S’il est un lieu où l’on se déchaîne sans contrainte ni retenue, c’est bien la toile virtuelle et souvent anonyme. Cette violence, dont le courage est parfois porté par l’écran facile du pseudo, n’épargne pas le milieu catholique qui déverse sur le Net, ses angoisses, ses inquiétudes, ses coups de gueules et parfois sa haine, comme le font, finalement, de très nombreux internautes. On en reste pas moins perplexe devant la haine qui peut venir de catholiques. Les anathèmes, les procès d’intentions, les phrases incendiaires, jetés les uns contre les autres, laissent pantois, surtout quand ils viennent de milieux prônant la miséricorde, l’amour, la paix et la tendresse. Y aurait-il une schizophrénie, une hypocrisie ? Les réseaux sociaux, par nature, entraîneraient-ils, par l’engrenage facile du clavier protecteur, même les plus vertueux à la violence verbale quand elle n’est pas appel à la violence physique ? Car même en provenance de catholiques, ces appels sont réels jusque sur la personne du pape. Sans doute, y a-t-il un peu de tout cela mêlé dans des proportions propres à chaque internaute. Mais, cette violence ne traduit-elle pas un désarroi plus profond, une paix intérieure fragilisée, une inquiétude existentielle et spirituelle dont le démon se sert pour attiser les peurs et donc les haines ?
Une violence est toujours le signe de quelque chose de profond en nous-même. Même si le déclencheur de la violence peut être une raison objective de rejet, le fait de réagit avec violence et méchanceté traduit, lui, un corde sensible en nous. Et en ce sens, la violence qui se déchaîne contre le pape et par ricochet entre catholiques autour de la personne du pape, traduit un malaise profond de la communauté catholique, même la plus posée qui soit. Pris entre la papolâtrie et la haine du pape, même les plus modérés se trouvent enserrés dans un carcan de tensions qui ébranle toute l’Eglise. L’interdit inconscient qui pèse sur cette question du rapport au Saint-Père est pourtant en train de monter en pression et nous voyons que tout est sujet à explosion. Si la fonction pontificale et l’institution ne doivent pas faire débat pour un catholique, si l’infaillibilité lorsqu’elle est engagée (ce qui est très rarement le cas) n’est pas sujet de discussion, il est peut-être bon de libérer la parole avant que le démon achève de transformer des agacements en un schisme. La Curie elle-même est tendue et on voit les anathèmes se jeter au plus haut niveau et désormais publiquement. Ne nions pas qu’il y a une crise. Qu’elle repose sur des faits réels ou sur l’illusion satanique, le seul moyen de la déjouer est de cesser de cracher dans son coin son venin et de percer l’abcès, dans une vérité fraternelle et charitable, pendant que c’est… encore possible. C’est pour cette raison, après réflexion, que nous avons décidé de ne pas censurer les commentaires sur facebook. Il n’est nullement dans mon propos de prendre position sur le pape François, mais juste de dénoncer un pot de pus de non-dits, dans la famille catholique, au risque, une fois n’est pas coutume, de me faire conspuer, par ceux qui préfèrent le silence aveugle des œillères, à la vérité qui libère. Au pugilat larvé et mesquin qui déchire, préférons le courage de la confrontation qui apaise.
Cyril Brun,
Rédacteur en chef.