En ces temps actuels, où la vie sacerdotale a été affectée par différents phénomènes (crise de l’identité du prêtre, abus spirituels et sexuels), on peut réfléchir à la question des exigences du sacerdoce à la lumière des textes du magistère qui gagneraient à être connus.
Il y a plus de 70 ans, le Pape Pie XII avait en effet publié l’exhortation apostolique Menti Nostrae “sur le prêtre, sa sainteté, ses règles de vie”. Ce texte contient différents enseignements relatifs au sacerdoce; certains rappels présentant un caractère bien actuel au regard des quelques difficultés (affaiblissement de la vie spirituelle, rôle de l’action, nécessité d’une formation intellectuelle…). Le Pape avait mis en cause quelques phénomènes (les dangers d’une trop grande familiarité, etc.). Mais il avait surtout rappelé certaines exigences, allant de la chasteté à la vie de prière en passant par le détachement des biens matériels.
Ce texte contient même des aspects qui passeraient pour “modernes”, comme cette recommandation à l’égard des séminaristes pour qu’ils arrivent progressivement à une connaissance des “jugements” et des “goûts intimes du peuple”.
On se contentera de quelques extraits significatifs qui contiennent d’utiles rappels sur la vie sacerdotale ainsi que sur sa formation.
Chasteté du prêtre et détachement des biens matériels
Le Pape parle ainsi du célibat et la chasteté sacerdotale: Pie XII loue le célibat et rappelle la paternité spirituelle du prêtre:
Par cette obligation du célibat, bien loin de perdre entièrement le privilège de la paternité, le prêtre l’accroît à l’infini, car la postérité qu’il ne suscite pas à cette vie terrestre et passagère, il l’engendre à la vie céleste et éternelle.
(…)
Pour garder dans toute son intégrité comme un trésor inestimable la pureté sacerdotale, il est nécessaire d’observer religieusement l’exhortation du Prince des Apôtres que nous récitons chaque jour à l’office divin : Soyez sobres et veillez (1 P 5, 8).
Oui, veillez, chers Fils, puisque votre chasteté est exposée à de nombreux dangers, tant à cause de la corruption des mœurs que des sollicitations du vice si fréquentes de nos jours, et de cette excessive liberté qui s’introduit toujours plus dans les rapports entre les deux sexes et qui essaie parfois d’envahir l’exercice même du saint ministère. Veillez et priez (Mc 14, 38), en vous souvenant que vos mains touchent les choses les plus saintes, que vous êtes consacrés à Dieu et que vous devez le servir lui seul. L’habit même que vous portez vous avertit que vous ne devez pas vivre pour le monde, mais pour Dieu. Efforcez-vous donc avec générosité, confiants dans la protection de la Vierge Mère de Dieu, de rester chaque jour « sans souillure et sans tache, purs et chastes, comme il convient aux ministres du Christ et aux dispensateurs des mystères de Dieu ».
Mais la question du détachement concerne aussi les biens matériels: c’est un aspect qui reste aussi important à l’ère actuelle:
Nous vous exhortons vivement, chers Frères, à ne pas vous prendre d’affection immodérée pour les choses de cette terre, essentiellement transitoires et périssables. Suivez l’exemple admirable des grands saints d’hier et d’aujourd’hui qui, unissant un juste détachement des biens matériels et une très grande confiance dans la Providence à un zèle sacerdotal dévorant, ont accompli des œuvres merveilleuses, n’ayant compté que sur Dieu qui ne refuse jamais les secours nécessaires.
Même les prêtres qui ne font pas profession de pauvreté par un voeu spécial doivent se laisser guider par l’amour de cette vertu, amour qu’ils doivent prouver par la simplicité et la modestie de leur genre de vie, l’absence de luxe dans leur demeure et par leur générosité envers les pauvres.
Qu’ils s’abstiennent surtout de se lancer dans des entreprises économiques susceptibles de les éloigner de leur saint ministère et de diminuer l’estime que les fidèles leur doivent. Ayant l’obligation de se consacrer de toutes ses forces au salut des âmes, le prêtre doit pouvoir toujours s’appliquer la parole de saint Paul : Ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous-mêmes (2 Cor 12, 14).
Vie spirituelle du prêtre
Importance de la récitation de l’Office divin:
La sainteté parfaite exige également une continuelle communication avec Dieu. Afin que ce contact intime que l’âme sacerdotale doit établir avec Dieu ne soit jamais interrompu dans la succession des jours et des heures, l’Eglise a imposé aux prêtres l’obligation de réciter les Heures canoniales ou l’Office divin. De cette façon, elle a fidèlement observé le précepte du divin Rédempteur, disant : Il faut toujours prier sans jamais se lasser (Lc 18, 1). De fait, l’Eglise, de même qu’elle ne cesse jamais de prier, désire ardemment aussi que ses enfants n’arrêtent jamais leurs supplications ; elle leur répète l’exhortation de saint Paul : Par lui (Jésus), offrons incessamment à Dieu une hostie de louange, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom (Hb 13, 15). Aux prêtres, l’Eglise a confié cette charge particulière de consacrer à Dieu, d’une certaine manière, le cours du temps et tous les événements en priant également au nom du peuple.
En remplissant cette obligation de réciter l’Office, le prêtre continue à faire, au cours des siècles, ce que le Christ a fait, lui qui, durant sa vie mortelle, multipliait prières et supplications… Offrant avec force cris et larmes, il a été exaucé pour sa piété (Hb 5, 7). Cette prière de l’Office a, sans aucun doute, une efficacité particulière, car elle est faite au nom du Christ, c’est-à-dire « par Notre-Seigneur Jésus-Christ » qui est notre Médiateur auprès du Père, qui lui offre perpétuellement sa satisfaction, ses mérites, le prix souverain de son Sang. Cette prière est, à un titre particulier, la « voix du Christ » qui « prie pour nous comme notre Prêtre ; qui prie en nous comme notre Chef ».
Défense de la confession fréquente des prêtres:
Cette miséricorde et le pardon des péchés nous sont accordés d’une manière spéciale par le sacrement de Pénitence, chef-d’œuvre de la bonté de Dieu, pour donner de la force à notre fragilité. Qu’il n’arrive jamais, chers Fils, que le ministre de cette salutaire réconciliation s’abstienne lui-même de ce sacrement. L’Eglise a établi, comme vous le savez, sur ce sujet, la prescription suivante « Les Ordinaires des lieux veilleront à ce que tous les clercs purifient fréquemment au sacrement de Pénitence les souillures de leur conscience ». Bien que ministres de Jésus-Christ, nous sommes cependant misérables : comment pourrons-nous donc monter à l’autel et célébrer les saints mystères si nous ne nous préoccupons pas de souvent expier et de nous purifier ? La confession fréquente « augmente la vraie connaissance de soi, favorise l’humilité chrétienne, tend à déraciner les mauvaises habitudes, combat la négligence spirituelle et la tiédeur, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête à la direction spirituelle et, par l’effet propre du sacrement, augmente la grâce ».
Une formation complète, mais aussi adaptée
Le Pape Pie XII s’intéresse aussi à la formation des prêtres. Ainsi, pour les séminaristes, il préconise une connaissance graduelle des “jugements” et des “goûts intimes du peuple” afin d’éviter des difficultés à la sortie du séminaire:
Si les jeunes – surtout ceux qui sont entrés au Séminaire à un âge tendre – étaient élevés dans un milieu trop séparé du monde, ils rencontreraient certainement, à la sortie du Séminaire, des difficultés dans leurs relations, soit avec le peuple, soit avec les classes cultivées, et il s’ensuivrait souvent, soit des attitudes imprudentes devant les fidèles, soit un mépris pour l’éducation reçue. Il faut veiller à ce que les séminaristes prennent graduellement et prudemment contact avec les jugements et les goûts intimes du peuple, de peur que, jeunes prêtres entrant dans le ministère, ils ne soient désorientés : ce qui serait non seulement troublant pour eux, mais dommageable pour leur activité sacerdotale.
Des sciences variées, mais avec une importance pour les classiques:
Parmi les sciences nombreuses exigées pour la formation intellectuelle des jeunes séminaristes, si l’étude des questions sociales a aujourd’hui une grande portée, il faut accorder la plus grande valeur aux études philosophiques et théologiques, « selon la pensée du Docteur angélique », jointes à la connaissance des besoins et des erreurs de notre temps. Ces études sont de la plus grande importance et utilité, soit pour le prêtre, soit pour le peuple chrétien. Les maîtres de la vie spirituelle affirment, en effet, que ces études, à condition qu’elles soient menées avec une bonne méthode, sont d’une grande efficacité pour garder et nourrir l’esprit de foi, pour refréner les passions, pour conduire l’âme à l’union avec Dieu.
Il y a donc beaucoup de choses à retenir dans ce texte méconnu, mais qui mériterait d’être lu et médité.