Après l’intervention du Père Jean-Luc Garin, secrétaire du Conseil national des Grands Séminaires (CNGS) qui a dressé un état des lieux des séminaires français, Mgr Jérôme Beau, évêque auxiliaire de Paris et président de la Commission épiscopale pour les ministres ordonnés et les laïcs en mission ecclésiale (CEMOLEME) a présenté les enjeux de cette ratio fundamentalis et a invité les évêques à poursuivre leur réflexion à travers des forums.
Dans cet état des lieux, nous avons pu constater une baisse de 60 ordinations par rapport aux 142 de l’année 2000. 165 entrées cette même année, une baisse régulière pour les français, 111 cette année, plus 46 pour les séminaristes venus d’ailleurs. Aujourd’hui, 25% des séminaristes proviennent d’autres pays que la France. 141 formateurs sont engagés d’une manière variable selon les lieux (parfois en temps très faible).
La formation des prêtres est une mission propre à la responsabilité des évêques. Notre travail de rédaction de la Ratio Nationalis est destiné à unifier la formation au presbytérat donnée dans notre pays. L’objectif de la CEMOLEME, en collaboration avec le CNGS et les différents lieux de travail en commun des formateurs, est de pouvoir vous présenter un projet de Ratio dans un délai suffisamment rapide.
Quel prêtre voulons-nous pour demain ?
La formation est finalisée par la question du prêtre que nous voulons pour demain. C’est de cette question dont découle ce que nous attendons de sa formation et notre conception de l’identité du prêtre.
Le prêtre s’inscrit dans une histoire indissociable de celle du peuple qui lui est confié ; cependant, personne ne sait ce qui se passera dans l’avenir. Il doit donc, pour être disponible à l’Esprit Saint, savoir affronter l’inconnu. Sa formation doit lui permettre d’acquérir un discernement pastoral et un véritable élan missionnaire. Il doit acquérir la capacité d’être un guide sur le chemin de ceux qui lui sont confiés. La formation est donc moins destinée à engager sur un « faire » que sur un « être » ayant la capacité d’un discernement pastoral pour guider.
La formation humaine
La formation humaine est une tâche importante du séminaire. Nous recevons des jeunes très marqués par des expériences affectives fortes avant d’entrer en formation. Comment les aider à passer d’une expérience d’alliance affective (fiançailles, vie commune, relations diverses, etc.) au service d’une alliance, celle de Dieu, qui, elle, ne l’est pas. En d’autres termes, nos séminaires ne doivent pas être simplement des lieux de maîtrise de l’affectivité, mais ils doivent amener le séminariste à des choix motivés. L’apport de situations ou de cas extérieurs est un des meilleurs chemins pour cela. Il faut qu’ils puissent trouver leur propre autonomie en servant une alliance qui n’est pas affective.
La formation intellectuelle
Pour que notre formation permette à un séminariste d’acquérir une telle capacité, deux questions se posent à nous en ce qui concerne les études :
- Comment mettre en œuvre une approche théologique qui intègre la formation philosophique et l’Écriture Sainte ?
- Comment permettre à chacun, dans les études, d’aller au maximum de ce qu’il peut et d’épanouir ses talents. (Présence ou non de tuteurs dans nos lieux de formation, la mission de ceux-ci, la liberté de donner des équivalences pour suivre des cours plus adaptés aux personnalités, ne pas obliger au Bac de théologie …)
Les étapes de l’admission, du lectorat et de l’acolytat
La Ratio insiste sur les seuils dans la formation et donne des critères objectifs de discernement pour chacun d’eux. A quels critères, pour chacune de ces étapes (admission, institutions, diaconat, sacerdoce), êtes-vous attentifs avant de donner votre accord ou votre refus ? Dans le cadre de la formation, nous sommes souvent tentés de dire « oui » en vue d’encourager. Cependant, dans les processus de dénégation, il faut se rappeler que tout encouragement entraîne un durcissement de la personne dans son évolution. Pédagogie du seuil.
La pastorale des vocations
Avant de reprendre quelques pistes de réflexions, je voudrai souligner qu’il y a, en France, 22 maisons de type « Année pour Dieu » rassemblant 200 jeunes dans des communautés de 2 à 48 jeunes. Celles-ci sont très diverses mais sont un lieu important pour l’éveil et le discernement des vocations. Il y a aussi 7 foyers vocationnels mais ceux-ci n’ont pas encore, à ma connaissance, fait l’objet d’une étude globale.
Sans reprendre le travail que nous avions réalisé en 2016, je soulignerai 4 éléments qui connotent les vocations actuellement telles qu’elles se présentent à l’entrée au séminaire :
- La génération des jeunes d’aujourd’hui est très généreuse même si elle est fragile. Un certain nombre de séminaristes vient de familles décomposés ou en souffrance. Ils prennent des engagements caritatifs forts et un certain nombre de ceux qui entrent en formation ont été membres de colocations avec des personnes sans domiciles ou handicapés (APA, Lazare, Simon de Cyrène).
- L’importance des années d’études supérieures dans l’éveil et le discernement des vocations. Pour des diocèses qui n’ont pas sur leur territoire des institutions d’études supérieures, il y a donc une nécessité de garder un accompagnement avec les étudiants issus de leurs communautés.
- Certains ont une grande soif d’une formation théologique sérieuse et conviviale avec un enracinement scripturaire qui les aide à prier (Even) ; d’autres au contraire entrent au séminaire avec un bagage intellectuel limité et il est très laborieux pour eux d’entrer dans les études philosophiques. Pour certains il faudra même mettre en place un tutorat qui revienne sur les fondamentaux.
- Certains séminaires préparent des séminaristes à rejoindre des presbyterium très peu nombreux. Dans les diocèses n’ayant eu ni ordination, ni séminaristes depuis longtemps, il y a une réelle appréhension sur la manière dont il leur sera donné de vivre les premières années de sacerdoce. Ils préfèrent alors, parfois, s’orienter vers un lieu où la vie en communauté et leur identité sacerdotale seront plus assurées.
L’étape propédeutique
La Ratio insiste pour dire que cette année est devenue nécessaire et obligatoire. Elle insiste aussi pour que, dans la mesure du possible, elle soit distincte des séminaires. Actuellement nos 14 maisons de propédeutiques sont de deux types : intégrées au séminaire ou distinctes.
Deux questions et trois constatations ressortent des rencontres avec les Supérieurs de ces maisons :
- La nécessité d’une altérité entre le service des vocations et la maison de propédeutique. Le Service des vocations doit vérifier l’idonéité du candidat avant de le présenter au Supérieur de la propédeutique. L’altérité des responsabilités entre le responsable des vocations, le Supérieur de la maison propédeutique et le Supérieur du Séminaire permet un véritable discernement. La distinction est essentielle pour la clarté d’un discernement et la liberté du candidat. Lorsqu’il y a confusion, nous arrivons souvent à de graves difficultés.
- Actuellement, nous constatons deux critères très différents pour accueillir les propédeutes. Il y a les maisons qui accueillent ceux qui ont « un vouloir devenir prêtre » et celles qui sont orientées vers un discernement vocationnel en accueillant ceux qui se posent la question sans nécessairement le vouloir.
Trois constatations :
- Dans cette évaluation, la maison Notre-Dame du chemin est spécifique puisqu’elle est conçue comme aussi une remise à niveau.
- Nous pouvons constater, depuis quelques années, un rajeunissement des candidats.
- 11 sur 14 maisons envoient leurs propédeutes un mois à l’Arche ou en expériment caritatif. C’est donc le principal point de convergence de nos institutions. Le temps et la modalité des retraites sont variables. Je n’ai pas de renseignements sur la manière dont la lecture intégrale de la Bible est mise en œuvre ou non dans les différentes maisons.
L’étape des études philosophiques ou de la formation du disciple-missionnaire
Actuellement 57 % entrent au séminaire après une année propédeutique. Cette étape du disciple-missionnaire a plusieurs objectifs qui vont permettre de mûrir la décision éventuelle d’un appel à être admis parmi les candidats au sacerdoce.
- S’engager à suivre le Christ d’une manière radicale et en répondant à la Parole de Dieu écoutée et priée.
- Avoir mûri la décision ferme de se donner au Seigneur dans le ministère ordonné. Mgr Patron nous explique que le terme « ferme » signifie « une décision nourrie par une vie chrétienne réelle, et soutenue par une personnalité structurée et équilibrée ne laissant pas de doute sur la décision de se consacrer à Dieu pour sa gloire et le salut du monde ».
- Avoir progressé dans la connaissance de soi-même en se confrontant à ses limites et en s’appropriant les conseils évangéliques.
- Par un esprit missionnaire et un décentrement de soi-même, avoir acquis une connaissance des réalités de l’homme, du monde et de Dieu.
(Parmi les moyens, la Ratio souligne l’étude de la philosophie qui, il me semble, devra s’articuler avec le travail de l’Ecriture).
L’étape des études théologiques ou de la configuration au Christ
Cette étape de la Ratio, qui correspond au 2° cycle de nos séminaires, est destinée « à la formation de l’homme intérieur dans la charité pastorale puisque le plus important dans la vie sacerdotale est ce que le prêtre est et vit et non pas ce qu’il fait. »
La situation des séminaires en France me semble nous poser quatre questions :
- Pour qu’un formateur soit expérimenté, il faut un certain nombre d’années. Certains disent qu’un formateur devrait durer au moins dix ans dans ce type de ministère pour avoir acquis le savoir-faire nécessaire. Actuellement, il y a, il me semble, un « turn-over » assez rapide. La multiplication des lieux de formations et la situation de tensions en nombre de prêtres dans nos diocèses ne nous obligeraient- elles pas à une réduction du nombre de lieux de formations ?
- Si, pour qu’une communauté soit formatrice, il faut un certain nombre de séminaristes, il est aussi nécessaire qu’ils soient un nombre suffisant pour que la communauté joue son rôle au niveau de la formation humaine et qu’au plan intellectuel, il y ait une émulation entre séminaristes.
- Un premier ou un deuxième cycle ne demande pas le même type de professeurs. Il est possible aussi de distinguer des séminaires de premier ou deuxième cycle. Le Séminaire de Rome, comme vous le savez, n’accueille que des séminaristes de deuxième cycle. Il serait possible de réfléchir au niveau de nos séminaires de France à cette question.
- Un séminaire doit avoir un nombre suffisant de directeurs pour pouvoir exercer un discernement convenable et, cependant, il ne faut pas une proportion trop forte de formateurs afin de ne pas exercer sur les séminaristes une pression inadéquate. Il est aussi nécessaire d’avoir des Pères spirituels qui puissent exercer leurs missions pendant l’ensemble des années de la formation d’un séminariste dans le séminaire.
- Comment mutualiser et anticiper les besoins et les ressources en formateurs à l’échelle de grandes régions ?
L’étape pastorale ou de synthèse vocationnelle
La Ratio fait suivre ces étapes de la formation par un temps de synthèse vocationnelle. Elle indique « qu’elle est comprise entre la période passée au Séminaire et l’ordination presbytérale. » Elle précise que son objectif est double : « s’insérer dans la vie pastorale en assumant progressivement plus de responsabilités, dans un esprit de service » et « mettre en œuvre une préparation adéquate au presbytérat à l’aide d’un accompagnement spécifique » (RF 74). Cette période de synthèse assez nouvelle nous demandera une part de créativité.
La formation permanente et continue
Elle vise à soutenir la fidélité au ministère sacerdotal. C’est la part la plus longue de la formation. Il est important de souligner qu’elle fait partie de la Ratio et donc, de notre réflexion sur le prêtre afin qu’il ne cesse jamais d’expérimenter qu’il est disciple et qu’il est pris dans un processus de configuration progressive et continue au Christ.
Afin de soutenir la réflexion du forum, je soulignerai trois points :
- Elle ne doit pas être le prolongement d’une formation initiale. (Il y a un avant et un après par la réception du sacrement de l’ordre)
- La première responsabilité de la formation permanente est l’accompagnement des premières années de ministères. Quels sont les critères qu’un évêque met en œuvre dans une première nomination ? Faisant parfois ce qu’il peut en fonction de la situation de son diocèse : que s’interdit-il de faire ? Quel accompagnement en diocèse ou en province ? quels passages obligés doit-il mettre en œuvre (type de ministères, d’expériences, de prédications, d’enseignements) ?
- Au bout de quelques années de ministère, comment les activités liées au ministère s’intègrent-elles dans un développement personnel ? Quels sont les éléments qui marquent une continuité dans la vie du prêtre et qui sont donc les éléments structurels de la formation permanente ?
En conclusion : à quelles nouveautés ou conversions sommes-nous invités ?
Cette nouvelle Ratio met l’accent sur une formation « unique » qui s’enracine dans la vie baptismale et qui est vécue en plusieurs étapes, la plus longue étant celle de la formation permanente et continue. Cette formation est intégrale dans un double sens : elle dure toute la vie et elle comprend les quatre piliers de la formation (humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale). Cette formation est intégrative dans le sens où des critères objectifs balisent la progression et sont à vérifier pour passer à l’étape suivante. Cette nouvelle façon de faire relativise les automatismes de passages qui étaient liés à la formation intellectuelle.
La mise en place d’une pédagogie du seuil entre les cinq étapes : propédeutique, premier cycle – disciple missionnaire, second cycle – configuration, synthèse vocationnelle, formation permanente et continue. Importance d’une communauté de formateurs vivant avec les séminaristes. Par étapes, l’échéance de 2019 semble pour une rédaction de la Ratio nationalis.