Face à la piètre situation de l’enseignement dans la province du Nusa Tenggara oriental, à majorité chrétienne – 54 % des 4,9 millions d’habitants sont catholiques –, le gouvernement a augmenté le budget de la province pour l’enseignement cette année. Avec l’aide de l’Église locale, il espère relever le niveau des enseignants et améliorer les infrastructures, souvent vétustes. Mais pour le père Mbula, président du comité national de l’éducation catholique en Indonésie, le véritable défi demeure la corruption et le faible engagement du gouvernement local. La population de la province mise, sans trop y croire, sur les élections du nouveau gouverneur le 27 juin pour rétablir la situation.
Depuis sa fondation, SMP Negeri 10, un collège public de la province du Nusa Tenggara oriental, souffre d’un problème majeur – il n’y a pas d’école proprement dite. Fondée en 2013 pour les enfants de Goreng Meni sur l’île de Flores, l’école n’a pas de bâtiment ni de salles de classe. Les gens, à la fondation de l’école, ont fait ce qu’ils ont pu en construisant des classes de fortune à l’aide de bambou, mais elles se sont écroulées au bout de deux ans à cause de vents violents. Les plus de 90 élèves de l’école doivent s’adapter, soit en se tassant dans une petite salle fournie par le gouvernement local, soit en s’asseyant sous un arbre pour étudier. « S’il pleut, nous devons tout ramasser en urgence et courir trouver un abri », explique le directeur de l’école, Damianus Nabit. Quant à l’école primaire catholique du village de Pong Kolong, dans le Manggarai occidental, construite en 1967, elle est désormais près de s’effondrer. Les murs, le toit et même le sol sont vétustes. « Toutes les classes sont mouillées dès qu’il pleut. Et par grand vent, nous avons peur que le bâtiment s’écroule », avoue Ystina Jemina, enseignante dans l’école.
De telles écoles sont très fréquentes dans la province du Nusa Tenggara oriental, où les catholiques représentent près de 54 % des 4,9 millions d’habitants. Cette situation illustre également la dégradation de l’éducation dans la province, évaluée juste au-dessus des niveaux de deux autres provinces à majorité chrétienne – la Papouasie et la Papouasie occidentale. Les résultats des années précédentes aux examens nationaux montrent que les élèves du Nusa Tenggara oriental sont bien en dessous de la moyenne nationale. La plupart des lycéens atteignent des résultats autour de 39 %, soit très inférieurs à la moyenne nationale de 62 %. Il y a donc beaucoup d’élèves qui quittent l’école sans réelle qualification, et qui finissent par décrocher des emplois précaires ou qui vont chercher du travail à l’étranger, ce qui risque de les exposer aux dangers de la traite des personnes.
Corruption et mauvaise gestion
Le père franciscain Vinsensius Darmin Mbula, président du comité national de l’éducation catholique, a concentré toute son attention sur la province ces dernières années, en raison du piètre état de l’éducation. Il confie que la plus grande partie du problème vient de la corruption et d’une mauvaise gestion. « Le gouvernement national et le gouvernement de la province ne se penchent qu’à moitié sur le problème », dénonce-t-il. « Le gouvernement central ne fait que distribuer des fonds au gouvernement local, sans réel contrôle. Et de son côté, le gouvernement local manque d’une vision claire pour améliorer la qualité de l’éducation. » En raison du manque de contrôle, beaucoup de fonds sont détournés, alors que l’état de bâtiments et du matériel et le niveau de compétence des professeurs sont tout simplement ignorés, assure-t-il.
Le mois dernier, un ancien membre du gouvernement du Nusa Tenggara oriental a été condamné à sept ans de prison pour avoir détourné 5,5 millions de dollars destinés aux infrastructures scolaires et à un programme éducatif pour les enfants déscolarisés. Plusieurs autres cas de détournement de fonds destinés à l’éducation font actuellement l’objet d’enquêtes. Le père Mbula ajoute que de telles pratiques ont des conséquences considérables et pour empirer les choses, la qualité de l’enseignement est également un souci majeur. « En plus du mauvais état des bâtiments et du matériel, aucun effort n’est fait afin d’améliorer la qualité de l’enseignement », regrette-t-il. « Le favoritisme flagrant de la part de fonctionnaires locaux dans la nomination des directeurs d’école au détriment des compétences n’aide pas les choses non plus », ajoute-t-il.
Le père Mbula cite également les résultats récents d’un test de compétences conduit par le ministère de l’Éducation, qui montre que les éducateurs du Nusa Tenggara oriental ont obtenu les notes les plus basses de tout le pays. Cela ne fait qu’aggraver le problème, car les enseignants sont la principale source d’apprentissage dans la province, l’accès à d’autres sources comme les livres, les journaux ou Internet étant limité. « La nomination d’un directeur est également décidée davantage en fonction de sa proximité avec les fonctionnaires locaux qu’en fonction de ses compétences », affirme le père Mbula.
Faible engagement du gouvernement local
Le gouvernement central a tenté de résoudre le problème en augmentant de façon significative le budget de cette année consacré à l’éducation pour la province. Il était de 10,9 millions de dollars l’année dernière, pour 66 millions de dollars cette année. Le secrétaire général du ministère de l’Éducation, Didik Suhardi, affirme qu’en plus de la construction de nouvelles écoles, le gouvernement souhaite améliorer les compétences des enseignants et la qualité de l’enseignement, en inaugurant de nouvelles formations et ateliers. Le gouvernement cherche également à collaborer avec l’Église catholique en construisant une école de formation à l’enseignement dirigée par l’Église. Le ministre indonésien de l’Éducation, Muhadjir Effendy, a déclaré que l’Église doit jouer un rôle important dans le futur, les écoles dirigées par l’Église étant toujours parmi les meilleures quant à la qualité de l’enseignement. Toutefois, la réussite de ces efforts dépend de l’engagement du gouvernement local, qui doit jouer un rôle plus concret dans la direction des écoles. « Je dois dire que pour l’instant, leur engagement est très faible », regrette-t-il. Muhadjir Effendy espère un changement lors des élections du 27 juin dans la province, pour élire un nouveau gouverneur. Les quatre candidats ont tous déclaré vouloir faire de l’éducation une priorité.
Le problème est qu’ils ont parlé de fournir des bourses ou d’envoyer des étudiants à l’étranger, ce qui manque les problèmes principaux, selon le père Mbula. Pour lui, le plus important est de dépenser le budget de façon efficace pour des programmes utiles. « La province a besoin d’un gouverneur qui puisse surveiller et contrôler l’utilisation des ressources, pour que celles-ci puissent contribuer à l’amélioration de la vie des gens de façon significative », ajoute le père Mbula. La population locale est plutôt pessimiste. C’est en tout cas clairement le cas de Robertus Ombe, originaire de Goreng Meni. D’habitude, durant leur campagne, tous les candidats promettent de bonnes choses, déclare-t-il. « Mais une fois élus, ils oublient très vite leurs promesses. »
Source : Eglises d’Asie