Louis est un quinquagénaire originaire de Bagdad et rescapé de l’attentat qui avait eu lieu le 31 octobre 2010 dans la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Bagdad.
(republication estivale d’un article du 4 novembre 2016)
Vous êtes survivant de cet attentat qui frappa Bagdad voici 6 ans… Quels sont vos souvenirs?
Ces souvenirs sont atroces, évidemment. Nous sommes restés des heures à attendre, entourés de cadavres, et incapables d’aider les blessés. Ils sont entrés pendant le sermon, et ont crié « Allah Akbar ». Ensuite, ils ont tiré à plusieurs reprises et nous entendions les gens mourir… J’étais dans la sacristie avec une soixantaine de fidèles. Aujourd’hui, je peux vous le dire : notre survie est un miracle. L’un des terroristes était assis devant la porte et n’est jamais entré, impossible de comprendre pourquoi. Mais j’ai un souvenir particulier qui ne me quitte pas: il y avait à côté de moi un jeune homme blessé. Du début à la fin de son calvaire, il récitait son chapelet. Il est mort en disant « maintenant et à l’heure de notre mort »…
Quelle foi! Avez-vous eu peur de mourir?
Ah non, absolument pas. La situation était anxiogène parce que vous ne savez pas ce qui va arriver, ceux que vous allez perdre… Mais je ne me suis jamais inquiété de mourir. Vous savez, nous sommes chrétiens et nos textes nous enseignent d’avoir peur de ce qui tue l’esprit et non de ce qui tue le corps. Notre présence dans cette région prouve qu’ils n’ont pas réussi à tuer nos âmes… Si Dieu l’avait permis, je serais mort. J’ai été à l’inverse béné ficiaire d’un miracle et Dieu compte sur moi, là où je suis aujourd’hui. J’ai reçu ma survie comme une grâce, mais je n’avais pas peur.
Pourquoi restez-vous en Irak ?
Parce que c’est mon pays! Je comprends votre question, et il s’agit réellement d’un problème que se posent aujourd’hui beaucoup d’Irakiens et, en particulier, les chrétiens. J’ai la nationalité française et j’aime visiter la France, comme une seconde patrie. Mais rien ne remplacera jamais ma véritable mère patrie dans mon cœur. J’ai été victime de trois attentats, j’en garde les séquelles, mais je vis aussi grâce à ce que je suis et tout ce que ce pays m’a transmis. La terre où l’on naît est sacrée, je ne peux me résoudre à l’abandonner, encore moins maintenant, pendant son calvaire.
Quel message voudriez-vous donner aux chrétiens européens?
Restez ce que vous êtes.
Il est assez inquiétant pour vos pays de voir la facilité avec laquelle l’islam s’impose. Vous êtes des pays chrétiens et vous devez le rester. Je respecte la laïcité, l’égalité, la liberté et la fraternité, qui sont des valeurs que vous avez raison de défendre. Mais votre identité est chrétienne et c’est ce qui a fait votre force et votre rayonnement dans le monde entier. Pourquoi l’abandonner? Vous, Français, vous êtes les héritiers de la fille aînée de l’Église. Sans votre christianisme, vous n’êtes plus rien. Et cela me fait de la peine de voir ce sublime pays se dissoudre. Priez pour nous, mais n’oubliez pas votre propre pays dans vos prières!