Le P. Michel Viot recevait Alain Wagner et Odon Lafontaine (Olaf) dans son émission du 2 septembre 2018, pour une discussion sur le thème « islam de France » : l’heure de vérité
Elle va bientôt sonner, et ce sera à propos d’une question majeure non seulement pour la France, mais encore pour l’Europe. Je dis cela parce que notre pays a toujours su exporter ses idées, les meilleures, comme les pires ! Il suffit de connaître un peu l’histoire. Car il est vrai que pour le présent, depuis environ la seconde moitié du siècle précédent, nous subissons plutôt que nous influençons – y compris par les effets « boomerang » de la French Theory.
Mais pour ce à quoi je pense, c’est la nature même de l’évènement qui va nous placer sous les projecteurs de l’actualité. Je veux parler en effet de l’organisation de l’islam de France sous la houlette de l’Etat.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà écrit à plusieurs reprises à ce sujet, voir par exemple mon blog du 25 février 2018 ayant pour titre « Un Préfet ou un Calife pour l’Islam de France »
Je veux simplement aujourd’hui attirer l’attention sur la question des formes que va prendre l’intervention de l’Etat. De leur nature va, en grande partie dépendre le résultat, lequel va avoir des conséquences directes sur la paix civile et religieuse de notre pays et au-delà de ses frontières. N’oublions pas non plus que jusqu’à présent aucun gouvernement français n’a été capable de résoudre ce problème tant les difficultés à surmonter étaient grandes.
Je vais d’emblée signaler les principales. Il y a en tout premier lieu le refus de nos politiques et de leur appareil médiatique de prendre en compte deux réalités.
La première concerne la loi de 1905, et surtout son maintien contre vents et marées jusqu’à nos jours. Je tiens à cette précision, parce que je suis réaliste et que je crois connaître mon histoire de France. Je peux en effet comprendre qu’après les tempêtes soulevées par l’affaire Dreyfus, les positions inqualifiables de certains catholiques en matière d’antisémitisme, le peu d’intérêt de la bourgeoisie française pour la doctrine sociale de l’Église, il se soit trouvé au parlement une majorité de gauche, anticatholique disposée à voter la loi de séparation en 1905. Et ce surtout si on prend garde à la manière nouvelle dont Émile Combes utilisa le Concordat à partir de 1902 (son arrivée à la présidence du conseil des ministres). Mais quelques années après ? D’ailleurs en Algérie, qui faisait encore partie de la France, l’Etat se garda bien d’ignorer les religions, entre autre à cause de la présence de l’islam. Dans les faits, la république française ne fut pas laïque en Algérie de la même manière qu’en métropole. Cela devrait servir d’indication si on avait l’honnêteté de le reconnaître.
Et j’arrive à la deuxième réalité laissée volontairement dans le flou concernant la nature même de l’islam. Il est d’abord une loi avant même de pouvoir être considéré comme une religion. Il entraîne avec lui une législation autant civile que religieuse qui lui rend parfaitement étrangère la distinction entre le religieux et le politique, connue et pratiquée depuis des siècles tant par les milieux juifs que chrétiens. Sous toutes les formes de régimes que la France a connues, on n’a jamais admis qu’il puisse coexister plusieurs législations, même quand la royauté acceptait des particularités régionales. La république, elle, ne le fit jamais, sauf pour l’Alsace Moselle, et ce, non sans difficultés. Le débat existe toujours. Le fait que l’Etat se préoccupe d’organiser un islam de France, constitue donc non seulement une rupture de fait de ce qu’établissait la loi de 1905 concernant sa laïcité, mais pour la suite, compte tenu de ce qu’est l’islam, une obligation de revoir complètement son attitude vis à vis des religions. Car, au point où il devrait en être de sa réflexion, je crains que l’Etat n’ait pas bien compris que l’islam ne connait pas la laïcité, qu’on ne pourra pas la lui imposer et que, comme dans tous les pays musulmans, il va devoir contrôler l’islam, et par voie de conséquence, s’intéresser aussi aux autres religions qui sont pratiquées sur son sol depuis des siècles. Et cela doit commencer en même temps que l’organisation de l’islam de France. Les juifs et les chrétiens ne peuvent pas ignorer que l’islam s’est construit contre eux. Les textes fondateurs de l’islam et 1000 ans de jurisprudence islamique sont là pour le prouver. L’ignorer ou vouloir l’ignorer serait criminel, à la manière dont le sont aujourd’hui les terroristes islamistes, à la suite des Ottomans, des Barbaresques ou des cavaliers de l’émir Abd el-Rahman arrêtés par Charles Martel (732 à Poitiers).
Certains musulmans nous disent que ces gens se sont trompés dans leur interprétation des textes sacrés, tous comme les djihadistes d’aujourd’hui, et qu’il ne faudrait pas faire d’amalgame. Soit ! Mais parlons-en, et souhaitons que l’Etat associe des observateurs juifs et chrétiens, des académiques et spécialistes de l’islam, des membres de sociétés de pensée, dans son projet d’organisation de l’islam de France.
Mais soyons clairs, si l’Etat, comme ce serait logique veut revoir ses relations avec les juifs et les chrétiens, la réciprocité ne doit jouer en aucun cas : la présence d’observateurs musulmans n’est donc pas requise.
Et, en ce qui concerne très précisément la religion catholique, cela n’aurait strictement aucun sens, et pire, relèverait de l’absurde. Un gouvernement politique n’est respectable que légitime et juste. Pour se manifester comme tel vis à vis des religions pratiquées par les citoyens sur lesquels il a autorité, il doit les traiter en fonction de leur nature propre. Des religions différentes, tant par leurs croyances que par leurs structures ne peuvent être traitées de la même manière. Si par malheur une telle. « égalité. » existait, elle constituerait un monument de monstrueuse injustice, attentatoire à la liberté de conscience dont le respect est inscrit dans notre Constitution. Outre la question de la Vérité, qui pour un catholique est essentielle et première, quand il s’agit de son Église, il y a le fait non négligeable de l’ancienneté sur le territoire français, et de son rôle historique et culturel qui prime sur toute autre organisation religieuse. Il y a enfin le lien avec Rome au travers de l’Etat souverain du Vatican avec lequel la France entretient des relations diplomatiques. Ce dernier aspect des choses, souvent négligé par certains, fait oublier la place particulière qu’occupe l’Église catholique en France, qu’il est du devoir de ses membres de défendre, et de tout régime politique de respecter. Et je rappelle que malgré l’acceptation de l’organisation d’associations cultuelles diocésaines en 1924 par Pie XI, la condamnation de la loi de 1905, dans son principe même fut renouvelée cette même année, rappelant la première condamnation de Pie X en 1906. Chacun doit donc être bien conscient du fait que les catholiques qui acceptent de discuter avec un État qui maintient une telle loi font preuve d’un grand amour patriotique pour leur pays et ne peuvent accepter n’importe quoi.
Aussi ne faut-il pas prendre les catholiques pour des idiots, même si le comportement de certains laisse à désirer. Ils savent parfaitement qu’ils gênent et que ce qu’on appelle leur manque de souplesse leur suscite bien des ennemis. La publication du rapport de Pennsylvanie la veille du 15 août concernant le signalement de cas de pédophilie entre 1950 et 2016 ne relève pas du hasard (on notera que dans le nombre de cas on n’a opéré aucun tri entre le vrai et le faux !), tout comme la réactivation de l’affaire de Lyon, sans élément nouveau, accompagnée de bien tristes commentaires au point qu’aujourd’hui il serait impossible pour les païens modernes de dire des catholiques comme aux premiers siècles « voyez comme ils s’aiment » ! De plus, une nouvelle libellule ecclésiastique des caméras est même née à cette occasion. Et le fait qu’elle ait été une larve auparavant ne console point. Quand on a le bonheur de vivre dans un Etat de droit, on respecte le temps que doit se donner la justice, et quand on appartient à une organisation hiérarchique qui vous a chargé de missions de confiance, on doit commencer par la respecter. S’il est malheureusement vrai que l’Église catholique a eu des serviteurs indignes et en a peut-être encore, il est parfaitement honteux pour certains de ses membres de traîner ou de contribuer à faire traîner dans la boue des hommes qui représentent toute l’Église, sur lesquels la justice laïque va devoir se prononcer, et selon les situations, la justice ecclésiastique. Affaiblir l’Église catholique est dans tous les cas de figure suicidaire pour ceux qui veulent maintenir notre civilisation. En crachant sur Elle, ils crachent contre le vent.
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