La Bible en ses Traditions est un projet de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, qui a l’intention de mettre en ligne une édition révisée de la Bible, associant les versions hébraïque, grecque, araméenne et latine de l’Écriture sainte et proposant une annotation du texte, du contexte et de sa réception dans les différentes traditions religieuses et culturelles. Le mercredi 7 décembre, les Rencontres du Figaro accueilleront Michael Lonsdale et le frère dominicain Olivier-Thomas Venard, salle Gaveau pour une conférence exceptionnelle. Le frère Olivier-Thomas Venard, vice-directeur de l’École biblique est à la tête de cet ambitieux projet.
L’Ecole Biblique de Jérusalem souhaite offrir au public cultivé une édition actualisée de l’Écriture, sans oublier que traversant siècles et langues, porté jusqu’à son lecteur par les traditions des communautés qui le précèdent, le texte biblique n’a jamais été un objet figé. La « BEST » entend restituer au texte biblique la caisse de résonance qu’est l’histoire de sa réception.
D’après le frère Olivier-Thomas Venard, qui a répondu au Figaro le 6 novembre dernier, toutes les Bibles actuellement disponibles présentent un texte qui est paradoxalement artificiel: c’est en gros une reconstitution du texte «original» faite par des savants. Le problème est que l’original est introuvable et, dans certains cas, n’a peut-être jamais existé. Car la Bible est moins un livre qu’une bibliothèque qui a recueilli progressivement des livres écrits, édités et remodelés, en deux ou trois langues, pendant près d’un millénaire. Saisies dans l’histoire réelle, les Écritures se donnent donc d’emblée comme diverses. De même que les chrétiens ont quatre Évangiles qui racontent la même histoire, mais avec bien des différences entre eux, presque un tiers de l’Ancien Testament se présente à nous en plusieurs versions: en hébreu, en grec, en latin, en syriaque, elles-mêmes diversifiées, sans que l’on puisse donner de priorité absolue ni systématique à l’une d’entre elle. Or ceci n’est pas un défaut à corriger, c’est une richesse! Le projet consiste donc à mettre en ligne les différentes versions du texte sans privilégier l’une ou l’autre au nom d’une souvent discutable «authenticité».
Selon le frère Bruno Cadoré, maître de l’ordre des prêcheurs, le projet va permettre de renforcer, promouvoir le dialogue entre les sciences technologiques et les sciences bibliques, entre les sciences théologiques et les sciences humaines. C’est aussi un projet qui va surement faciliter le rapport entre la tradition et les recherches contemporaines. Et puis, il va mettre en évidence comment il s’est établi un dialogue entre la Parole de Dieu et les arts, de quelle manière la Parole a été reçue par l’humanité, de quelle manière la Parole est devenue vraiment une Parole Vivante.
Le projet est guidé par trois principes :
– La restitution d’une polyphonie à travers la diversité des traditions textuelles : De nombreux passages, voire des livres entiers nous sont arrivés portés par plusieurs traditions textuelles. Cela rend aléatoire la restitution et même la définition d’un « original ». Du moment que ces formes diverses du texte auront fait l’objet d’un usage liturgique, le projet ne cherchera pas à réduire ces différences mais plutôt à souligner la façon dont elles expriment une foi commune sous des formes variées. Le canon retenu est celui de la Vulgate latine fixée par le Concile de Trente en 1546, qui reprend celui de la Septante par laquelle les chrétiens ont reçu les Écritures.
– Faire gouter dans la traduction, une « saveur originale » : Le traducteur de la BEST maintient deux exigences simultanées : Premièrement, dans la traduction elle-même, il prend nettement le parti du texte de départ, et préfère le respect des figures présentes en langue-source à la facilité de lecture dans la langue d’arrivée. Sa maxime est : « ni plus obscur, ni plus clair, que l’original ». Deuxièmement, il propose des notes philologiques, allant de la grammaire à la prosodie, signalant les faits littéraires les plus importants qui ont servi de points d’appui aux interprétations ultérieures. Il signale les meilleurs résultats des méthodes d’analyse littéraire de l’exégèse biblique contemporaine.
– A travers les annotations, distinguer pour mieux unir : Une attention particulière est portée aux jeux de l’intertextualité, extrabibliques et intra-bibliques. Une attention particulière sera portée aux jeux intertextuels à l’intérieur de l’Ancien Testament lui-même et surtout entre les deux Testaments. L’annotation inclut en outre une sélection parmi les interprétations traditionnelles, éventuellement en débat ; les patrologies grecque, latine, syriaque seront mises à profit. L’histoire de ces interprétations, prolongées ou contredites par l’exégèse des scolastiques, des réformateurs (Luther, Calvin) et celle des traditions juives (targums, littéralistes médiévaux), fait l’objet d’une synthèse
Le texte pourra être illustré aussi par les témoins marquants de la réception du texte édité dans la culture, de la littérature aux arts visuels. Ainsi, lors de la lecture du Sacrifice d’Abraham (Gen 22, 1-19), on pourra se référer par exemple au célèbre tableau du peintre italien Le Caravage ou au motet de Marc-Antoine Charpentier « sacrificium Abrahae ».
L’innovation la plus visible de BEST est la présentation analytique de l’annotation. Les notes sont divisées et réparties le plus rigoureusement possible en plusieurs registres. Le but de cette présentation est double. D’une part, rendre l’annotation aussi transparente et documentaire que possible, en distinguant chaque aspect du commentaire. D’autre part, manifester l’enracinement profond dans des faits textuels, littéraires et traditionnels des interprétations proposées.
L’équipe qui travaille sur le projet est déjà composée de 146 membres originaires du monde entier, mais l’Ebaf lance sur le blog du projet un appel à l’aide : « S’il vous plaît, envisagez de nous rejoindre quel que soit votre domaine d’expertise… Si vous avez un intérêt pour la Bible et sa réception au cours des 20 derniers siècles, nous serions ravis de vous avoir à notre bord. Afin de proposer une note dans votre domaine d’expertise, de prendre en charge l’édition d’un livre complet, vous êtes les bienvenus. Veuillez contacter: [email protected] »