L’édito – Du cléricalisme et de l’anticléricalisme.

L’édito – Du cléricalisme et de l’anticléricalisme.

Ah le sens des choses ! Voilà bien un souci dont se moque la génération actuelle. On manie l’à peu près, comme Corneille portait haut le verbe. On décoche des mots, comme Cyrano de ses envois touchait juste le sot déconfit. Et voici qu’une nouvelle acception de l’anticléricalisme fait son apparition, comme la dernière chasse à l’homme ensoutané. Après Blum et Clémenceau, voici les hordes catholiques lâchées sur le cléricalisme, un peu à l’aveuglette, car au fond, le cléricalisme c’est quoi ? Une maladie, un travers, une réalité, une façon d’être, une époque, une perversité ? Pour qui se laisse interpeller par cette nouvelle curée, lancée par le pape lui-même, une impression d’épouvantail bigarré ne manque pas de laisser pantois. Certes le pape n’est pas anticlérical, mais anticléricalisme. Alors qu’est ce cléricalisme que fustige le Saint-Père et que conspuent les rejetons de la troisième république ?

Le cléricalisme suppose apparemment qu’il y ait des clercs, c’est-à-dire des hommes, par l’ordination, transposés de l’état laïc vers cet état unique de clerc, entendons, participants à des degrés divers du sacerdoce du Christ. Un sacerdoce ministériel intimement lié à l’Eglise hiérarchique tête du corps du Christ. A ce niveau de précision, nous comprenons que certains voient en cet état clérical une notion de pouvoir et d’autorité. De là, mille dérives peuvent en effet se produire. Autoritarisme, abus de pouvoir, orgueil méprisant et autres dérivés d’une incompréhension majeure de ce qu’est l’autorité. Mais convenons-en, ce travers n’a pas besoin de la cléricature pour se développer. Mais d’aucuns, voulant jeter l’eau du bain, se débarrasseraient volontiers au passage du bébé. Car, dans le monde actuel qui refuse l’autorité et qui rechigne à l’obéissance, toute hiérarchie est insupportable. Nous sommes tous frères, pourquoi une tête dépasserait-elle alors ? Comme pour nourrir cette phobie de la hiérarchie, nous avons oublié (refoulé ?) que l’Eglise hiérarchique est participante de la tête du corps du Christ et que cela suppose une notion de gouvernement et de gouvernement responsable devant Dieu, comme le rappelait saint Cyprien de Carthage à ses frères dans l’épiscopat. Que des clercs (tous ordres confondus) usent mal de cette autorité donnée pour servir et faire grandir le peuple de Dieu et que des laïcs supportent mal l’idée d’une hiérarchie dans l’Eglise ne retire en rien que l’état clérical comprend de façon intrinsèque le gouvernement, chacun selon son ordre. Et, à ce titre, tous les clercs représentent l’autorité de l’Eglise. Pourquoi alors appeler le cléricalisme le mauvais usage d’un aspect substantiel de l’état clérical ? Du reste les anticléricaux laïcards ne s’y trompent pas et c’est bien contre l’Eglise autorité qu’ils en ont. Cet anticléricalisme là est en fait un « anti autorité hiérarchique de l’Eglise catholique et romaine ».  Même si le pape François oscille entre autoritarisme personnel et ouverture du gouvernement de l’Eglise aux laïcs (un contre sens – sémantique en tout cas, si cette ouverture dépasse le cadre du conseil), son « anticléricalisme » n’est pas contre l’autorité hiérarchique de l’Eglise. Mais ce que le souverain pontife pointe du doigt est une autre dérive liée à l’état clérical. Dérive issue d’un contexte historique particulier. Ce que fustige le pape est l’attitude princière qui peut parcourir tous les échelons de la hiérarchie ecclésiastique. Un clergé installé dans divers privilèges, ne fut-ce que la notoriété sociale du petit village, n’est pourtant pas non plus un travers spécifiquement clérical, mais il est vrai que ces attitudes princières collent parfois à l’état clérical plus solidement ceinturé à la taille que la ceinture de la soutane. Et ce d’autant plus que c’est cette participation à l’autorité suprême de l’Eglise qui a donné dans l’histoire cette « place à part » du clerc dans la société. Alors dans cette chasse aux proscriptions qui semblent mettre au pilori les prêtres, prenons le recul du discernement, pour ne pas, une fois de plus, luter contre le cléricalisme princier par le laïcalisme tyrannique.

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