Au fond, il faut bien dire qu’on ne sait plus trop ce qu’est la louange aujourd’hui. On la confond facilement avec action de grâce, effusion de joie ou glorifier. Pourtant ce n’est pas exactement la même chose.
Glorifier Dieu consiste à faire apparaître l’éclat divin. Nous n’apportons rien à la gloire de Dieu lorsque nous glorifions. Nous « rendons gloire », c’est-à-dire que nous manifestons au grand jour la gloire même de Dieu. Une gloire qui ne cesse jamais, mais que notre glorification rend apparente, présente au moment de notre action de glorification. Raison pour laquelle, au passage, un gloire à Dieu liturgique est très codifié. Il ne s’agit pas, en effet, d’inventer une gloire à Dieu, mais de manifester sa véritable gloire et particulièrement ce qu’est sa gloire (et dont le Gloria liturgique nous révèle le contenu).
L’action de grâce, pour sa part, est notre remerciement pour un bienfait divin. Le plus grand étant le don du Fils, que nous retrouvons dans la Sainte Eucharistie. Même si nous avons des milliers de raison de remercier Dieu, nous ne sommes pas dans l’action de grâce permanente.
L’effusion de joie est un sentiment qui vient de nous du fait d’être en présence de l’Être aimé. Mais c’est un sentiment qui nous est personnel.
Or la louange a ceci de particulier qu’elle est collective. La louange c’est rendre grâce à Dieu en prenant le monde, les autres à témoins. Elle peut être sobre et sans effusion ni débordement de joie ni manifestations extérieures. La louange passe du « Je » au « nous », grâce au « Je » qui invite le nous à se réjouir.
Lorsque l’Ancien Testament parle de sacrifice de louange, nous comprenons combien la louange est un acte sacré qui tourne notre action de grâce vers le divin. Mais on perçoit également qu’il y a quelque chose de rituel, de cultuel presque dans la louange. Le peuple de Dieu se tourne ensemble vers son Père pour le louer. C’est cet état de grâce originel d’Adam et Eve qui se promènent avec leur Dieu dans le jardin d’Eden. C’est la perte de cette intimité collective de communion que le psalmiste cherche tout au long des 150 psaumes.
Ce que cherche le psalmiste dans toutes ses demandes, dans toutes ses imprécations, c’est de pouvoir être libéré de ce qui l’empêche de retourner à son état naturel de louange. Du reste le psautier s’achève par cinq psaumes alleluiatiques[cb1] , pour nous signifier qu’après tous les tracas de la vie, ou entre deux tracas, le psalmiste (c’est-à-dire nous) trouve sa fin ultime dans l’action de grâce partagée.
Baudouin Dalixan