En ce début d’année 2018, le cardinal Parolin a accordé une interview exclusive à Vatican News. Le secrétaire d’État du Saint-Siège y évoque de nombreux sujets, du voyage apostolique au Chili et au Pérou à l’attention de l’Église envers les jeunes, en vue du Synode d’octobre, en passant par la Rencontre mondiale des familles à Dublin en août, les discussions autour d’Amoris Laetitia et la réforme de la Curie.
Entretien réalisé par Alessandro Gisotti – Cité du Vatican
Parmi les nombreux sujets qui marqueront cette nouvelle année, le secrétaire d’État du Saint-Siège a particulièrement insisté sur le thème des jeunes.
Cardinal Parolin: Bien sûr, cette année, l’attention de l’Église sera justement concentrée à tous les niveaux sur les jeunes, sur leurs attentes, leurs aspirations, sur les défis qu’ils doivent affronter et aussi sur les espérances qu’ils portent en eux, ainsi que sur les faiblesses et les peurs. Ce sera donc une année importante: le Pape l’a déjà rappelé, y compris dans ses récents discours de la période de Noël. Je crois que cette approche innove surtout par la recherche d’une nouvelle relation de l’Église avec les jeunes, empreinte d’un paradigme de responsabilité exempt de tout paternalisme. L’Église veut vraiment entrer en dialogue avec la réalité de la jeunesse, veut comprendre et aider les jeunes. En même temps, je voudrais faire allusion à ce fameux discours que fit John Kennedy à sa prise de fonction, en 1961, quand il dit: «Vous ne devez pas vous demander ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire, ce que vous devez faire, pour votre pays.» En fin de compte, je crois que c’est là l’innovation, c’est-à-dire que le Pape et l’Église demandent aux jeunes ce qu’ils peuvent faire, eux, pour l’Église, quelle contribution ils peuvent apporter à l’Évangile, aujourd’hui! Et je crois que les jeunes sauront répondre à cette invitation avec leur générosité et aussi leur enthousiasme.
Alessandro Gisotti: Les jeunes font penser, bien sûr, à la famille. En août, à Dublin, la Rencontre mondiale des familles sera un rendez-vous important, qui arrive deux ans après la publication d’Amoris laetitia. Quel bilan peut-on tirer de la réception de ce document et pourquoi a-t-il suscité une controverse si vive dans le monde catholique?
Cardinal Parolin: Évidemment, après la célébration des deux Synodes et la publication de l’exhortation apostolique Amoris laetitia, l’Église a pris cette direction. Et je pense que la célébration de la Journée mondiale des familles à Dublin sera une étape importante parce que c’est la première, en fin de compte, après la publication du document. Une étape de réflexion, une étape d’approfondissement et une étape aussi pour poursuivre ce processus d’application des indications d’Amoris letitia. Là aussi, j’emploierais un terme que j’ai déjà utilisé, c‘est-à-dire qui’Amoris laetitia résulte d’un nouveau paradigme que le Pape François porte avec sagesse, avec prudence et aussi avec patience. Il est probable que les difficultés qui ont émergé et qui existent encore dans l’Église soient justement dues, au-delà de certains aspects du contenu, à ce changement de comportement que le Pape nous demande. Un changement de paradigme, vraiment inhérent au texte lui-même, qui nous est demandé: cet esprit nouveau, cette approche nouvelle! Donc, évidemment, chaque changement comporte des difficultés, mais ces difficultés sont prises en compte et sont affrontées avec force, pour trouver des réponses qui soient des moments de croissance ultérieure, d’approfondissement ultérieur. Là aussi je crois qu’Amoris laetitia, au-delà d’être une étreinte que l’Église fait à la famille et à ses problématiques dans le monde d’aujourd’hui, peut vraiment aider à incarner l’Évangile à l’intérieur de la famille – qui est déjà un Évangile: l’Évangile de la famille – et aider les familles pour qu’elles collaborent et contribuent à la croissance de l’Église.
Alessandro Gisotti: Éminence, le mois de mars marquera le cinquième anniversaire de l’élection du Pape François. Un des points forts du Pontificat, comme nous le savons, est le processus de réforme de la Curie mais pas seulement. Comment, selon vous, pourra-t-on développer ce processus dans le futur proche?
Cardinal Parolin: Il y a déjà eu tant de pas en avant, des pas considérables. L’an dernier déjà, dans son discours à la Curie, le Pape énumérait la majorité des mesures prises après réflexion, surtout par le Conseil des cardinaux du C9. Mais il me semble que dans ces discours – et c’est une raison qui revient constamment dans le Magistère du Pape François, quand on parle de la Curie – il ne s’agit pas tant d’insister sur les réformes structurelles, avec la promulgation de nouvelles lois, de nouvelles normes, de nominations, etc.; mais plutôt de l’esprit profond qui doit animer chaque réforme de la Curie, la dimension fondamentale de la vie chrétienne, c’est-à-dire la conversion. Donc, faire en sorte que la Curie puisse vraiment devenir – toujours davantage et toujours mieux, en ôtant aussi ces ombres qui peuvent faire obstacle à cet engagement et cette mission – une aide au Pape pour annoncer l’Évangile, pour témoigner de l’Évangile, pour évangéliser le monde d’aujourd’hui. J’insisterais encore une fois sur cela, même si c’est un regard à distance qui n’entre pas dans le caractère concret de chaque réforme ou de chaque changement, qui sont déjà là et qui continueront. Des approfondissements qui concernent d’autres organismes de la Curie romaine sont en cours, mais voilà la perspective fondamentale que le Pape nous rappelle continuellement et sur laquelle je voudrais mettre l’accent.
Alessandro Gisotti: En cette année 2018 qui commence, il y aura un voyage apostolique pour le Pape François. D’ici quelques jours, il retourne en Amérique latine. Que signifie cette visite au Chili et au Pérou?
Cardinal Parolin: C’est toujours la rencontre avec les Églises, avec les communautés chrétiennes. Le Pape y va comme pasteur de l’Église universelle pour rencontrer les Églises locales; naturellement, des Églises qui sont particulièrement vives, particulièrement actives comme l’Église au Chili, comme l’Église au Pérou, et qui, d’un autre côté, doivent affronter de nombreux défis dans la réalité du monde d’aujourd’hui. Il y a tant de défis! J’en citerais deux, en particulier, qui tiennent à cœur le Pape. C’est d’abord le défi des populations indigènes. Je fais ici aussi référence au Synode sur l’Amazonie qui a été convoqué par le Pape récemment et qui se tiendra en 2019. C’est-à-dire se demander quel est le rôle de ces populations à l’intérieur de chaque pays, quelle est leur contribution à la société. Ensuite, un thème cher au Pape et sur lequel il est revenu avec des paroles très marquées: celui de la corruption, qui empêche le développement et qui empêche aussi de surmonter la pauvreté et la misère. Je crois que ce ne sera pas un voyage simple, mais ce sera un voyage passionnant.