La presse traditionnelle se fait l’écho de l’affaire McCarrick : le Vatican promet de faire la lumière sur l’ex-cardinal McCarrick

La presse traditionnelle se fait l’écho de l’affaire McCarrick : le Vatican promet de faire la lumière sur l’ex-cardinal McCarrick

Après la publication, le 26 août, du texte d’un prélat affirmant avoir alerté dès 2000 le Saint-Siège sur l’inconduite sexuelle de l’archevêque américain, le pape François avait déclaré qu’il n’en dirait « pas un mot ».

Devant la force des accusations, la stratégie du silence n’a pas tenu plus de quinze jours. Au premier soir de sa réunion bimestrielle, le conseil des neuf cardinaux (C9), constitué par le pape François pour le conseiller, a publié un communiqué, lundi 10 septembre. Les prélats y annoncent que « le Saint-Siège » se prépare à apporter les « éclaircissements nécessaires » après les graves imputations formulées par un ancien diplomate du Vatican à propos des protections au plus haut niveau de l’Eglise catholique dont aurait bénéficié un ex-cardinal américain dont l’inconduite sexuelle était pourtant connue.

Le 26 août paraissait un texte signé par l’archevêque émérite Carlo Maria Vigano, intitulé « Témoignage ». Dans ce document de onze pages, cet ancien nonce (ambassadeur) à Washington affirmait que le Saint-Siège était informé du comportement sexuel de l’archevêque de Washington, Theodore McCarrick, dès l’année de sa nomination à la tête du diocèse, en 2000.

François aurait été au courant au moins depuis juin 2013, trois mois après son élection, lorsque Mgr Vigano affirme lui avoir dit que le prélat américain aurait « corrompu des générations de séminaristes et de prêtres » en les mettant dans son lit. Mgr McCarrick aurait cependant poursuivi sa carrière sans entrave. Jusqu’à ce que François le contraigne finalement à renoncer à son titre de cardinal en juillet 2018, après qu’une enquête de l’Eglise américaine eut déclaré « crédible » une accusation de violence sexuelle de sa part contre un enfant de 11 ans, dans les années 1970.

Le soir de la parution de ce brûlot, lors d’une conférence de presse, le pape avait déclaré qu’il n’en dirait « pas un mot » et il avait suggéré à la presse de faire son travail sur un document qui, selon lui, « parle de lui-même ». Le sous-entendu était évidemment que, selon lui, il n’était pas crédible. Le problème, c’est que la lettre appuyait certaines de ses imputations sur des documents internes à l’administration romaine. Or ceux-ci sont, par définition, tenus au secret dans les archives. Impossible, donc, de les vérifier sans la coopération du Vatican.

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Depuis la publication du « témoignage » de l’ancien diplomate, les catholiques assistent, pétrifiés, à la récupération plus ou moins habile de ce texte par les anti et les pro-François. De nombreuses voix, notamment aux Etats-Unis, demandent que toute la lumière soit faite sur les accusations portées par Mgr Vigano. Le président de la conférence épiscopale américaine, Daniel DiNardo, a demandé au Vatican une enquête permettant de tirer au clair tout ce qui a trait à la carrière de Theodore McCarrick.

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Voici le point sur les deux principales questions auxquelles pourrait répondre le Saint-Siège.

  • Theodore McCarrick a-t-il été sanctionné par Benoît XVI et réhabilité par François ?

Carlo Maria Vigano affirme, dans sa lettre, qu’en 2009 ou 2010, Benoît XVI avait imposé à Mgr McCarrick des sanctions : obligation de ne plus habiter au séminaire et de se consacrer à une vie de prière et de pénitence, avec interdiction de célébrer la messe en public, de participer à des réunions publiques, de donner des conférences, de voyager. Or, des sites américains ont retrouvé photos, vidéos et articles prouvant qu’après cette date, Mgr McCarrick avait continué ses activités publiques, y compris en présence du nonce Vigano, en 2012, et qu’il s’était même rendu à Rome, où il avait rencontré Benoît XVI en janvier de la même année.

Devant cette contradiction, Carlo Maria Vigano a quelque peu fait machine arrière, précisant que les sanctions de Benoît XVI avaient eu un caractère « privé », peut-être « du fait que [McCarrick] était déjà à la retraite », et que celui-ci n’y avait « pas obéi ». L’entourage du pape émérite a fait savoir au National Catholic Register que Benoît XVI se rappelait avoir émis des « restrictions » mais que, dans son souvenir, il s’était agi de demander à McCarrick de « faire profil bas ». Il se serait plus agi d’une « demande privée » que d’un décret formel.

Mgr Vigano accuse François non seulement d’avoir ignoré ces sanctions après son élection, bien qu’informé par ses soins, mais encore d’avoir rétabli le cardinal dans ses prérogatives. Il affirme que le pape argentin s’est appuyé sur lui concernant les nominations d’évêques aux Etats-Unis.

  • Qui, au Vatican, a protégé la carrière ecclésiastique de Theodore McCarrick ?

L’historique dressé par Carlo Maria Vigano est en fait accusateur pour les trois plus récentes « administrations pontificales ». Du reste, l’ancien diplomate cite nommément les trois cardinaux qui, depuis 1990, se sont succédé à la plus haute fonction curiale, la secrétairerie d’Etat, à savoir Angelo Sodano (sous Jean Paul II), Tarcisio Bertone (Benoît XVI) et Pietro Parolin.

C’est Jean Paul II qui a nommé McCarrick archevêque de Washington en 2000, puis cardinal l’année suivante. Selon l’ancien diplomate, Mgr Giovanni Battista Re, qui était alors préfet de la congrégation pour les évêques (et donc chargé de préparer les nominations des prélats), aurait fait connaître par écrit son opposition à la nomination de Theodore McCarrick. Cette note dormirait dans les archives de la nonciature américaine. Mgr Vigano dit qu’en novembre 2000, un prêtre de New York qui avait enseigné au séminaire de Newark, le père Boniface Ramsey, avait écrit au nonce de l’époque, Gabriel Montalvo, qu’au séminaire, il était connu que McCarrick, alors évêque de Newark, « partageait son lit avec des séminaristes » du New Jersey.

Il semblerait que cette lettre soit effectivement remontée au plus haut niveau à Rome. Le site Catholic News Service a reproduit, vendredi 7 septembre, une lettre du n° 2 de la secrétairerie d’Etat d’alors, l’archevêque Leonardo Sandri, qui, en 2006, y faisait référence.

Source : le monde

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