Alors que l’Assemblée nationale vient de voter en première lecture l’extension du délit d’entrave à l’IVG (cf. Délit d’entrave numérique à l’IVG : L’Assemblée nationale adopte la censure), Claire de la Hougue[1], docteur en droit, avocat au Barreau de Strasbourg et chercheur associé à l’ECLJ, revient sur la douloureuse réalité, trop souvent occultée, de l’avortement.
(reprise estivale d’un article du 10 décembre 2016)
« IVG, c’est mon droit », « IVG, mon corps, mon choix, mon droit », « IVG, un droit garanti par la loi »peut-on lire sur le site gouvernemental d’information sur l’interruption volontaire de grossesse. Celle-ci serait même un droit fondamental des femmes, selon la résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 26 novembre 2014.
L’avortement est assurément une possibilité admise par la loi, mais peut-on le placer au nombre des droit fondamentaux ? Cela s’oppose frontalement à l’intention du législateur. Simone Veil a ainsi expressément affirmé « que si (la loi) n’interdit plus, elle ne crée aucun droit à l’avortement ». Selon le code de la santé publique, « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Il ne saurait être porté atteinte (à ce) principe (…) qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre ». L’avortement est une exception. Cette exception a paru nécessaire à condition d’être conscient « qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix », disait Simone Veil. C’est pourquoi elle insistait sur l’importance de la dissuasion – donc la prévention – de l’avortement, et sur le rôle essentiel des associations qui soutiennent les femmes en détresse.
Avortement sous contrainte
Nos ministres, qui portent l’avortement comme un étendard, seraient bien inspirées de relire le discours de Simone Veil dont elles se réclament de façon manifestement abusive. Enfermées dans leur idéologie, elles ont perdu toute attention aux femmes et à leur souffrance.
Les jeunes femmes enceintes qui s’interrogent savent bien qu’elles portent en elles une petite vie débutante et que l’avortement ne peut pas être un acte anodin, mais le plus souvent elles ne trouvent pas d’autre solution. Les personnes qui accueillent les jeunes femmes en difficulté peuvent témoigner que beaucoup sont poussées à l’avortement par leurs parents ou leur compagnon, voire menacées d’être chassées du domicile et laissées sans ressources, ou même victimes de violences physiques. Même l’Institut Guttmacher, centre de recherche du Planning familial américain, affirme que 75% des femmes qui ont avorté l’ont fait en raison de contraintes sociales ou financières. Peut-on clamer que ces femmes exercent un droit fondamental, alors qu’elles agissent sous une telle contrainte ?
Des séquelles durables
Le site gouvernemental prétend que « la majorité des études scientifiques sérieuses qui ont été publiées sur le sujet montrent qu’il n’y a pas de séquelle à long terme psychologique de l’avortement[2]. Il n’y a pas de syndrome post-traumatique qui persisterait à distance, plusieurs années après un avortement ».
Pourtant, toutes les femmes savent bien que l’avortement laisse des traces difficiles à vivre. Ceux qui les accueillent et les écoutent savent bien que des femmes sont marquées douloureusement et que leur souffrance peut perdurer ou réapparaître des années plus tard. De nombreuses études[3] indiquent un considérable impact sur la santé des femmes. Outre un certain nombre de complications immédiates de gravité variable, l’avortement augmente le risque de naissance prématurée lors d’une grossesse ultérieure et de cancer du sein, selon différentes études. D’autres[4] indiquent que le risque de décès des femmes ayant avorté par rapport à celui des femmes ayant accouché est fortement accru, quelle que soit la cause du décès. Surtout, l’impact sur la santé mentale est élevé. Anxiété, cauchemars, addictions, dépressions et suicides sont considérablement plus fréquents chez les femmes qui ont avorté et, sur un autre plan, la proportion de ruptures de couples est également très élevée.
Derrière des chiffres, de vraies femmes en souffrance
Derrière les études et les froides statistiques apparaît un monde de souffrance et de vies brisées, que nos ministres non seulement ignorent résolument mais qu’elles nient. Elles veulent maintenant imposer leur idéologie mortifère en bâillonnant les personnes qui osent parler de cette souffrance et tentent de la soulager : 30 000 euros d’amende et deux ans de prison pour ceux qui auront divulgué sur internet des informations sur l’avortement « dans un but dissuasif », selon la proposition de loi alambiquée votée le 1er décembre. Pas de liberté d’expression pour ceux qui s’écartent de la ligne officielle !
L’avortement n’est pas un droit ou un slogan, c’est une réalité sociale qui constitue un grave problème de santé publique et la source de souffrances innombrables. Le devoir des autorités publiques est de prévenir l’avortement au moins en donnant aux femmes qui le souhaitent la possibilité de garder leur enfant et en soutenant les associations qui, par humanité, accueillent et aident les femmes en difficulté.
Finalement, il nous faut conclure avec Simone Veil : « Aucune femme ne recourt de gaité de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame ».
Source Généthique.org
[1] Claire de la Hougue a participé à l’ouvrage Droit et prévention de l’avortement en Europe, sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Editions, novembre 2016.
[2] Cherline Louissaint, “Les conséquences médicales et relationnelles de l’avortement” in Droit et prévention de l’avortement, sous la direction de Grégor Puppinck, LEH édition 2016.
[3] Idem.
[4] Idem.