Jésus commande de prévenir en secret le frère délinquant, puis, si nécessaire, devant témoins, avant de le dénoncer éventuellement devant l’Église (Mt 18, 15-17). Mais par ailleurs, il nous met en garde contre le désir de tenter d’ôter la paille de l’œil d’autrui sans voir la poutre chez soi (Mt 7, 3). Rien de bien simple donc ; et en tout cas, c’est une invitation à ne pas se précipiter : la jurisprudence protège le fidèle contre les Torquemada improvisés au zèle impétueux au risque de devenir meurtrier.
Les moralistes précisent les conditions pour appliquer l’ordre du Seigneur : il s’agit du domaine du péché mortel à faire éviter. Il faut alors intervenir avec la chance probable d’être efficace. Enfin, l’admonestation ne doit pas entraîner un mal plus grand. Si une autorité supérieure à la mienne peut et doit agir, je ne suis pas tenu d’intervenir, je dois me contenter de prévenir celle-ci. Tout cela, simple à énoncer, se lit dans les livres.
L’essentiel est pourtant de replacer ce devoir prescrit par Jésus dans le cadre de la charité fraternelle. Saint Thomas rattache en effet la correction fraternelle à la charité plutôt qu’à la justice, qui doit par ailleurs suivre son cours normalement. Le mot français est trompeur, faisant penser malencontreusement à la « fessée ». Non, la correction est « une sorte d’aumône spirituelle, un acte de charité, pour écarter d’un frère le danger qu’est le péché » (IIa-IIae Qu. 33, a. 1).
Lire la suite de ce qu’écrit « un moine » sur l’Homme nouveau