À l’occasion du 400ème anniversaire de la première association de charité crée par saint Vincent de Paul, un colloque est organisé à Châtillon sur-Chalaronne du 26 au 28 septembre, proposant de redécouvrir la charité de Dieu et ainsi redonner une âme au service. Présentation par l’abbé Dominique Blot, curé de la paroisse de Châtillon-sur-Chalaronne.
Avez-vous un lien particulier à Saint-Vincent-de-Paul ?
Père Dominique Blot : Mon seul lien avec lui est d’être actuellement à la cure de Châtillon-sur-Chalaronne. Je serais le vingtième curé après lui, mais cela reste à vérifier. Je ne connaissais pas saint Vincent de Paul plus que cela auparavant. Je savais qu’il était un personnage historique très influent dans l’histoire de France et celle de l’Église. Dans mes études, l’histoire de la spiritualité m’en avait fait découvrir l’importance. Mais c’est tout. C’est seulement depuis deux années que je me suis intéressé, poussé par l’événement du Jubilé, à l’histoire de sa vie. J’ai découvert que, s’il est ordonné prêtre en 1600, ce n’est que par étapes qu’il entre dans sa véritable vocation que l’on peut résumer par la formule : « La mission par la Charité ». En effet, en 1626, il signe un acte notarié par lequel il se déprend de tous ses bénéfices ecclésiastiques, c’est-à-dire qu’il choisit définitivement la pauvreté pour être totalement disponible au Seigneur. Ce sont ces plus de vingt-cinq ans de son histoire personnelle qui sont passionnants à étudier pour voir comment le Seigneur l’a amené jusqu’à devenir le Vincent de Paul, conseiller des rois et ami des pauvres.
Au fur et à mesure que j’aide les différents groupes à faire leur démarche jubilaire de pèlerinage, je comprends davantage à quel point l’année 1617 a été pour le futur saint la découverte émerveillée de ce que le Seigneur attendait de lui. En janvier 1617, à Folleville près d’Amiens, il entrevoit qu’il sera un instrument du Seigneur pour guérir la misère spirituelle de son temps. Puis, en août 1617, c’est à Châtillon-les-Dombes qu’il voit comment Dieu met en branle des forces spirituelles présentes chez ses paroissiens et capables d’animer la Charité que le Seigneur a déposée dans leur cœur pour s’occuper des plus pauvres. Il n’en sera que l’organisateur et l’animateur spirituel. Après cette date, saint Vincent de Paul poursuivra toute sa vie cette mission en se préoccupant à la fois de la misère spirituelle et de la misère matérielle de son temps.
Les quatre cents ans de saint Vincent de Paul sont-ils un prétexte pour organiser des conférences sur la charité ou cela tourne-t-il uniquement autour de la vie du saint ?
Il s’agit exactement du 400e anniversaire de la fondation de la première des nombreuses Charités que Vincent fondera au fil de ses différentes missions paroissiales. Avec l’équipe qui organise les évènements du jubilé, il nous a paru nécessaire d’organiser un colloque sur la manière dont l’Église a exercé la Charité dans son histoire. Ce colloque qui se tiendra du 26 au 28 septembre à Châtillon-sur-Chalaronne est original, car ce thème n’a jamais été traité auparavant. Or l’action de saint Vincent de Paul va changer un ordre des choses dans la société de son temps et dans l’Église. Il en a conscience. Il a un propos étonnant : « Jamais dans l’Église, nous n’avions pensé à la Charité jusque-là ». Cette phrase est prononcée soit par un prétentieux, soit par un homme à qui l’Esprit Saint a fait découvrir une nouveauté. La fondation des Filles de la Charité en 1633, donc bien plus tard que celle des Dames la Charité en 1617 à Châtillon, nous montre cette originalité vincentienne : saint François de Sales avait déjà eu, pour les visitandines, le projet suivant, à savoir la visite des malades à domicile, mais cela avait été impossible, car les autorités ecclésiales de l’époque s’opposaient à ce que des religieuses sortent du couvent. Vincent de Paul a bien retenu la leçon. Voilà pourquoi, les Filles de la Charité ne seront pas religieuses au sens strict du terme : elles ne feront que des promesses à renouveler chaque année au lieu de vœux perpétuels et ne porteront pas de voile mais une coiffe (la fameuse coiffe des sœurs de saint Vincent de Paul) et elles ne feront pas de noviciat mais un « séminaire ». Pourquoi ? Pour leur permettre de faire les visites à domicile pour les plus pauvres. La « visite à domicile » est au cœur de l’action vincentienne. Pourtant, les édits royaux depuis le XVIe siècle accentuaient la politique « d’enfermement » des malades, des pauvres et des mendiants pour des raisons sanitaires et de sécurité publique. Dans l’Église même, la puissante compagnie du Saint-Sacrement fournissait souvent le personnel pour encadrer ces maisons de Charité communales ou ces Hôtels-Dieu. L’action de saint Vincent de Paul allait à l’encontre de cette politique parce que le Seigneur lui avait fait découvrir que la Charité était un chemin de mission et qu’elle prenait une forme concrète par « la visite à domicile ». Avec Vincent, c’est la Charité qui descend dans la rue.