A l’occasion de la journée de la femme, quelques rappels pour lutter pour la dignité de la femme (article publié en juillet 2017)
A Bhopal, capitale du Madhya Pradesh, se tenait mercredi 28 juin dernier la cérémonie d’inauguration d’une cellule d’assistance juridique, la Nyaya Chaupal, destinée aux femmes victimes de violences et d’abus. Cette structure, implantée à Jatkhedi, l’un des deux plus grands bidonvilles de cette ville de 1,5 million d’habitants, présente la particularité d’être tenue par des religieuses de la congrégation des Sœurs missionnaires servantes du Saint-Esprit (SSpS), avec l’assistance de juristes laïques. Une initiative encouragée par les autorités civiles et religieuses, dans un Etat considéré comme le plus dangereux du pays pour les femmes et les enfants.
Plus d’un millier de personnes se sont réunies à la Bhopal School of Social Sciences pour prendre part à la cérémonie d’inauguration de la Nyaya Chaupal (‘Justice sur la place publique’), parmi lesquelles Mgr Leo Cornelio, 72 ans, archevêque catholique de Bhopal et président du Conseil épiscopal du Madhya Pradesh, et le Dr Raghvendra Sharma, président de la Commission pour la protection des droits de l’enfant du Madhya Pradesh. La présence de ces personnalités témoignait du soutien apporté à ce projet par les autorités civiles (cet Etat est actuellement dirigé par le Bharatya Janata Party, le parti nationaliste hindou) et religieuses. Le Dr Raghvendra Sharma a salué cette démarche, faisant état de la nécessité de rappeler aux femmes l’existence de dispositifs juridiques censés assurer leur sécurité et celle de leurs enfants, trop souvent méconnus, avant de rappeler que « la famille [était] supposée être l’endroit le plus sûr pour les enfants et tout type de violence devrait en être totalement éliminée ». Mgr Leo Cornelio a ajouté que « les femmes [devaient] avoir la liberté de vivre librement, de parler sans crainte, et la possibilité de s’épanouir ».
L’un des Etats de l’Union indienne les plus dangereux pour les femmes et les enfants
Contactée par Eglises d’Asie, Sœur Lizy Thomas, directrice de la cellule d’assistance juridique, a expliqué que le principal objectif de cette structure était de «». Cette mission passera notamment par la sensibilisation d sensibiliser davantage à la violence envers les femmes et les adolescentes et de les accompagner afin d’obtenir réparation e la communauté aux violences commises à l’égard des femmes, la formation des femmes à la défense de leurs droits et l’accompagnement des victimes dans le cadre de procédures judiciaires.
Ce projet est mis en œuvre par la Uday Social Development Society, une organisation à but non lucratif ayant pour projet d’assurer le développement intégral des femmes et des enfants. Cette structure a été créée officiellement en octobre 2003 par la congrégation des Sœurs missionnaires servantes du Saint-Esprit (SSpS, fondée aux Pays-Bas en 1889, et implantée en Inde, et notamment au Madhya Pradesh, depuis 1933), après deux années de présence auprès des plus défavorisés, à Jatkhedi et Bagmugalia, les deux principaux bidonvilles de Bhopal. Les activités de cette organisation se sont étendues à partir de 2010 à d’autres districts de cet Etat (Indore, Khandwa et Jhabua) ; à ce jour, près de 45 000 personnes bénéficient, directement ou indirectement, des actions menées par cette organisation, selon Sœur Lizy Thomas, qui constate que « pour différentes raisons, les programmes gouvernementaux et de la société civile n’atteignaient pas [les bidonvilles de Bhopal] ».
Dans cet Etat du centre de l’Union indienne, la situation est particulièrement préoccupante. Le National Crime Record Bureau, un organe du ministère de l’Intérieur, publie un rapport statistique sur la criminalité en Inde depuis 1953. Dans son rapport rendu public le 30 août dernier, il fait du Madhya Pradesh le deuxième Etat le plus criminogène du pays en 2015, et l’un des plus dangereux pour les femmes et les enfants. Le Hindustan Times souligne que cette situation dure depuis au moins cinq ans.
Au sein de la cellule d’assistance juridique, ce sont douze laïcs qui assurent une permanence juridique, afin de fournir une assistance aux femmes, aux filles et aux enfants victimes de maltraitance et d’abus sexuels, à la maison ou au travail, et en particulier aux travailleurs domestiques. « L’équipe règlera les problèmes de manière consensuelle, indique Sœur Lizy Thomas ; à défaut, elles porteront les conflits plus loin, en collaboration avec d’autres structures. »
L’engagement des religieux dans le domaine judiciaire : de l’encadrement… à la pratique
S’il s’agit de la seule cellule d’assistance juridique à Bhopal tenue par des religieuses, il ne s’agit pas d’une initiative isolée : la congrégation du SSpS a mis en place des structures similaires dans d’autres villes du pays, notamment à Mumbai (Bombay) et au Gadchiroli (dans le Maharashtra). Les religieuses se sont inspirées de Streevani, The Voice of Women, une organisation catholique de défense des droits des femmes fondée en 1982 à Pune, qui a ouvert des cellules d’assistance juridique en 2006. Sœur Julie George, SSpS, actuelle directrice de Streevani, est à l’origine de cette initiative. Elle confie à Eglises d’Asie s’être inspiré de « [son] expérience en 2003 à Mumbai au sein d’une ONG d’assistance juridique consacrée aux femmes, le Center for Human Rights and Law ».
Au sein de la congrégation des SSpS, des religieuses ont non seulement encadré des activités de conseil juridique, mais aussi pratiqué en tant qu’avocates, dès 1998, et, à ce jour, plus d’une centaine de prêtres et de religieux ou religieuses exerceraient à ce titre en Inde.
Streevani a par ailleurs fondé en 2008 le Women Religious Lawyers Forum, une plateforme de réflexion et d’échange, qui se réunit annuellement à Pune. Un temps réservé aux religieuses, cette structure a peu à peu évolué, en s’ouvrant aux prêtres et aux religieux engagés dans le domaine juridique. Le nouveau nom de cette structure, National Lawyers Forum, adopté en février 2016, témoigne de l’évolution de celle-ci. En Inde, des religieuses, mais aussi des religieux et des prêtres représentent juridiquement les intérêts de déshérités. Le P. Mathew, jésuite, est par exemple le premier prêtre à être devenu avocat. Par ailleurs, les réunions du Forum sont organisées en partenariat avec le Montfort Social Institute, un centre pour les droits de l’homme, le développement durable, et une bonne gouvernance éducative, tenu par des religieux, les Frères Montfortains de Saint-Gabriel.
Face à une prise de conscience relative récente de la société indienne à l’égard des violences faites aux femmes, l’Eglise catholique entend contribuer à faire évoluer les mentalités. Son engagement au service des droits des femmes remonte au début des années 1980. Streevani, The Voice of Women, premier centre destiné à étudier les questions relatives à la place des femmes dans la société indienne, a vu le jour en 1982. Au sein de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI, qui réunit les 172 diocèses que compte l’Eglise en Inde à travers ses trois rites [latin, syro-malabar et syro-malankar]), un Bureau des femmes a été constitué en 1992. Plus récemment, en 2009, la Conférence a publié un document intitulé « Gender Policy of the Catholic Church in India ».
Source : Eglises d’Asie