de Gérard Leclerc :
Deux lois ont été votées dans la nuit de mardi à mercredi contre les « fake news », et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elles n’ont pas fait l’unanimité. Mme Nyssen, ministre de la Culture, qui défendait les deux textes, n’aura réussi qu’à convaincre son propre camp. Il faut dire que, dès le départ, le problème posé était épineux. Comment définir une fausse nouvelle ? Ce n’est pas évident, d’autant qu’on associe le caractère inexact d’une information à une manœuvre de trucage délibéré pour imposer une erreur. Jean-Claude Barreau, préfère carrément parler de « bobard », c’est plus clair. Mais partir en guerre contre les bobards, c’est une sacrée aventure ! Et charger les magistrats de traquer ces mêmes bobards relève d’une étonnante gymnastique.
Interrogée par Alexandre Devecchio sur le sujet, Anastasia Colosimo lui a répondu que « du ciel Orwell doit rire de manière sarcastique », d’une telle prétention. On en attend, en effet, pas moins de l’écrivain qui a mis en évidence les dangers d’un ministère de la Vérité et d’une police de la pensée. Elle est bien dans l’esprit d’Orwell, notre brillante essayiste, lorsqu’elle affirme : « Je reste convaincue que la libre circulation des idées est le meilleur rempart contre les opinions dangereuses. » Ce n’est pas la censure, ce n’est pas la répression qui servent la vérité, mais l’exercice de l’intelligence, le travail de l’argumentation et aussi l’échange contradictoire des idées.
Il est vrai que l’évolution vertigineuse des techniques a totalement changé les données de l’information, avec la multiplication des réseaux sociaux faisant concurrence aux médias traditionnels et singulièrement à la presse écrite. Cela explique qu’un quotidien comme Le Monde se soit, lui-même, spécialisé dans la traque aux fausses nouvelles. Mais on ne lui accordera sa confiance que dans la mesure où il est capable de convaincre. Et par ailleurs, les médias traditionnels ne sont pas indemnes de préférences idéologiques que l’on est en droit de récuser. Ce n’est pas par la force coercitive de la loi que l’on corrigera les défauts des uns et des autres mais par un surcroît d’exigence intellectuelle qui n’est l’apanage de personne et doit demeurer l’affaire de tous.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 juillet 2018.
Source: France-catholique