Grégoire de Nazianze Le sens profond du sacrifice du Christ

Grégoire de Nazianze Le sens profond du sacrifice du Christ

Grégoire de Nazianze († 390), dit le Théologien, discours 45, § 22, Pour la sainte Pâque, prononcé, selon Jean Bernardi (1969), le jour de Pâques 383 (9 avril), probablement à Nazianze (Cappadoce). Traduction sur le texte grec de Migne, PG 36, c. 624 C-664 C.

Le sens profond du sacrifice du Christ

 

Il me reste donc à vous exposer un fait et une doctrine négligés par la plupart, mais à mon avis tout à fait dignes d’être approfondis. Pourquoi en effet ce sang inappréciable, ce glorieux sang divin qui appartient à la fois au prêtre et à la victime, a-t-il été répandu pour nous ? Nous étions au pouvoir du malin, vendus par le péché et adonnés au mal avec volupté. Si le prix du rachat n’appartient qu’au possesseur des captifs, à qui, je le demande, ce prix reviendra-t-il et pour quelle raison ? Et si c’est au malin qu’il est dû, quelle offense ! Et si le voleur obtenait, comme rançon non pas seulement un bien venant de Dieu mais aussi Dieu lui-même, ce prix ne surpasserait-il pas tellement le bénéfice de sa tyrannie, que le ravisseur jugerait bon de nous épargner, même nous ? Si la rançon était donnée au Père… ; mais comment cela pourrait-il se faire ? Ce n’était pas lui qui nous maintenait dans les chaînes.

Et puis, pourquoi le sang de son Fils unique réjouirait-il le Père, lui qui n’a même pas agréé l’offrande d’Isaac (Genèse 22) par son père mais qui a transformé le sacrifice, mettant un bélier à la place de la victime raisonnable ? Il est bien évident que le Père a accepté cette offrande, non parce qu’il l’avait demandée ou qu’il en avait besoin, mais en vertu d’un plan mûrement réfléchi * et parce qu’il fallait que l’humanité fût sanctifiée par un Dieu ayant assumé la nature humaine  ; tout cela pour nous libérer, vaincre par la force celui qui nous tenait sous son empire et nous ramener par l’intercession du Fils dans la gloire du Père, l’auteur de ce plan, auquel le Fils se soumet manifestement en toutes choses (cf. I Corinthiens   15, 28). Voilà ce que j’ai à dire à propos du Christ. (Saint Grégoire de Nazianze. Textes choisis, traduits et présentés par Edmond Devolder [coll. Les Ecrits des saints], Namur, Editions du Soleil levant, 1961, p. 149-151).

 

Benoit Gain, Professeur de lettre classique, université de Grenoble

*Le mot grec, oikonomia, courant chez les Pères, désigne “le plan d’ensemble conçu par Dieu pour racheter et sauver l’humanité pécheresse”.

 

 

 

 

 

Articles liés

Partages