têtes de curés comme autant de trophées dans la salle d’arme de ce qu’au fond nous pouvons appeler le laïcalisme.