En chinant dans un étal de libraire d’occasion, mon attention est retenue par un livre de Marion Cahour, « Les chevaliers de l’île aux pies ». Tous les vieux Nantais ou presque connaissent « Le brin de causette », sis à côté de l’église Saint Similien, havre d’accueil qu’elle avait ouvert en particulier pour les clochards et les jeunes à la dérive, qui fréquentaient le marché de Talensac tout proche.
Ce livre a été publié en 1946 par les éditions catholiques Alsatia dans sa célèbre collection Signe de Piste, qui a enchanté mon enfance. Qui ne connaît pas chez cet éditeur la série exceptionnelle du Prince Eric de Serge Dalens ou le talentueux Pierre Joubert illustrateur de nombreux ouvrages de la collection dont celui de Marion Cahour ? (à commander ici)
Dans l’avant-propos, elle précise l’avoir écrit en 1940 alors qu’elle avait été réquisitionnée pour remplacer le seul médecin, parti aux armées, d’un coin de « la fine pointe de la France ». En « cette année qui faillit sonner comme un glas… comme à tous les coups durs de notre existence, nous avons senti le besoin impérieux, immédiat de nous réfugier dans un rêve dont le fruit inattendu fut ce livre » écrit-elle.
En effet, cet ouvrage est un récit d’aventures réaliste sur la vie difficile d’un enfant dans un milieu populaire de pêcheurs bretons. Mais il sera sauvé par la rencontre d’une sorte d’ermite poète en venant au secours d’un autre enfant de famille aisée à l’existence encore plus risquée. Marion Cahour fait souffler l’esprit des bardes, de la nature, tout en décrivant déjà les ravages de l’alcoolisme qui sévit dans la région. Ce combat sera au centre de ses engagements avec sa foi catholique.
Née en 1908 à La Baule, Marion Cahour est bretonne par son père, écossaise par sa mère. Baptisée à sa demande à l’âge de 14 ans, sa foi catholique inspirera tous les choix de sa vie. Après des études de médecine à la faculté de Nantes puis à celle de Paris, elle exerce au sein de l’Assistance publique puis des écoles de la ville de Paris avant de revenir à Nantes, comme médecin scolaire. Elle y retrouve les dégâts et la misère engendrés par l’alcoolisme .
« Ma jeunesse a été profondément marquée par le fléau de l’alcoolisme. Ma vie de femme-médecin de campagne me faisait toucher du doigt les effroyables fléaux sociaux. Toucher du doigt, encore, l’inutilité de mes ordonnances, de mes terrifiantes prophéties » dira t-elle plus tard.
Elle crée et assure la première consultation anti-alcoolique du département. Elle s’y investira même après l’âge de la retraite. Elle ouvre également des maisons de post-cure dans la région nantaise.
En 1979, en pèlerinage à Lourdes, elle se retrouve confrontée à l’alcoolisme. Avec deux de ses amies, Marie-Claire et Zélie, elles profitent de la procession aux flambeaux pour faire passer leur message. « Jésus Sauveur guéris-nous de l’alcool, Merci ! ». Cet appel sera à l’origine de la mission des Pèlerins de l’Eau Vive.
Elle meurt en 2000 dans sa 93ème année après une vie animée par sa foi et consacrée aux déshérités, en particulier par cette lutte permanente contre le fléau de l’alcoolisme.
La municipalité nantaise serait bien inspirée, elle qui souhaite féminiser les noms de rue, d’honorer cette femme exceptionnelle.