La découverte du Saint-Sépulcre par Constantin

La découverte du Saint-Sépulcre par Constantin

Alors que l’on vient de soulever la dalle du Saint-Sépulcre, fait rarissime, l’occasion est donnée à Françoise Thelamon de nous rappeler le contexte de sa redécouverte par l’empereur Constantin.

Qu’en-fut-il entre 325/6 et 335 de l’exhumation de vestiges saints sur le Golgotha –partie septentrionale de la colline de Sion – et des constructions grandioses qui y furent élevées ?

Eusèbe, évêque de Césarée de Palestine, en fait le récit dans la Vie de Constantin, biographie élogieuse du premier empereur chrétien écrite entre 335/6 et 339. Proche de l’empereur « aimé de Dieu », contemporain des événements, il reproduit des documents où Constantin, maître de tout l’Empire romain en 324, invoque le « Dieu Très-Haut, Maître de l’Univers », le « Dieu Très Saint », auquel il réfère ses victoires : « C’est en faisant porter partout devant moi son sceau (sphragis) que j’ai conduit mon armée à la victoire ». Il s’agit de la croix (stauros) qui lui était apparue dans le ciel en 312. L’empereur ordonne notamment de restaurer les églises, de les agrandir, d’en construire de nouvelles. C’est dans ce contexte qu’il adresse, fin 325, à l’évêque de Jérusalem, Macaire, cette lettre :

« Que la preuve de la Passion très sainte, cachée depuis longtemps sous la terre, ait échappé aux regards pendant tant d’années, jusqu’au jour où elle devait briller à nouveau […] cela passe vraiment toute admiration. […] La foi en ce miracle dépasse toute capacité de la raison humaine […] Ce qui me tient le plus à cœur, c’est d’orner par de belles constructions ce lieu sacré que, sur l’ordre de Dieu, j’ai débarrassé de l’ignoble idole qu’on lui avait ajoutée ; ce lieu est devenu saint dès l’origine par le jugement de Dieu et il est manifestement bien plus saint encore depuis qu’il a fait voir en pleine lumière sur quoi se fonde la foi en la Passion salutaire. »

Il s’agit donc ici de la découverte de la Croix et Constantin est le premier à utiliser le terme de « lieu saint ». Il charge Macaire d’édifier une basilique plus belle que partout ailleurs ; le préfet d’Orient et le gouverneur de la province pourvoiront à tous les besoins en artisans, ouvriers, matériaux, dont les marbres et les colonnes, que Macaire demandera et insiste pour que les caissons du plafond soient rehaussés d’or.

Mais qu’en est-il du sépulcre ?

Eusèbe en parle dans l’introduction à cette lettre et dans la description des constructions qui la suit. Discordance apparente entre la lettre et les commentaires, mais Eusèbe écrit dix ans plus tard : les fouilles se sont poursuivies et le tombeau a été découvert. Après avoir rappelé l’enfouissement du site – suite à l’échec de la seconde révolte juive en 135, Hadrien avait implanté sur les ruines de Jérusalem la ville d’Aelia Capitolina – le remblaiement, le pavement sur lequel avaient été élevés des édifices et statues à Aphrodite, Eusèbe fait état de leur démolition, puis des fouilles qui permettent la mise au jour de la « grotte sainte […] image fidèle du retour du Seigneur à la vie » : « Lorsqu’un niveau remplaça l’autre et qu’apparut le fond de l’emplacement, alors l’auguste et très saint monument qui témoigne de la résurrection salutaire apparut ».

constantin-tombeau

Et c’est en lien avec cette découverte qui lui est postérieure, qu’il cite la lettre de Constantin et commente : « Les ordres furent exécutés et à l’endroit du martyrium salutaire était édifiée la nouvelle Jérusalem […] L’empereur exalta, avec une somptueuse munificence, la victoire du Sauveur sur la mort ». On édifia un vaste ensemble architectural : à l’est une basilique à cinq nefs, au plafond lambrissé recouvert d’or, appelée le Martyrium, précédée de propylées et d’un parvis ; il ne mentionne pas que dans une de ses chapelles se trouvait la Croix enfermée dans un reliquaire. Un grand atrium à portiques et exèdres où le petit monticule du Golgotha était intégré, la reliait au Saint Sépulcre : le tombeau creusé à flanc de colline détaché du rocher sous la forme d’un bloc à ciel ouvert fut somptueusement paré de « colonnes précieuses et d’une riche décoration » mais pas encore de la rotonde de l’Anastasis (résurrection) édifiée ensuite. L’ensemble, « témoin éclatant de la résurrection du Sauveur », avait été décoré « avec une royale magnificence ».

Au-delà de la chronologie des découvertes, deux approches complémentaires se manifestent ici. Ayant compris l’enjeu de débats théologiques qu’il ne maîtrisait guère avant le concile de Nicée, Constantin voit donc dans l’«invention» de la Croix un miracle qui confirme la vérité de la foi en la divinité du Christ, qui exalte la « preuve de la Passion salutaire », qui authentifie le signe par lequel le Christ lui a permis de remporter ses victoires. Eusèbe, plus sensible à la valeur symbolique du « signe salutaire » qu’à la relique, ne dit rien de la découverte de la croix, et met l’accent sur celle du tombeau et sur la Résurrection.

Source Cyrano.net

Articles liés

Partages