« L’Indonésie devrait examiner sérieusement l’application de la loi sur le blasphème et l’abroger. Le gouvernement doit développer un standard permettant d’éliminer la haine religieuse ». C’est ce que demande la Commission asiatique pour les droits fondamentaux (AHRC), intervenant après la condamnation du gouverneur sortant de Djakarta, Basuki Tjahaja Purnama, dit Ahok à deux ans de réclusion pour blasphème.
La loi en question est en vigueur depuis 1965 et entend prévenir « l’abus et la diffamation des religions ». « Dans de nombreux cas les accusations de blasphème sont manipulées et politisées ou avancées par des groupes intolérants. Par ailleurs, dans leurs décisions, les juges ignorent des preuves, des témoignages et les pétitions présentés par les inculpés ». « La loi sur le blasphème est souvent appliquée contre les religions minoritaires ou pour fomenter la haine » envers les chrétiens, les ahmadis, les chiites, relève la Commission. « Cette situation est due aux faiblesses de l’Etat et au manque de volonté visant à examiner sérieusement l’application de la loi sur le blasphème. Au cours de ces dix dernières années, la situation a empiré ».
Dans le cas de Basuki Tjahaja Purnama (Ahok), « l’affaire ne peut être séparée de l’arrière plan politique » et du fait que le sujet dispose d’une « double appartenance à des minorités par ses origines chinoises et son appartenance à la communauté chrétienne ». La Commission rappelle ce qu’a déclaré Basuki Tjahaja Purnama, accusé de blasphème : « Ne croyez pas à ceux qui vous disent que vous ne pouvez pas voter pour moi parce [ces personnes] vous mentent en utilisant la sourate al maidah du coran ». La colère s’est déchaînée et les excuses publiques présentées par le gouverneur sortant de Djakarta n’ont servi à rien.
Son cas « constitue un précédent très dangereux pour l’application de la loi indonésienne ». Les pressions des groupes islamistes sur le gouvernement, la police et le tribunal ont été couronnées de succès et ceci constitue un fait préoccupant, conclut la Commission.
Entre temps, les manifestations publiques de soutien à Basuki Tjahaja Purnama se multiplient. Plus de 7.000 personnes ont participé hier, 11 mai, à une manifestation de prière pour exprimer leur solidarité au gouverneur sortant à Denpasar (Bali). Les participants, arrivés de différentes îles de l’archipel, sont descendus dans la rue en revêtant un vêtement noir et avec des cierges allumés. « Le vêtement noir symbolise la mort de la justice au sein du système judiciaire indonésien et le cierge représente la lumière au milieu de l’obscurité en Indonésie »explique l’un des organisateurs.
Les citoyens présents, musulmans, chrétiens, hindouistes et bouddhistes, demandent la révision du procès et la remise en liberté de Basuki Tjahaja Purnama. Les participants ont invité le gouvernement et l’ensemble de la nation à « honorer les valeurs de la tolérance et de l’unité dans la diversité sur lesquelles est basée l’Indonésie », dans le respect du Pancasila – les cinq principes fondateurs de la coexistence civile en Indonésie. Des manifestations semblables ont également eu lieu à Djakarta, à Mandi, à Yogyakarta et à Medan, les participants voulant montrer leur soutien à Basuki Tjahaja Purnama et manifester contre la corruption et l’injustice.
Source : Agence Fides