“Être milliardaire c’est immoral”, s’exclame Jean-Luc Mélenchon qui sans être immoral voyage en première classe aux frais de la princesse Europe. Telle est donc la dernière sortie du tribun de la gauche. Outre le raccourci oratoire, procédé de stigmatisation classique sur le thème du méchant riche, que met Jean-Luc Mélenchon derrière ces mots ?
Milliardaire, sans doute sommes-nous d’accord qu’il s’agit d’un monsieur qui a beaucoup d’argent pour lui, des milliards à ne plus savoir que faire. Mais peut-être ce milliardaire utilise-t-il sa fortune pour faire du bien, pour créer des emplois, car pour investir, il faut quelques deniers, pour peser de tout ce poids d’or sur le court des événements et cela peut être fort utile parfois.
Du point de vue du milliardaire, tout dépend de l’usage de sa fortune et de son degré d’altruisme responsable ou d’avarice phobique.
Mais que veut souligner le tribun provocateur ? La distance entre riches et pauvres, la rupture entre deux mondes ? Veut-il donner des visages à la lutte des classes ?
Plus profondément qu’entend-il par immoral ? Pour lui comme pour tout le monde immoral signifie “ce n’est pas bien”. Remarquez qu’on parle volontiers encore d’immoralité, alors qu’on entoure de tabou la morale. Pourtant, est immoral ce qui est contraire à la morale. De sorte qu’on dénonce ce qu’on estime mal, sans dire ce qu’on présente comme bien.
Car quelle est la morale de Monsieur Mélenchon, bafouée par les milliardaires ? On fait de la morale un ensemble de permis et d’interdit en oubliant que la morale n’est pas une fin en soi. La morale est comme un chemin de lumières qui balise la route vers le bien. Aussi, la première chose à faire en morale, c’est de définir ce que nous estimons être le bien à atteindre. La morale sera alors le chemin vers ce bien et l’immoralité le chemin qui éloigne de ce bien.
Alors quel est le bien du tribun des gauches ? Rien moins que la philosophie marxiste. Ainsi, dire qu’être milliardaire est immoral, ne s’entend pas du tout de la même façon dans la bouche des marxistes que des chrétiens, puisqu’ils n’ont pas la même définition du bien.
Même si des décennies durant un certain catholicisme de gauche estimait que nous pouvions faire le sacro-saint “petit bout de chemin ensemble”, les routes du christianisme et du marxisme se séparent très vite et à dire vrai ne font jamais que se croiser sur des carrefours très étroits et presque par hasard. Le milliardaire pour le marxiste Mélenchon est immoral en ce qu’il nie le nivellement social et humain que suppose la pensée de Marx. En effet, il faut une seule tête, une standardisation de l’être humain qui nie le caractère unique de chacun.
Pourtant, c’est bien sur la fibre chrétienne et humaniste que joue, comme tout marxiste, Jean-Luc Mélanchon. Car c’est en faisant pleurer sur les pauvres subissant l’inégalité des riches qu’il entend imposer indirectement sa vision marxiste de la société. Il le fait qui plus est dans les règles de l’art marxiste, à savoir la lutte des classes en opposant riches et pauvres. Or rien n’est plus éloigné du christianisme qu’une société construite sur la division. Cette dernière, nom propre du diable dont c’est la traduction, est en revanche l’arme préférée de ses sbires.
Marxistes et chrétiens ne prennent pas la route sur le même point de départ. Être milliardaire, en soi, n’est pas peccamineux pour le chrétien. Ce qui l’est c’est le rapport qu’il entretient avec son argent et l’usage qu’il en fait.
Si pour Monsieur Mélenchon, les milliardaires sont des entraves au nivellement marxiste, pour le chrétien, la question se situe sur un autre registre. Le Christ ne condamne pas les riches, il dit que c’est plus difficile pour eux que pour un pauvre d’entrer dans le royaume. Cela dit, nous pouvons ne pas avoir un centime et être très riches de nous-mêmes. L’orgueil est une “richesse” dont il est bien plus difficile de se défaire.