Nous poursuivons notre découverte des Hittites, en abordant, l’Ancien royaume, le fameux empire.
Les Hittites sont un peuple ancien de l’Anatolie centrale, attesté du XIXe au XIIe siècle avant J.-C. Il établit sur un territoire qui comportait déjà de petits royaumes, une souveraineté, puis un état qui devint royaume puis empire, doté d’une culture et d’un art propres. Il fut suffisamment puissant pour entretenir des relations avec l’Égypte, puis déclina jusqu’à disparaître et tomber dans l’oubli. Il n’a été redécouvert qu’au début du XIXe siècle. Peuple étrange, mythique, Cyrano entame là une série de plusieurs articles consacrés à cette civilisation longtemps connu que par de simples allusions bibliques et présentée par Louis Quélennec.
Les débuts de l’Empire hittite (~-1465>~-1350)
Vers -1465, un changement dynastique eut lieu à Hattousa : Tudhaliya I, un prince hourrite monta sur le trône.
Tudhaliya I fut un guerrier qui commença par raccompagner les Gasgas dans leurs montagnes. Il eut ensuite à mater les révoltes internes des princes de l’ancienne dynastie qui contestaient sa légitimité. Puis il se tourna vers l’est pour mater un vassal turbulent, le royaume d’Isuwa, avant de soumettre pour un temps le Kizzuwatna, profitant de l’expédition victorieuse du pharaon Thoutmôsis III (-1447) contre le Mittani.
Après ces époques troublées, Tudhaliya I fonda une nouvelle dynastie qui gouverna pendant huit générations.
Son fils Hattusili II régna peu de temps, perdant à nouveau le Kizzuwatna au profit d’un roi hourrite qui étendit sa suzeraineté sur la Syrie du Nord.
Son fils Tudhaliya II mena des campagnes vers le sud contre le royaume de l’Arzawa, puis à l’est contre la confédération de l’Assuwa. A l’issue d’un long règne (mort en ~-1420), il récupéra le Kizzuwatna, avec l’aide de son fils désigné comme successeur et associé aux affaires.
Arnuwanda I, son gendre et fils adoptif, eut à lutter contre les Gasgas qui pillaient le nord du royaume et finit par traiter avec eux, mais il perdit à nouveau Kizzuwatna et l’Arzawa qui repassèrent sous suzeraineté du Mittani (ou réussit à le conserver ?). Il laissa une grande œuvre législative.
Tudhaliya III hérita d’un pays bien administré mais d’une situation militairement difficile ; la pression reprit au nord avec les Gasgas qui prirent et détruisirent Hattousa, au sud avec le réveil de l’Arzawa. A la fin de son règne, la situation était désastreuse ; l’héritier du trône fut assassiné et un prince énergique monta sur le trône.
L’Empire hittite (~-1353>~-1190)
Suppiluliuma I (dont on ne connaît pas vraiment la filiation) est considéré par les historiens comme le véritable fondateur de l’Empire : il fut un grand chef de guerre, un grand conquérant et un grand organisateur. Pendant une dizaine d’années, il mena une politique d’expansion territoriale, reconquit le Kizzuwatna, créa aux marches de l’Empire une constellation d’états vassaux, soumis à des obligations militaires et fiscales, qui gardaient le territoire en échange de sa protection, lutta contre le Mittani qu’il affaiblit suffisamment pour le ramener à l’espace initial des Hourrites et le vassalisa, sanctionna ses conquêtes par des traités. Il confia à ses deux fils les royautés d’Alep et de Karkemis, cité dont il fit la seconde ville de l’Empire et qui contrôlait de près tous les petits royaumes vassaux du nord syrien et le passage vers l’Euphrate.
L’expansion territoriale du temps de l’Empire montre assez que les Hittites avaient compris que leur domaine était propice au développement de l’activité économique ; ils surent développer une agriculture florissante, aux mains de cultivateurs libres et d’esclaves, masse constituée par les prisonniers de guerre. Étaient cultivés des céréales, surtout l’orge, la vigne, et des vergers. Mais la grande richesse du pays fut cependant les mines. L’industrie hittite maîtrisait le travail du fer, dont elle généralisa l’emploi dans le monde oriental, le cuivre et le bronze. L’orfèvrerie et l’industrie du luxe se réservaient l’emploi de l’or et de l’argent.
Le domaine des Hittites était situé au carrefour des routes montant au nord ou desservant la Mésopotamie, au débouché des détroits, et avait des façades maritimes sur la Méditerranée, la mer Égée et la mer Noire. Une constante de leur politique fut donc la nécessité d’assurer l’intégrité territoriale pour conserver le contrôle des axes de communication, et donc des territoires par où transitait l’approvisionnement en métaux, cuivre et étain en particulier pour la fabrication du bronze. Pour l’étain, Il y avait deux axes principaux : la route du nord-ouest, passant par le détroit, en direction des mines de l’Europe centrale et la route du sud-est, venant de Mésopotamie et remontant le long de l’Euphrate. Le cuivre, lui, venait principalement de l’est, depuis des territoires d’Ishuwa et accessoirement de Chypre.
Puis le conflit avec les Égyptiens eut lieu : alliés du Mittani, ils le défendirent mollement ou pas du tout lors des attaques de Suppiluliuma I. Le pharaon Toutankhamon mourut au temps de ces incursions hittites ; sa veuve chercha à épouser un des fils de l’empereur, qui finit par accepter ; mais le promis fut assassiné avant d’arriver en Égypte : ce fut la guerre, intense au début, puis intermittente. Suppiluliuma I se porta jusqu’à l’ouest de la vallée de l’Euphrate et s’empara des places fortes égyptiennes de Byblos et Damas, avant de grignoter petit à petit toutes les conquêtes égyptiennes en Palestine. Cette montée en puissance provoqua le réveil de l’Assyrie, mais sans danger pour l’Empire.
Suppiluliuma I mourut dans les années -1330/-1320 de la peste noire provoquée par les déportations de prisonniers qu’il avait organisées et qui dura une vingtaine d’années.
Au bilan, cet empereur a eu une vision stratégique de long terme, et a mis en place les structures pour construire un empire durable ; le réseau de vassalités qu’il installa, la politique matrimoniale qu’il imposa pour les alliances, les traités qu’il signa firent que son œuvre fut durable : jusqu’à la fin de l’Empire, les états vassaux restèrent fidèles au Grand Roi. Ce bilan reste pourtant encore méconnu. Le seul pays dont l’enseignement lui rende un juste hommage est, sans surprise, la Turquie, qui le compare à Charlemagne en soulignant ses origines indo-européennes, à des fins évidemment politiques pour distancier la Turquie du monde arabo-musulman (Atatürk).
Arnouwanda II lui succéda, mais ne régna qu’environ deux ans, emporté lui aussi par la peste. Il eut à guerroyer contre les Gasgas à nouveau descendus de leurs montagnes, et parvint à les contenir. Plus dure fut la lutte contre les Assyriens, qui imposèrent leur tutelle sur le Mittani qui perdit son rôle d’état tampon.
Le véritable successeur de Suppiluliuma I fut l’un de ses plus jeunes fils, Mursili II. Sa tâche principale fut de surveiller et contenir les Assyriens, de s’occuper de vassaux turbulents, et de traiter les habituelles intrigues familiales dans une ambiance difficile : la peste faisait des ravages.
Son fils Muwatalli II dut faire face à de nombreux problèmes : les Gasgas parvinrent une nouvelle fois jusqu’à la capitale qu’ils détruisirent, ce qui obligea le roi à la déplacer plus au sud (Tarhuntassa). C’est au sud qu’il concentra son effort militaire, sur les possessions syriennes qu’il réussit à sauvegarder malgré la pression égyptienne. Les Égyptiens tenant à reprendre leur suprématie dans cette région, la guerre frontale reprit : ce fut la bataille de Quadesh (-1274), que Ramsès II perdit, dans la mesure où les Hittites conservèrent la cité et reprirent le territoire sous leur autorité. Muwatalli II mourut peu après, en -1270.
Mursili III lui succéda, de façon éphémère ; il fut renversé par son oncle Hattusili III qui stabilisa l’Empire en s’alliant au roi de Babylone, fit la paix avec l’Égypte, concluant avec Ramsès un traité équilibré reposant sur l’égalité, la réciprocité et la non-agression. Il réussit à chasser les Gasgas, reconstruisit les cités détruites et ferrailla à l’ouest contre ses détracteurs qui n’acceptaient pas son statut d’usurpateur. Mais il ne put empêcher le roi d’Assyrie, Salmanazar I, de détruire définitivement le Mitanni, vers -1260.
Tudhaliya IV, fils d’Hattusili III, réussit à maintenir la cohésion de l’Empire, reconnaissant en particulier au roi d’Assyrie le bénéfice de ses conquêtes. Mais le fils de Salmanazar I reprit les hostilités dans les possessions hittites de l’Euphrate (Hanigalbat). La bataille de Nihiriya (-1230) fut un désastre pour les Hittites, la paix fut finalement conclue et le roi assyrien restitua les territoires conquis.
Tudhaliya IV a laissé le souvenir d’un empereur religieux, instigateur d’une véritable réforme liturgique : réhabilitation d’anciennes fêtes, réorganisation du culte.
Son fils Arnuwanda III ne régna que peu de temps ; son frère Suppiluliuma II lui succéda. Il maintint la paix avec l’Égypte et l’Assyrie. Mais ce fut aussi le temps de l’effondrement de l’Empire : crises, famines (les textes signalent que les Égyptiens livrèrent des céréales), mouvements de peuples qui en furent une des conséquences, attaques opportunistes des peuples de la mer qui ravagèrent les côtes, et incursions tout autant opportunistes de peuples comme les Gasgas qui détruisirent les villes, au premier chef Hattousa, qui ne se relevèrent jamais. Les historiens sont toujours à la recherche des causes avérées de cet effondrement.
On ne sait pas exactement quand il eut lieu ; on constate seulement que les derniers sceaux retrouvés à Hattousa sont ceux de Suppiluliuma II, qui fut probablement le dernier empereur hittite, qui disparut dans les années -1200/-1190.
Source Cyrano.net