Lu sur l’observatoire de la christianophobie :
Pour ceux qui croiraient encore que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est une prophétesse des temps modernes proclamant des oracles irréformables, la mésaventure survenue à une responsable du parti politique autrichien FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs, Parti de la liberté d’Autriche) les décillera définitivement. Lors d’une conférence sur le thème « Connaissance élémentaire de l’islam », la dame avait déclaré, à propos du mariage de Mahomet avec une fillette de 6 ans et de sa consommation sexuelle à l’âge de 9 ans : « Comment appelons-nous cela, si ce n’est de la pédophilie ? ». Elle fut condamnée par la justice autrichienne, mais fit appel de sa condamnation devant la Cour européenne des droits de l’homme en 2012. Cette dernière a confirmé la décision des juges autrichiens dans un arrêt rendu public jeudi 25 octobre. Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), a commenté cette décision dans un entretien accordé à FigaroVox. En voici un extrait :
Le seul véritable motif de cette décision est la peur des musulmans. La Cour le dit expressément : les autorités autrichiennes ont eu raison de condamner ces propos pour préserver la « paix religieuse » et la « tolérance mutuelle » dans la société autrichienne. Selon la Cour, les États auraient à présent, et c’est nouveau, « l’obligation d’assurer la coexistence pacifique de toutes les religions et de ceux n’appartenant à aucune religion, en garantissant la tolérance mutuelle ».
La Cour développe plusieurs arguments à l’appui de sa conclusion.
D’abord, elle juge l’intention même de la conférencière, et la condamne en estimant qu’elle n’a pas tant cherché à informer le public qu’à « dénigrer » Mahomet et à démontrer « qu’il n’est pas digne d’être vénéré », et par suite à inciter à la violence. Ainsi, dénigrer Mahomet n’est pas protégé par la liberté d’expression : il ne faudrait en parler qu’avec respect et des bonnes intentions !
La Cour a jugé ensuite – de façon incroyable – que ces propos n’étaient pas l’expression d’un fait mais d’un jugement de valeur personnel et hostile, car la conférencière n’aurait pas resitué les faits dans leur contexte historique, ni précisé que la première épouse de Mahomet était bien plus âgée que lui. Dès lors, elle aurait «généralisé» la pédophilie de Mahomet de façon malveillante. Pour la Cour, alors, la conférencière était de mauvaise foi, et c’est « légitimement » que les musulmans auraient pu se sentir « offensés » par ces propos et que les juridictions autrichiennes les ont condamnés.
Cette décision est grave à mes yeux. D’abord parce qu’elle se résigne à l’intolérance et même à la violence des musulmans face à la critique, et qu’elle renonce à défendre fermement la liberté d’expression sur l’islam. En fait, c’est la violence même des musulmans qui justifierait et exigerait que leurs croyances soient davantage protégées contre les critiques.
Plus profondément, cette décision est aussi très grave car elle fait primer les objectifs de « tolérance mutuelle » et de « coexistence pacifique » sur la liberté de pensée et d’expression en matière religieuse. Elle permet de museler la critique de l’islam au nom du vivre-ensemble. Cela va à rebours de la modernité occidentale qui exige au contraire de soumettre l’islam à la critique historique, sans peur de bousculer les croyances de ses adeptes et même de provoquer des tensions.
Mais pour estimer et protéger le débat critique et la controverse, il faut encore croire en la vérité et en la vertu. Ce n’est malheureusement pas le cas de cette décision qui est purement relativiste. Faire de la tolérance et de la coexistence des valeurs et des objectifs en soi est une abdication de l’esprit. La société européenne ne doit pas renoncer à être fondée sur la justice et la vertu qui sont, par définition, intransigeantes.
Ultimement, la logique de la coexistence et du vivre-ensemble repose sur le dogme absurde de l’égalité des religions. Pour ma part, je suis convaincu qu’il est urgent de détruire ce dogme, de critiquer et de comparer les religions par rapport à leur contribution au bien de l’humanité. Quant à la liberté d’expression, je pense que seule la diffusion d’obscénités gratuitement offensantes et inutiles au débat ainsi que les propos incitant à la violence immédiate peuvent être restreints. Tout autre propos – surtout lorsqu’il s’appuie sur des faits réels – devrait être protégé au titre de la liberté d’expression.
La décision rendue par la CEDH aurait justifié la condamnation des caricatures de Charlie Hebdo, mais aussi de Voltaire, Ernest Renan ou encore Auguste Comte. La Cour européenne des droits de l’homme n’est pas vraiment Charlie…
Source : FigaroVox, 26 octobre