La vision du Pape Léon XIII à l’origine de la prière à Saint Michel

La vision du Pape Léon XIII à l’origine de la prière à Saint Michel

De la lettre de liaison n°83 du 3 octobre 2018 de l’association Fatima 100 :

La vision de Léon XIII

Il existe plusieurs récits de cette vision. Voici celle figurant dans le livre de Dom Amorth Un exorciste raconte (annexe 1) :

Dans un article publié en 1955 dans la revue Ephemerides Liturgicae, le père Domenico Penchenino, écrit :
« Je ne me souviens pas exactement de l’année [c’était le 13 octobre 1884]. Un matin, le grand Pontife Léon XIII célébra la sainte messe puis assista, comme d’habitude, à une autre cérémonie en remerciement. Tout à coup, on le vit redresser la tête et fixer intensément quelque chose au-dessus de l’officiant. Il regardait fixement, sans battre des cils, comme envahi d’un sentiment de terreur et d’émerveillement, et les traits de son visage changèrent de couleur. Quelque chose d’étrange, de grand, se produisait en lui.
Finalement, comme s’il reprenait ses esprits, il se redressa en s’appuyant sur sa main d’un mouvement léger mais énergique. On le vit se diriger vers son bureau privé. Ses proches, anxieux, le suivirent et lui demandèrent à voix basse : “Saint-Père, vous ne vous sentez pas bien ? Avez-vous besoin de quelque chose ?” Il répondit : “Non, de rien.”
Une demi-heure après, il appela le Secrétaire de la Congrégation des rites et, en lui tendant une feuille, lui ordonna de l’imprimer et de l’envoyer à tous les Ordinaires [les évêques] du monde. Que contenait-elle ? La prière que nous récitons à la fin de la messe avec les fidèles et qui contient la supplication de la Sainte Vierge, l’invocation ardente du prince des milices célestes, et l’imploration de Dieu pour qu’Il repousse Satan en enfer. »

Voici un autre récit tiré de la revue L’appel du Ciel, n°25 de septembre 2010, complété avec quelques précisions d’un récit quasiment identique publié par la revue de l’ordre séculier de Saint Augustin de décembre 1941 :

Le 13 octobre 1884, après que le pape Léon XIII eût terminé de célébrer la messe dans la chapelle vaticane, entouré de quelques cardinaux et membres du Vatican, il s’arrêta soudainement au pied de l’autel. Il se tint là environ dix minutes comme en extase, son visage blanc de lumière. Puis, partant immédiatement de la chapelle à son bureau, il composa la prière à saint Michel Archange avec instructions pour qu’elle soit dite partout après chaque messe basse.
Lorsqu’on lui demanda ce qui était arrivé, il expliqua qu’au moment où il s’apprêtait à quitter le pied de l’autel, il entendit soudainement des voix :
« Après la Messe, j’entendis deux voix, une douce et bonne, l’autre gutturale et dure ; il semblait qu’elles venaient d’à côté du tabernacle. Il s’agissait du démon qui s’adressait au Seigneur, comme dans un dialogue. Voici ce que j’ai entendu :
– La voix gutturale, la voix de Satan dans son orgueil, criant au Seigneur : “Je peux détruire ton Église.”
– La voix douce du Seigneur : “Tu peux ? Alors, fais le donc.”
– Satan : “Pour cela, j’ai besoin de plus de temps et de pouvoir.”
– Notre Seigneur : “Combien de temps ? Combien de pouvoir ?”
– Satan : “75 à 100 ans et un plus grand pouvoir sur ceux qui se mettent à mon service.”
– Notre Seigneur : “Tu as le temps, tu auras le pouvoir. Fais avec cela ce que tu veux.”
Puis, j’ai eu une terrible vision de l’enfer : j’ai vu la terre comme enveloppée de ténèbres et, d’un abîme, j’ai vu sortir une légion de démons qui se répandaient sur le monde pour détruire les œuvres de l’Église et s’attaquer à l’Église elle-même que je vis réduite à l’extrémité. Alors, Saint Michel apparut et refoula les mauvais esprits dans l’abîme. Puis, j’ai vu Saint Michel Archange intervenir non à ce moment, mais bien plus tard, quand les personnes multiplieraient leurs prières ferventes envers l’Archange. »

La description de la vision se trouve également dans le livre de Mgr Henri Delassus La conjuration antichrétienne (tome III, p 879 dans l’édition de Desclée, de Brouwer et Cie de 1910).

À l’issue de cette vision, Léon XIII rédigea deux documents : des prières à réciter après les messes basses et un petit exorcisme. Voici ce que dit Dom Amorth, toujours dans son livre Un exorciste raconte :

Pour confirmer ce que le père Pechenino rapporte, nous disposons du témoignage irréfutable du cardinal Nasalli Rocca [1903-1988] qui, dans sa Lettre Pastorale pour le Carême diffusée à Bologne en 1946, écrit :
« Léon XIII a lui-même rédigé cette prière. La phrase : “Satan et ses légions d’esprits mauvais qui rôdent dans le monde en vue de perdre les âmes” trouve une explication historique que son secrétaire particulier, Mgr Rinaldo Angeli, nous a été plusieurs fois racontée. Léon XIII a vraiment eu la vision d’esprits infernaux qui se rassemblaient autour de la ville éternelle (Rome) ; et c’est de cette expérience qu’est née la prière qu’il a voulu faire réciter à toute l’Église. Cette prière, il la récitait d’une voix vibrante et puissante : nous l’avons si souvent entendue dans la basilique du Vatican.
Et ce n’est pas tout. Il a également écrit de ses propres mains un exorcisme spécial figurant dans le Rituel romain (édition 1954, tit. XII, c. III, pages 863 et suivantes). Il recommandait aux évêques et aux prêtres de réciter souvent ces exorcismes dans les diocèses et les paroisses. Il le faisait lui-même à longueur de journée. »

L’histoire de ces deux textes est riche d’enseignement.

Les prières après la messe (ou prières léonines)

Les prières que Léon XIII ordonna de réciter après chaque messe basse, sont les suivantes : trois Ave Maria, le Salve regina suivi d’une oraison et enfin la “Prière à saint Michel Archange” que voici :

Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat. Soyez notre secours contre la malice et les embûches du démon. Que Dieu lui fasse sentir son empire, nous vous le demandons en suppliant. Et vous, Prince de la milice céleste, repoussez en enfer par la force divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde en vue de perdre les âmes. Ainsi soit-il.

Le 19 juin 1904, soit moins d’un an après son élection au pontificat, saint Pie X demanda d’ajouter 3 fois l’invocation : Cœur sacré de Jésus, ayez pitié de nous, confirmant ainsi l’instruction de son prédécesseur. Le 20 juin 1913, il décida également que ces prières pouvaient être omises aux messes basses revêtant une certaine solennité, notamment les messes chantées ou avec orgue, les messes avec sermon, les messes de mariage, etc.

Au cours de son allocution du 30 juin 1930, après avoir rappelé la persécution religieuse sévissant en Russie ainsi que les prières pour la Russie qu’il avait sollicitées le 19 mars précédent, Pie XI demanda que les prières prescrites par Léon XIII soient dites pour la Russie, confirmant ainsi à nouveau l’instruction de son prédécesseur :

Et pour que tous puissent sans fatigue et sans peine poursuivre cette sainte croisade, nous décidons que les prières que notre bien-aimé prédécesseur Léon XIII a ordonné aux prêtres et aux fidèles de réciter après la messe, soient dites dans cette intention spécifique, à savoir pour la Russie. Que les évêques et le clergé séculier et régulier prennent soin d’informer les fidèles et ceux qui assistent au Saint Sacrifice, et qu’ils ne manquent pas de leur rappeler ces prières.

Ainsi, non seulement cette prière à saint Michel Archange fut rédigée un 13 octobre, 33 ans jour pour jour avant la dernière apparition de Fatima et le miracle du soleil, mais le pape Pie XI demanda qu’elle soit spécifiquement récitée pour la Russie. Il y a donc un lien très fort entre la vision de Léon XIII et la demande de Notre-Dame figurant dans le secret du 13 juillet 1917.

La récitation de cette prière à saint Michel Archange à la fin des messes basses fut obligatoire jusqu’en 1964. À cette date, elle fut supprimée de la façon suivante. Par le motu proprio Sacram liturgiam du 25 janvier 1964, le pape Paul VI créa une commission chargée de mettre en application la constitution sur la liturgie du concile Vatican II Sacro sanctum concilium du 4 décembre 1963. Cette commission, présidée au début par le cardinal Lercaro, archevêque de Bologne, et dont le secrétaire était Mgr Bugnini, élabora le Novus Ordo Missae promulgué le 6 avril 1969. Mais, dès la première année de son fonctionnement, la commission  émit une première instruction, l’instructionInter œcumenici, que le pape signa le 26 septembre 1964. Cette instruction supprimait les prières au bas de l’autel avant et après la messe. En effet, dans le n° 48, il est dit : « En attendant que soit entièrement restauré l’Ordo de la messe, on observera déjà ce qui suit : (…) c) Dans les prières du bas de l’autel, au début de la messe, on omet le psaume 42. (…)  j) On omet le dernier Évangile ; les prières de Léon XIII sont supprimées. »

Ainsi, au moment où le communisme était à son apogée, quatre ans après que Kroutchev ait déclaré 1960 an 1 du communisme, l’Église demandait de cesser de prier pour la Russie à la fin de chaque messe. Padre Pio ne fut absolument pas d’accord avec cette décision et continua à réciter ces prières jusqu’à sa mort en 1968.
30 ans plus tard, le pape Jean-Paul II lui donna d’une certaine façon raison, car au cours du Regina Caeli du dimanche 24 avril 1994, il demanda aux fidèles de réciter la prière à saint Michel composée par Léon XIII pour nous aider « dans le combat contre les forces des ténèbres ».
Aussi, est-il bien dommage de constater que, parfois, les prêtres qui disent la messe selon le rit de 1962, récitent les prières au bas de l’autel avant la messe et le dernier évangile, mais omettent de réciter celles après la messe alors qu’elles font autant partie du rit que les premières.

Le petit exorcisme (dit de Léon XIII)

Léon XIII composa également un exorcisme, connu sous le nom de “Petit exorcisme de Léon XIII”, qu’il fit envoyer à chaque évêque. Cet exorcisme est précédé d’une supplique à saint Michel Archange. Le texte complet rédigé par Léon XIII figure dans les actes du Saint-Siège années 1890-1891, parmi les textes de la sacrée congrégation pour la Propagation de la Foi (ancienne appellation de la congrégation pour l’Évangélisation des peuples). Il figure également dans le Rituel romain, dans sa version de 1903 publiée l’année de la mort de Léon XIII. Or, quelques années plus tard, cette supplique a été tronquée, notamment dans du Rituel romain édité sous Pie XI, Par exemple, la version diffusée en 1922 avec l’imprimatur du Cardinal Dubois est une version tronquée. Voici le passage supprimé :

Maintenant encore, vous-même saint Michel et toute l’armée des Anges bienheureux, combattez le combat du Seigneur, tout comme antan, vous avez lutté contre Lucifer, le choryphée de la superbe, et contre ses anges apostats. “Et voici, ils ne purent vaincre, et leur lieu même ne se trouva plus dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, l’antique serpent, celui qui est appelé le diable ou Satan, le séducteur du monde entier, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui.” (Apoc. XII, 8-9)
Or, voici que cet antique ennemi, “homicide dès le principe” (Jn. VIII, 44), s’est dressé avec véhémence, “déguisé en ange de lumière” (II Cor. XI, 14), ayant pour escorte la horde des esprits pervers, c’est en tout sens qu’il parcourt la terre, et partout s’y insère : en vue d’y abolir le nom de Dieu et de Son Christ, en vue de dérober, de faire périr et de perdre dans la damnation sans fin, les âmes que devait couronner la gloire éternelle. Le dragon maléfique transfuse, dans les hommes mentalement dépravés et corrompus par le cœur, un flot d’abjection : le virus de sa malice, l’esprit de mensonge, d’impiété et de blasphème, le souffle mortel du vice, de la luxure et de l’iniquité universalisée.
L’Église, épouse de l’Agneau Immaculé, la voici saturée d’amertume et abreuvée de poison, par des ennemis très rusés ; ils ont porté leurs mains impies sur tout ce qu’elle désire de plus sacré. Là où fut institué le siège du bienheureux Pierre, et la chaire de la Vérité, là ils ont posé le trône de leur abomination dans l’impiété ; en sorte que le pasteur étant frappé, le troupeau puisse être dispersé. Ô saint Michel, chef invincible, rendez-vous donc présent au peuple de Dieu qui est aux prises avec l’esprit d’iniquité, donnez-lui la victoire et faites le triompher.

Initialement, Léon XIII souhaitait que le petit exorcisme soit récité par les fidèles et par les clercs. La version diffusée en 1922 avec l’imprimatur du Cardinal Dubois, rappelle cette disposition en bas de la première page :

Cette prière composée pour mettre le démon en fuite, peut préserver de grands maux la famille et la société, en particulier, elle est récitée avec ferveur, même par les simples fidèles. On s’en servira spécialement dans les cas où l’on peut supposer une action du démon se manifestant soit par la méchanceté des hommes, soit par des tentations, des maladies, des tempêtes, des calamités de toutes sortes.

Malheureusement, une centaine d’années après sa rédaction, la récitation de l’exorcisme, pourtant recommandée par Léon XIII, fut interdite aux fidèles par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi par un décret en date du 24 septembre 1985 :

Il n’est pas permis aux fidèles d’employer la formule d’exorcisme contre Satan et les anges déchus, qui est tirée de la formule publiée par mandat du Souverain Pontife Léon XIII, et encore moins d’employer le texte intégral de cet exorcisme. Les évêques doivent en avertir les fidèles si cela est nécessaire.

Depuis, cet exorcisme de Léon XIII a même été supprimé du Rituel romain.

Demande du pape François

Il y a quelques jours, le 29 septembre, en la fête de saint Michel Archange, le pape François a demandé à tous les catholiques de réciter pendant tout le mois du rosaire : un chapelet, puis un Sub tuum praesidium et la prière à saint Michel Archange. (Cliquer ICI pour voir le message du pape). Voici la prière Sub tuum :

Nous avons recours à votre protection, sainte Mère de Dieu ; ne rejetez pas les prières que nous vous adressons dans nos besoins ; mais délivrez-nous toujours de tous les dangers, ô Vierge glorieuse et bénie.

Alors, puisque le pape nous y encourage, continuons à réciter notre chapelet tous les jours en ajoutant après, comme il le demande, un Sub tuum et la prière à saint Michel Archange.

En union de prière dans le Cœur Immaculé de Marie.
Yves de Lassus

Nota : Pour ceux qui auraient encore du mal à réciter un chapelet tous les jours, ils peuvent s’inscrire à un rosaire vivant : ils n’auront qu’une dizaine à réciter chaque jour pendant un peu plus de trois mois (voir le fonctionnement du rosaire vivant) tout en bénéficiant chaque jour des grâces attachées à la récitation d’un rosaire complet.

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