Éternel débat autour de la poule et de l’œuf. La violence engendre la bêtise et la bêtise engendre la violence, mais qui est à l’origine de ce cercle infernal ? Le cycle est engagé depuis tellement longtemps qu’il est bien difficile de savoir ce qui l’emporte sur l’autre et pourtant, le sage passe pour un non violent. La violence, en effet, est aveugle, difficilement contrôlable. Elle est en même temps sa propre fin puisqu’elle donne la satisfaction d’avoir le dernier mot. Satisfaction illusoire s’il en est puisqu’elle cherche davantage à faire taire, à écraser qu’à gagner l’autre à sa cause. Finalement la violence est le succédané de la pensée défaillante. En ce sens elle renvoie à la sempiternelle loi du plus fort et vous me voyez venir, au sacro-saint rapport de force.
La violence est aussi la conséquence de peurs non maîtrisées. Peur de perdre, de ne pas avoir le dernier mot, de souffrir, de ne pas être entendu, de perdre la face, la violence se veut toujours écrasante, destructrice. Je ne parle pas là de ce que l’on appelle la violence légitime qui appartient aux États par exemple, en ce qui concerne la peine de mort. Nous comprenons combien la violence est contraire à l’esprit du Christ dont la sainte colère n’est pas une violence, mais le refus de l’injustice.
S’abandonner à la violence ratifie la carence de l’intelligence en même temps que l’orgueil de ne pas vouloir reconnaître sa défaillance tant en matière de sagesse que de courage quand la peur nous gagne. L’engrenage incontrôlé de ces peurs, de cet orgueil et de l’incapacité à « convertir » l’autre est donc alimenté en grande partie par la bêtise impulsive (laissons de côté les troubles psychiques personnels qui viennent aggraver le fait). Bref l’abêtissement des masses, en fait des bêtes. Mais ne prenons pas trop de distance avec ces bêtes humaines qu’il nous est si facile de stigmatiser. La violence de tweets anonymes, de commentaires haineux que nous sommes nombreux à être capables de poster (tout catholiques bien pensants que nous sommes) témoignent malheureusement que nous sommes « comme les autres ». Nos peurs, nos carences de formation, nos doutes nous conduisent parfois, voire souvent, à terrasser l’autre par mille formes de violences.
Qu’on soit exaspéré, qu’on soit désespéré de ne plus être entendu, qu’on soit excédé de vexations diverses est une chose compréhensible qui doit nous inviter à travailler nos propres manques de vertu. Mais si nous voulons remporter le combat de Dieu cela ne peut se faire qu’avec les armes de Dieu qui n’incluent ni la violence, ni la mort du pêcheur. Une fois encore, ne rentrons pas dans le rapport de force, car même si nous remportons une bataille nous perdrons la guerre. Tout ce que nous pouvons entreprendre doit en effet viser à la conversion des cœurs et non à la coercition des corps. Et, entre nous, c’est beaucoup plus difficile et demande autrement plus de sueur.
Pour ce faire, il nous faut, selon l’invitation de saint Pierre, être capable de rendre compte de notre foi, ce qui signifie avant tout la connaître et en vivre. Pourquoi le Christ « allait son chemin au milieu d’eux » et était inatteignable quand la foule voulait le précipiter en bas de la colline, sinon parce qu’indifférent à la violence de cette foule furieuse, il savait, lui, qui Il était. Les violences ne l’ont pas atteint parce qu’il avait la connaissance de la vérité et allait droit son chemin.
A la violence répondons par la sagesse. A la haine, répondons par le Christ. Ce qui ne signifie pas ne rien faire ou tendre sempiternellement la joue gauche, mais nous devons combattre avec les armes du Christ et non celles du diable.
Cyril Brun, rédacteur en chef