de Bernadette Sauvaget dans libération:
Ces temps-ci, le pape François irait plutôt couci-couça. L’âge venu (il a atteint 81 ans), sa démarche est lourde et incertaine. Il monte difficilement les escaliers, s’appuyant souvent sur les bras de ceux qui l’entourent et trébuche fréquemment. C’est encore arrivé publiquement la semaine dernière lors d’un déplacement à Genève. Mais surtout, le jésuite argentin s’est pris les pieds dans le tapis dans deux affaires d’importance qui ont écorné son aura et son autorité. Sans vraiment remettre en cause sa (encore) grande popularité dans l’opinion publique mondiale.
En février, le Vatican a même frôlé le «Françoisgate» à cause du dossier ultrasensible de la pédophilie, sur lequel le pape a donné une impression de flottement et d’ambiguïté. Lors d’un voyage calamiteux au Chili, il avait apporté un soutien inconditionnel à l’évêque Juan Barros, soupçonné d’avoir couvert les agissements du prêtre pédophile Fernando Karadima. Le chef de l’Eglise catholique avait alors suggéré que ces soupçons étaient de la calomnie et réclamé qu’on lui apporte des preuves. Mais voilà, il est très vraisemblable qu’il les avait déjà, ces preuves. Au moins qu’il avait été personnellement alerté.
Flair
Quelques semaines après ce voyage au Chili, la presse anglo-saxonne révélait la lettre qui lui avait été adressée, en avril 2015, par une ancienne victime du prêtre Juan Carlos Cruz. Le courrier avait été remis en mains propres au cardinal américain Sean O’Malley, en charge du dossier de la pédophilie au Vatican, avec pour mission de la transmettre au pape. A la suite de cette publication, François et le Vatican ont rétropédalé à vive allure : envoi d’une mission sur place, rapport de 2 300 pages, longues rencontres au Vatican entre le pape et trois victimes de Karadima, repentance du chef de l’Eglise catholique – une première dans ce genre de situation – et démission collective de l’épiscopat chilien. Homme d’un grand flair politique, François a réussi à rétablir in extremis la situation.
Crash
Sur une autre affaire, plus confidentielle, le pape vient d’essuyer un grave revers. Il y a quelques mois, la Conférence épiscopale allemande avait décidé d’autoriser le conjoint protestant d’un(e) catholique à accéder à la communion s’ils assistaient ensemble à la messe. Un dossier byzantin pour l’opinion publique. Mais, en interne, la décision allemande constituait une grande avancée. Las ! Un petit groupe de sept évêques conservateurs allemands, opposés à cette mesure, en ont appelé au Vatican et y ont trouvé des soutiens pour se faire entendre. Le pape et son ami le cardinal Reinhard Marx (oui, oui…), patron des évêques allemands, ont dû reculer. Si l’affaire est importante, c’est parce qu’elle remet en cause l’un des axes forts de la réforme que veut entreprendre le pape François : décentraliser l’Eglise catholique en autorisant les conférences épiscopales à prendre des décisions d’ordre doctrinal. Une vraie révolution dans l’Eglise catholique, formatée autour de la centralité romaine.
L’affaire allemande était une sorte de test. Il s’est soldé par un crash pour le pape, en butte à une sérieuse opposition au sein de son institution. Homme à poigne et autoritaire, le jésuite argentin y fait quand même face, bon an mal an. Et sait surtout jauger lorsqu’il faut reculer.
Mais les années lui sont désormais comptées. Indéniablement, le pontificat entre dans sa dernière période. La plus difficile, sûrement. D’autant que le Vatican et le pape ont connu, sur un terrain plus politique celui-là, deux défaites cuisantes : la chute du bastion catholique irlandais (le pays est en marche pour autoriser l’IVG) et l’arrivée au pouvoir d’une droite extrême et populiste en Italie. François, c’est sûr, a connu des jours meilleurs.