Le catholique qui ne se forme pas est un condamné à mort

Le catholique qui ne se forme pas est un condamné à mort

« Mon peuple périt faute de connaissance » ou l’exigence de se former pour se dire catholique.

« Mon peuple périt faute de connaissance. » Telle est la triste constatation que Dieu livre au prophète Osée (Osée 4.6). La connaissance est une constante de la révélation biblique. Sans tomber dans la gnose qui voudrait que le salut vienne par la seule connaissance, on ne peut accéder au salut sans connaître, parce que connaître c’est aimer. La connaissance n’est pas ce qui fait de nous des justes et ouvrirait les portes du ciel. La connaissance est le chemin par lequel nous pouvons identifier la porte du ciel et le chemin qui y conduit. En d’autres termes, la connaissance est une lumière dans les ténèbres. Mais, étymologiquement, connaître c’est naître avec. Il s’opère par la connaissance une modification de la personne. Modification qui s’apparente à une naissance, de sorte que la connaissance fait de nous des êtres nouveaux, modifiés par cette connaissance. La connaissance nous transforme, non de l’extérieur, mais de l’intérieur. La véritable connaissance dépasse le savoir en ceci précisément qu’assimilée par notre être elle fait partie de nous. Chaque fois que notre savoir devient nôtre et non vernis culturel, nous accouchons en nous-même d’un être transformé, augmenté et façonné de cette connaissance.

Si la connaissance repose sur un savoir acquis, elle est aussi principe de vie de l’âme. Quand Marie dit qu’elle ne connaît pas d’homme c’est bien ce que sous-tend ce don des époux qui est une connaissance intime qui transforme en un être nouveau et enfante un être nouveau, fruit des deux époux. Marie « Trône de la sagesse » porte en elle la sagesse elle-même qu’est le Christ qui dit, « Je suis le chemin, la vérité, la vie » exactement ce qu’est la connaissance.

Car la véritable connaissance, celle qui nous transforme, donne vie et est le chemin, c’est précisément le Verbe de Dieu. Or le Verbe s’adresse à cette partie de l’âme qu’est l’intelligence et dont l’objet est précisément la connaissance de la vérité, c’est-à-dire la transformation d’elle-même par l’habitation pérenne de la vérité en elle. C’est bien ce sens de demeurer, appel récurent de Dieu à son peuple : Je veux demeurer chez toi.

Il y a un lien très étroit entre savoir, vérité, connaissance et sagesse. Le savoir est la base technique qu’il s’agit d’assimiler pour découvrir (sens du mot apocalypse) la Vérité, qui n’est pas un savoir mais une personne qui vient demeurer en notre âme et la transforme en un cœur qui écoute, c’est-à-dire capable de recevoir l’autre et particulièrement l’Autre qui est le Verbe, le Christ. Or la définition que Dieu donne à Salomon de la sagesse c’est « un cœur qui écoute ».

La sagesse repose, certes, sur du savoir, mais un savoir habité de la vérité et habitant le plus profond de la personne transformée par cette Vérité qui est le Christ. Ainsi, le Christ qui dit « je suis le chemin, la vérité, la vie » est pour le sage le chemin, parce que Vérité et vie par cette habitation du Christ Vérité en son âme dont il a fait sa demeure. Pas sa maison de passage, sa demeure stable et pérenne.

La connaissance est donc avant toute autre chose une rencontre personnelle avec la Vérité qu’est le Christ et une union intime de l’âme dans ses deux dimensions que sont l’intelligence et la volonté. Une union par la Vérité dans l’intelligence, une union par l’amour dans la volonté, lesquelles se nourrissent l’une l’autre, de sorte que c’est bien par amour que le fidèle cherche à « connaître » Dieu qui précisément est Verbe et Sagesse. Il ne s’agit nullement de chercher une jouissance intellectuelle, mais la délectation de l’âme dans la contemplation de la splendeur divine. Cette splendeur de la vérité dont nous parlait saint Jean-Paul II n’est autre que la vision béatifique dont nous n’aurons pas trop de l’éternité pour faire le tour. Cette vérité rend libre, nous rappelle celui qui est la vérité lui-même et venu pour nous libérer.

Mais prenons garde de ne pas lier la libération, le salut, à la simple connaissance. Un tel lien étroit rendrait inutile le sacrifice du Christ. Or c’est bien sa mort et sa résurrection qui, à la suite du Jésus, nous conduisent à la plénitude de la vision béatifique. Si la connaissance est l’illumination de l’âme et produit une transformation réelle de nous-mêmes, à commencer dans notre disposition envers Dieu, l’intellectualisme ne sauve de rien du tout et au contraire restreint l’esprit à lui-même. Il ne s’agit nullement d’acquérir un savoir d’érudit, puisque les simples comprennent ce que les savants ne voient pas. Telle est la différence entre science et contemplation.

Nous sommes invités à contempler la splendeur de Dieu, non à l’exposer dans une bibliothèque. Toutefois, Dieu se plaint au prophète Osée de ce que son peuple périt faute de connaissance. En disant cela, le Seigneur rappelle deux choses à l’époux de la prostituée. D’abord la connaissance, en montrant la destination qu’est Dieu, indique en même temps le chemin. Or la mort du peuple est bien son exil, c’est-à-dire les multiples fausses routes qu’il empreinte et qui l’éloignent de Dieu. Par méconnaissance, les hébreux, comme nous aujourd’hui et particulièrement nombre d’hérésies dont c’est le principe, nous recréons un visage difforme de Dieu. Ce procédé trompe sur la destination et donc sur le chemin. Nous en venons, par ignorance, à vénérer le veau d’or en lieu et place de Dieu. De sorte que, nous trompant sur Dieu, nous nous trompons sur le chemin, la vérité et la vie. D’où, seconde chose que Dieu souligne, sans connaissance l’âme n’est pas nourrie de cette contemplation. Elle se dessèche et meurt d’asphyxie.

Voilà pourquoi, comme le dit saint Pierre, nous devons rendre compte de notre foi, c’est-à-dire pouvoir la comprendre de sorte qu’elle soit cette connaissance qui ouvre à la contemplation et nous transforme de l’intérieur. Aussi, se former en vue de « co-naître » avec le Christ est à la foi une exigence amoureuse du catholique et un témoin de son amour réel. Qui ne veut pas se former, ne peut dire qu’il cherche à connaître celui qu’il dit aimer.

Se former est une preuve de notre désir amoureux. Désir aiguisé par la volonté de retrouver, chercher « celui que mon cœur aime » comme dit le Cantique des Cantiques. L’attitude du fidèle amoureux reprend la même exultation, le même empressement passionné que l’amant du Cantique des Cantiques.

Se former n’est pas seulement comprendre et pouvoir rendre compte pour évangéliser ou ne pas chanceler dans sa foi. Se former dit bien ce que cela signifie, c’est opérer cette transformation amoureuse de tout notre être par la contemplation amoureuse de la splendeur de la Vérité qu’est Dieu.

Contempler c’est donc connaître, désirer toujours mieux approfondir le mystère divin, se laisser façonner et fasciner par lui. Mais, profondément, contempler est un acte permanent. Nous ne sommes pas passifs dans la contemplation, c’est même assez physique. C’est un agir permanent qui se prépare par une vie conforme à ce que nous contemplons et qui précisément, en affinant notre vision, nous pousse à la conversion. Il y a un mouvement conjoint de la contemplation et de la vie sacramentaire. Un mouvement qui dépasserait de trop ces lignes pour en parler, mais qui est la condition sine qua non pour ne pas tomber dans la gnose et chercher son salut en dehors de l’Eglise et donc du sacrifice sanglant qui seul solde notre rachat. Néanmoins, le véritable amoureux de Dieu n’a de cesse de vouloir connaître Dieu au sens où Marie disait ne pas connaître d’homme. C’est une union sponsale de deux époux. Cet élan marque plus notre amour de Dieu que les œuvres sociales qui doivent découler de ce débordement d’amour puisé au cœur même de l’amour.

 

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