La semaine dernière deux articles ont tourné sur le web. Deux tribunes qu’il est très instructif de mettre en miroir. La première est celle d’un prêtre ouvrier qui estime que l’Eglise n’est pas allée assez loin dans l’ouverture au monde et la modernisation et que le pape François est entravé par les conservateurs dans sa volonté d’aller plus loin. Au même moment, paraissait le livre de Guillaume Cuchet, « Comment notre monde a cessé d’être chrétien ». Une étude d’historien pointant un fait intéressant, la recatholicisation de la France a littéralement dévissé à partir de 1964. Plutôt « conciliaire », son étude se veut tout sauf une critique du Concile qu’il cherche plutôt à dédouaner de cette débandade. Et il est vrai qu’il y eut au moment du Concile un double mouvement convergeant qui a conduit à l’effondrement du catholicisme en France et en Europe. D’une part un pseudo-concile a fait dire à Vatican II des choses qu’il ne disait pas, laissant se développer une certaine permissivité passive. D’autre part, le fait d’imaginer qu’on pouvait discuter les dogmes, même s’ils ne furent pas remis en cause, a introduit un relativisme laissant entendre, peu à peu, que l’Eglise ne détenait pas forcément la vérité et donc pas davantage les clefs de la vie éternelle.
De là s’est mis en branle un mouvement catastrophique prenant l’Eglise en tenaille. D’un côté, une hémorragie fulgurante laissa les pasteurs interdits. Une hémorragie dont le fiel perçait depuis bien avant 1964 et dont il n’est pas inopportun d’analyser les causes. D’un autre côté, la hiérarchie s’est mise à courir après les brebis perdues, non avec la splendeur de la vérité, mais en tentant de cacher ce qui semblait repoussoir, à savoir, la morale, les sacrements, l’enfer et autres pieusetés jugées désuètes. Bradant et la foi et le cœur même de sa raison d’être, les sacrements, pont vers le Ciel, une partie consistante des prêtres, évêques et des fidèles s’est lancée dans une course effrénée à la séduction, perdant de vue la vérité même du Christ.
Aujourd’hui certains affirment que si l’Eglise est en perte de vitesse, c’est parce qu’elle ne s’est pas suffisamment transformée, ouverte, bref, je dirais personnellement reniée. D’autres estiment au contraire que ce n’est qu’en revenant au cœur même de sa vérité propre que l’Eglise redeviendra ce qu’elle est par nature, le lieu du salut. Ici une question se pose : si l’Eglise n’est plus le lieu du salut, en effet, pourquoi l’Eglise ? Parler du Christ, même dans la plénitude de la vérité, ne suffit pas à faire l’Eglise. C’est parce qu’elle est le lieu du salut, la porte du Ciel, comme corps du Christ qu’elle est l’Eglise. Si elle ne redevient pas cela aux yeux des hommes, elle ne présentera dans le monde d’aujourd’hui pas plus d’intérêt qu’une belle ONG caritative. C’est du reste ce type de dérive que le pape François vient de dénoncer en approuvant la lettre de la congrégation pour la doctrine de la foi Placuit Deo, qui s’adresse aux évêques catholiques, et qui a été rendue publique le 1er mars. Elle entend rappeler certains aspects du salut chrétien et met en cause “deux déviances (…) lesquelles ressemblent par certains aspects à deux hérésies de l’Antiquité, le pélagianisme et le gnosticisme”. Elle fait écho aux critiques du pape François adressées à l’égard de certaines tendances contemporaines qui tendraient à centrer la question du salut sur l’individu et non sur le Christ.
Cyril Brun, rédacteur en chef