Il fallait s’y attendre. Certains caciques LR, anxieux de laisser passer des prébendes, cherchent à donner toujours plus de gages au successeur de M. Hollande, le sémillant M. Macron. Et il n’était pas difficile de deviner quels gages il leur faudrait apporter dans la corbeille de la mariée : la tête de ceux qui, vaille que vaille, avaient défendu les convictions de droite durant cette campagne surréaliste – et tout particulièrement celle de Sens commun. Comme la plupart des lecteurs du Salon beige le savent, j’ai fait, pour ma part, un choix différent de Sens commun aux primaires, préférant soutenir Jean-Frédéric Poisson qui me semblait plus cohérent et plus proche de nos convictions que tout autre candidat. Mais ces choix différents ne m’empêchent pas d’admirer l’engagement de nos amis de Sens commun et d’être écœuré par les attaques des Estrosi, des Chatel, des Lagarde, des Juppé ou des Bussereau.
C’est très largement grâce à la mobilisation du peuple de droite, déçu par le quinquennat de Nicolas Sarkozy et inquiet des dérives soixante-huitardes du programme d’Alain Juppé, que François Fillon a remporté la primaire.
C’est encore ce peuple de droite qui a sauvé la tête du candidat quand tous les caciques appelaient à le remplacer et qu’en trois jours, fut organisé un rassemblement monstre au Trocadéro pour s’opposer aux manipulations du clan Hollande et au diktat des juges et des médias « bien-pensants ».
Ce peuple de droite ne demandait rien en échange. C’est sans doute cela qui a troublé les hiérarques. D’habitude, il y a toujours moyen de « s’arranger » : Tu mets en veilleuse tel thème un peu gênant, tu fermes les yeux sur telle turpitude, et je te trouve une investiture aux prochaines régionales. Là, non. Sens commun et, de façon générale, tous ceux qui, discrètement, avec abnégation, ont fait la campagne de Fillon, sous des tombereaux d’insultes – et pas seulement de la part de la gauche –, ne demandaient rien en échange. Nous (je veux dire, nous, leurs camarades de combat des grandes manifestations contre la loi Taubira, qui n’étions pas encartés dans un parti et ne souhaitions pas donner un chèque en blanc à quelque candidat que ce soit) leur demandions bien de réclamer davantage de circonscriptions, des clarifications sur tel ou tel point du programme. Nous leur disions bien que la politique est aussi une question de rapport de forces et que, si on ne montre pas les crocs de temps à autre, on n’est pas « calculé » comme disent les politiciens professionnels, et on ne fait pas avancer ses idées. Nous pensions même que le meilleur service à rendre au candidat Fillon aurait été de taper du poing sur la table pour le forcer à choisir : s’il avait franchement opté pour la ligne Sens commun, il serait aujourd’hui, probablement, au deuxième tour, tant sont nombreux les électeurs issus de la Manif pour tous qui ont été excédés par cette politique de louvoiement permanent et de soumission systématique devant la bien-pensance de la gauche soixante-huitarde.
Mais non. Obstinément, les militants de Sens commun faisaient campagne sans rien demander en échange, avalant des marmites de couleuvres, mais labourant le terrain – dans un parti devenu un parti de notables, déserté par les militants.
Même la main tendue aux traîtres de l’UDI n’a pas suffi à les décourager. Même pas la « désinvestiture » de Xavier Lemoine, le courageux maire de Montfermeil, ou d’Anne Lorne, la dynamique dirigeante de Sens commun en Rhône-Alpes. Non, ce petit peuple de droite restait seul à faire la campagne pour des personnes dont il était visible qu’elles le détestaient et méprisaient ses convictions profondes.
Le sommet de l’ignominie fut atteint quand, dans la dernière semaine de campagne, les dirigeants centristes et juppéistes se permirent de dire qu’une participation de Sens commun à un hypothétique gouvernement de François Fillon serait une « faute » (l’expression de Dominique Bussereau, ancien ministre chiraquien). Oui, oui, une faute, pas simplement une erreur tactique, mais bien une faute morale ! Comme si, dans la France de 2017, avoir manifesté contre le nihilisme libertaire, refuser à l’Etat le pouvoir totalitaire de priver un enfant de son père ou de sa mère, rendait définitivement infréquentable…
Et, maintenant, ils viennent nous dire que c’est à cause de Sens commun que François Fillon n’a pas été qualifié pour le second tour !
Chatel prétend que le soutien de François Fillon à Sens commun (tu parles d’un soutien !) lui a fait perdre la qualification au second tour. Et M. Estrosi, otage du PS qui l’a fait élire à la région PACA, appelle carrément à les exclure des « Républicains », sous prétexte qu’ils ne font pas assez « barrage à l’extrême droite ».
Mais de qui se moquent-ils ? Sans Sens commun, François Fillon n’aurait même pas été sur la ligne de départ. Ce qui a plombé la campagne, c’est la désastreuse politique à la godille ; la volonté d’être apprécié par les médias de gauche comme un bon « républicain » – et « donc » pas quelqu’un qui pourrait parler d’identité de la France ou d’anthropologie, pas quelqu’un qui s’attaquerait aux enjeux civilisationnels et remettrait en cause la domination culturelle de la gauche… Ce qui a plombé la campagne, c’est de donner une centaine de circonscriptions à l’UDI, alors même que ce parti, qui ne représente rien, réclamait, trois jours avant l’accord, le départ de François Fillon. Ce qui a plombé la campagne, c’est, en un mot, que le candidat de droite a fait presqu’exactement la campagne d’Emmanuel Macron, oubliant, contre tout bon sens, le volet civilisationnel qui avait fait sa réussite aux primaires !
Sans Sens commun, sans le petit peuple de la droite de conviction qui a fait l’énorme succès des Manifs pour tous, qui a fait aussi le succès de François Fillon aux primaires, et encore le succès du rassemblement au Trocadéro, le candidat de droite aurait été derrière le candidat communiste !
Alors, entendre des leçons de morale de ces prébendiers qui avaient tous le « trouillomètre à zéro » pendant la campagne, et qui, dans un lâche soulagement munichois, se jettent dans les bras du sieur Macron, de la marionnette de Hollande et Bergé, sans même lui demander la moindre précision sur son programme, est tout simplement insupportable.
Oui, nous le redisons tout net : les partis politiques ne sont pour nous que des moyens – et pas les meilleurs – pour faire gagner nos convictions, dont nous croyons qu’elles sont une condition de survie pour la France.
Les insultes des Estrosi, des Chatel ou des Bussereau laisseront des traces. Ils pourront, bien sûr, être élus sous l’étiquette « En Marche ». Grand bien leur fasse ! Mais il est clair qu’il ne faudra plus qu’ils comptent sur les voix de ce qu’ils pensaient être leur « électorat naturel ».
Les élections de 2017 marquent un tournant : désormais plusieurs centaines de milliers de catholiques de conviction paraissent voter en fonction de leurs convictions, et sans plus tenir compte des étiquettes des sectes partisanes. Nous verrons ce que cela entraînera pour le deuxième tour et pour les législatives, mais il est, d’ores et déjà, clair que bon nombre des électeurs de premier tour de François Fillon sont plus proches de Sens commun que de l’UDI, plus proches de la « ligne Marion » que de la ligne NKM. J’espère d’ailleurs que certains élus Sens commun franchiront le Rubicon et diront qu’ils votent pour faire battre Macron au deuxième tour (j’en connais plusieurs qui le feront dans l’isoloir ; mais il serait souhaitable, pour la recomposition à venir de la droite, que certains au moins le disent publiquement). Il y a, en tout cas, fort à parier que ces profiteurs d’un parti en déroute électorale et idéologique totale vont payer cher aux prochaines échéances leurs insultes à leurs propres électeurs. Et ce ne sera que justice…
Guillaume de Thieulloy