Le journal Les Echos a mené une enquête sur le commerce de la Gestation Pour Autrui (GPA) aux Etats-Unis. Un marché né il y a une trentaine d’année, qui représente aujourd’hui un volume d’environ de « 4 milliards de dollars » par an selon le cabinet Harris Williams&Co. Des dizaines d’agences proposent de mettre en lien mères porteuses et couples « en désir d’enfants ». Parmi elles, « trois mastodontes, qui ‘réalisent’ chacune des centaines de grossesses par an » : Center for Surrogate Parenting et Growing Generations à San Francisco, Circle Surrogacy à Boston. La société américaine pour la médecine reproductive estime que 2 000 mères porteuses donnent la vie chaque année aux Etats-Unis. Mais pour Mary Murphey, qui gère elle-même une agence dans le Wisconsin, ces chiffres sont sous-estimés « pour ne pas attirer l’attention ».
En outre, « d’argent, on parle le moins possible : les américains disent que les ovules sont ‘donnés’, alors qu’ils sont vendus à des prix variables, parfois exorbitants, selon les qualités physiques et intellectuelles des donneuses ». Les demandeurs sont mal à l’aise à ce sujet : « Ce n’est pas comme d’acheter des chips : personne n’a envie de reconnaitre la dimension commerciale des bébés »,analyse Debora Spar, auteur du livre The baby business : how money, science and politics drive the commerce of conception. Dans ce business, « le prix est moins important que sur un marché classique. Ce qui est paradoxal, c’est que 90% de la population fabrique gratuitement des bébés. Les autres paient entre 25 000 et 15 000 dollars selon les traitements. Il n’y a pratiquement aucun marché où l’on trouve une telle distorsion ».
Les Etats-Unis étant « le seul pays occidental à autoriser la commercialisation de l’utérus, des ovules et du sperme », les demandes affluent du monde entier : « Il y a quatre ans, la clientèle internationale ne représentait que 20% des dossiers déposés auprès de Stuart Bell, qui dirige Growing Generations ; aujourd’hui, c’est plus de la moitié ». Face à la concurrence des pays émergents où les prix pratiqués sont bien moindre, les Etats-Unis « rassurent » avec leur « horde d’avocats et de médecins ». Car si quelques « garde-fous » ont été fixés par la Société américaine pour la médecine reproductive, ce business « échappe pratiquement à toutes règlementation ». « N’importe qui peut créer une agence de mères porteuses », constate Mary Murphey. Suite au scandale de l’affaire « baby M » dans les années 80, où la mère porteuse avait refusé « de donner le bébé qu’elle portait au père biologique et à son épouse », les avocats « exigent aujourd’hui que l’ovule ne soit pas celui de la mère porteuse, afin qu’elle n’ait aucun lien génétique avec le nourrisson ». Les agences préfèrent également « les mères porteuses ayant fini de créer leur propre famille – la tentation de garder le bébé étant alors moins grande ». Mais « les problèmes » viennent aussi des futurs parents, qui changent d’avis au cours des neuf mois, « parce qu’ils divorcent ou que le fœtus présente une anomalie par exemple ». « Les Américains sont tellement obsédés par la consommation, tellement englués dans cette approche ‘j’ai le droit d’avoir un bébé’ qu’ils préfèrent fermer les yeux sur les questions éthiques », conclut Abby Lippamn, de l’université Mc Gill.
Une autre pratique se répand outre-atlantique, la congélation de gamètes ou d’embryons. Encouragée et financée depuis trois ans par des sociétés comme Apple ou Facebook pour leurs salariées (« Facebook subventionne aussi le recours aux mères porteuses »), cette pratique est suivie dans de nombreuses entreprises aujourd’hui. Ces « programmes de fertilité » sont comparés au financement de la contraception via des contrats d’assurance santé. « Maitriser » dans les deux cas sa fertilité, une « même logique ».