La “pastorale de l’oreille” promue par le pape François est un boomerang

La “pastorale de l’oreille” promue par le pape François est un boomerang

Source et traduction: benoit-et-moi.fr:

Dans sa rubrique ‘Monday Vatican’, Andrea Gagliarducci revient sur l’utilisation du terme “LGBT” dans le document préparatoire au prochain Synode des jeunes. Plus que des “doutes”, ce sont des remises en question directes de la “pastorale de l’oreille” et plus généralement de la mission de François telle qu’il la conçoit (25/6/2018)

Et les critiques portent d’autant plus qu’elles sont modérées et qu’elles émanent d’une plume qu’on peut difficilement soupçonner de bergogliophobie primaire…

Lors de sa rencontre avec le Conseil oecuménique des Eglises le 21 juin [w2.vatican.va], le pape François a déclaré que le dialogue n’est pas une stratégie, mais une nécessité, et qu’en définitive, dialoguer semble toujours «travailler en pure perte». Il faisait évidemment référence au dialogue œcuménique, mais le discours montrait la logique du Pape François.

Le 20 juin, des extraits d’une longue interview accordée par le Pape François à Reuters ont déjà confirmé cette logique. Parlant de l’inquiétude du Cardinal Joseph Zen au sujet d’un éventuel accord avec la Chine, le Pape François a souligné que oui, le dialogue est un risque, mais «je préfère le risque que la défaite certaine venant de l’absence de dialogue».

C’est l’approche de l’Église qui sort. Cette approche a une force missionnaire extraordinaire [??], mais aussi ses limites, si elle n’est pas manipulée avec soin.

L’une de ces limites est devenue très claire lorsque l’Instrumentum Laboris (document de travail) du Synode des jeunes 2018 a été présenté le 19 juin. Le document est très long, il est en passe de devenir le document de travail le plus long de l’histoire des Synodes, avec ses 214 paragraphes et 52 pages.
Les limites du document proviennent de l’approche de “l’Église qui sort“.

Avant tout, le document est globalement un document sociologique. Il en était de même avec les lignes directrices du Synode, et avec le Séminaire international préliminaire au Synode et au pré-synode des jeunes.
La réalité est décrite, mais il n’y a aucune mention de la façon de façonner la réalité. Comme si l’Église catholique n’avait rien à proposer au monde et aux jeunes.
En outre, la “soif spirituelle” des jeunes (et aussi des personnes qui ne sont plus jeunes) est apparemment marginalisée. Le document de travail affirme que la culture de l’indifférence n’est pas gagnante et qu’il y a un retour du sacré. Le document, cependant, n’approfondit pas les raisons pour lesquelles le sacré revient, tout en mettant l’accent sur les questions sociales – comme la pauvreté et la marginalisation.
C’est le résultat de la “pastorale de l’oreille“, la nécessité d’être à l’écoute des gens. Toutefois, le dialogue n’est pas présenté comme une proposition complète. Il s’agit plutôt d’une évaluation des choses telles qu’elles sont.

D’où un autre problème important – et probablement sous-estimé : le document de travail du Synode de 2018 est probablement le premier document du Vatican contenant le terme LGBT.

Le Saint-Siège a toujours refusé les catégorisations comme LGBT, car les gens doivent être considérés comme des personnes, et non pas qualifiés en fonction de leur orientation sexuelle.
La question est introduite au paragraphe 197. Le paragraphe dit que «certains jeunes LGBT, à travers diverses contributions envoyées au Secrétariat du Synode, aspirent aux bienfaits d’une plus grande proximité et de l’attention de l’Église».
Le document dit aussi que «plusieurs Conférences épiscopales essaient de comprendre ce qu’il faut proposer aux jeunes qui ont choisi de se réunir en couples homosexuels au lieu de couples hétérosexuels et qui souhaitent avant tout rester proches de l’Église».
Le thème de la proximité pastorale avec les couples homosexuels n’est pas nouveau. En 1986, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié une “lettre aux évêques de l’Église catholique sur la pastorale des homosexuels“.
Toutefois, l‘utilisation du terme LGBT est problématique et pourrait avoir des répercussions sur la scène internationale. Le Saint-Siège s’est toujours opposé à l’utilisation du terme LGBT dans les documents des Nations Unies, tout comme il a refusé de signer un document des Nations Unies sur la discrimination contre les homosexuels pour les mêmes raisons.
Le principe de base du Saint-Siège est que tous les êtres humains sont considérés comme égaux, en dépit de leur orientation sexuelle. Pour cette raison, il ne peut soutenir la catégorisation des personnes en fonction de leur comportement sexuel – ce qui est à l’origine du terme LGBT -, ni un document qui parle de discrimination à l’encontre des homosexuels. Le Saint-Siège met l’accent sur la nécessité de défendre chaque être humain.
Dans une perspective plus large, le Saint-Siège a toujours été méfiant à l’égard de termes tels que “islamophobie” et “christianophobie” (bien qu’il ait utilisé ce terme à l’occasion [en 2011!!]), toujours selon le principe de ne pas juger les gens sur la base de catégories. Favoriser la dignité humaine signifie aussi comprendre les raisons intérieures de la haine, au-delà de toute appartenance religieuse.

Désormais, il se peut que quand le Saint-Siège se battra pour ces principes sur la scène internationale et rejettera la terminologie LGBT, certains se rappelleront que le Saint-Siège a déjà utilisé le mot LGBT dans un document, affirmant que cela signifie que la catégorie a été formellement acceptée.
Cela peut sembler une possibilité lointaine, ou une simple question de détails. Mais rien n’est un détail, dans les congrès internationaux. Le Saint-Siège le sait: tout est traité avec le plus grand soin, du choix des mots aux thèmes à développer.

Interrogé sur la raison pour laquelle le terme LGBT a été inclus dans le document de travail du Synode, le Cardinal Baldisseri, secrétaire général du Synode, a répondu que le document ne faisait que reprendre le document final du pré-Synode des jeunes [cf. Le synode des vieux jeunes et Ce document sur le Synode, rédigé par les jeunes?], qui a été suivi fidélement.
Il s’agissait d’écouter les jeunes. Mais cela engendre aussi des problèmes. Le document du pré-Synode des jeunes est né d’une réunion de jeunes à huis clos, loin de Rome, où les participants étaient invités à répondre à des questions qui conduisaient évidemment à ces réponses. Il y avait presque la volonté que les jeunes décrivent la réalité de cette façon.
En fait, le terme LGBT n’est pas inclus dans le document pré-synodal, le Cardinal Baldisseri s’est au minimum trompé [lui aussi!!]. Mais même s’il l’était, le document pré-synodal n’est pas un document officiel du Vatican. Les jeunes ont répondu aux questions, mais dans certains cas, ils se sont également plaints que l’ensemble du texte final semblait avoir été pré-compilé.
La vérité est que, dans ce cas aussi, il y avait un manque de volonté de l’Église d’éduquer les gens. La pastorale de l’oreille n’est pas accompagnée de la diffusion du message chrétien.

En supposant le pire, on pourrait dire que c’est arrivé en toute mauvaise foi. Qu’il y a un agenda derrière le dos du Pape François [???] qui vise à changer la doctrine, ou à mettre en crise l’Église et des pratiques pastorales consolidées avec des ajustements marginaux qui, au début, n’engendrent pas de scandale.
Et si l’on a mauvais esprit, on pourrait conclure que le Pape est mal informé, comme on pourrait le déduire du fait qu’il a dit dans l’interview de Reuters qu’il a pris connaissance de la lettre des Dubia dans les journaux.

Toutefois, ces préoccupations peuvent être exagérées.
Au-delà des agendas et des pressions idéologiques, c’est la façon dont les choses sont gérées qui est devenue superficielle. C’est ainsi que des idées potentiellement bonnes comme la pastorale de l’oreille peuvent devenir des boomerangs. Parfois de plein gré, parfois à contrecœur. C’est le risque du dialogue à tout prix promu par le Pape François.

 

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