Après notre article rapportant les propos du cardinal Vingt-trois à l’issue de l’Assemblée plénière de Lourdes cette année, un lecteur pousse l’analyse plus loin et nous propose ses réflexions. Nous les publions, sachant que le sujet est tendu et que nombre de catholiques se sentent orphelins d’évêques sur ces questions.
Je suis de ceux qui rappellent que le “gaudium-et-spisme” à la française, qui a consisté pour bien des évêques “de notre pays” à réduire fréquemment, ou à soumettre très souvent, leur discours sur et vers l’homme et le monde contemporains, à ce que l’on trouve dans la deuxième partie de Gaudium et Spes, a été mis à mort, une première fois, par la publication de la lettre encyclique Veritatis splendor, du Pape Jean-Paul II, ce qui explique grandement pourquoi cette lettre encyclique n’a pas donné lieu à une réception en plénitude, en France.
Ce sont les événements des années 2012-2013 à 2015-2016 qui ont mis à mort, une deuxième fois, le “gaudium-et-spisme” à la française, et les évêques français en ont conscience, mais n’osent pas encore, et n’oseront peut-être jamais, en tirer les conclusions qui s’imposent.
Les deux conclusions qui s’imposent sont en effet à peu près les suivantes :
– d’abord, il est nécessaire que les évêques français changent de langage, et cessent de s’exprimer, comme ils l’ont fait ou le font si souvent, à peu près comme s’ils étaient des économistes, des philosophes, des psychanalystes ou des sociologues agnostiques et humanistes ;
– ensuite, il est nécessaire que les évêques français changent de logique, et aient le courage et la franchise de passer d’une logique porteuse d’un accompagnement humanisateur, qui est “parfois” à la limite du suivisme, à une logique pleinement propice à une alternative christianisatrice.
L’irénisme systématique a un caractère aporétique et une composante utopisante, et je peux comprendre que le cardinal Vingt-Trois, entre autres évêques, exprime ou ressente à la fois de l’embarras et de l’impuissance, alors que la dégradation de la situation constitue un démenti de tout premier ordre, en direction des orientations fondamentales qui sont celles de l’épiscopat français, qui, au moins jusqu’à la fin de l’année 2014, n’a jamais été énergiquement ni explicitement
– contre la soumission d’au moins une partie de la population et du territoire “de notre pays” à l’intégrisme islamique,
– contre la soumission d’au moins une partie de l’esprit public et du corps social “de notre pays” à la mentalité postmoderne,
– contre la poursuite de la construction de la désunion européenne, conséquence prévisible, et qui a été prévue, d’une UE à laquelle ils ont, hier, plutôt dit oui…
Les “habitants de notre pays”, catholiques ou non, chrétiens ou non, croyants ou non, français ou non, ont besoin d’évêques clairvoyants et courageux, pleinement capables de remettre en cause un “gaudium-et-spisme” qui a été adapté à la situation, dans le meilleur des cas, jusqu’à la fin des années 1980, et pleinement capables de s’approprier et d’utiliser, d’une manière féconde, des thématiques tells que celles de l’autorité de l’Etat, de la communauté nationale, de l’identité de la France et de la sécurité des Français, alors que les mêmes évêques n’ont jamais vraiment beaucoup aimé ces thématiques, depuis déjà plusieurs décennies.
Il ne s’agit pas de leur demander d’être “de droite”, mais il s’agit de leur demander d’être infiniment plus réalistes, et infiniment moins “sociétalistes”, que jusqu’à présent. Autant leur demander l’extrêmement difficile, sinon “l’impossible”.