En 2002, la Corée du Sud co-organisait la 17ème Coupe du monde de football avec le Japon. C’était la première fois que la Fédération internationale de football (FIFA) confiait l’organisation de cet événement à deux pays, et la première fois que cette compétition se déroulait en Asie. La prochaine fois que la Corée du Sud organisera la Coupe du monde de football, il se pourrait qu’elle l’organise avec… la Corée du Nord, et d’autres pays d’Asie du Nord-Est. C’est du moins ce qu’a indiqué souhaiter le président élu le 10 mai dernier, Moon Jae-in.
Le 12 juin dernier, le président sud-coréen a accueilli à la Maison Bleue, le palais présidentiel de la République de Corée, Gianni Infantino, président de la FIFA, de passage à Séoul à l’occasion de la finale de la Coupe du monde U-20 qui se déroulait la veille au Suwon World Cup Stadium entre l’Angleterre et le Venezuela (1-0). A cette occasion, le président Moon a déclaré que plusieurs pays d’Asie du Nord-Est, y compris la Corée du Nord, pourraient accueillir la coupe du monde de football 2030. Selon Park Su-hyun, porte-parole du président Moon, ce dernier aurait déclaré : « Si les pays voisins d’Asie du Nord-Est, y compris la Corée du Nord et la Corée du Sud, pouvaient organiser la Coupe du monde de football ensemble, cela pourrait aider à créer la paix entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, et en Asie du Nord-Est. Je souhaite que le président [de la FIFA] considère cette option […] et j’espère que nous en aurons l’opportunité pendant la Coupe du monde 2030. »
Mgr Peter Lee Ki-heon est évêque d’Uijeongbu ; il préside également le Comité pour la réconciliation entre les peuples coréens, de la Conférence des évêques catholiques de Corée (du Sud). Contacté par Eglises d’Asie, il estime que « l’idée du président Moon va sûrement aider à améliorer la paix entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, et en Asie du Nord-Est ». « Les événements footballistiques [constituent] une bonne opportunité de coopération et de conversation entre la Corée du Sud et la Corée du Nord », ajoute-t-il, avant de rappeler que « les événements sportifs organisés entre les deux pays ont par le passé aidé à améliorer les relations ». Et de conclure : « Je crois, que la diplomatie du football, en particulier, produit de bons résultats. »
La naissance de la diplomatie du football
A ce jour, quinze rencontres ont été organisées entre les équipes de Corée du Nord et Corée du Sud, toutes catégories confondues, principalement dans le cadre de compétitions officielles. La première a eu lieu le 22 décembre 1978, à Bangkok, dans le cadre des Jeux asiatiques de 1978. Ce jour-là, les deux équipes s’étaient quittées sur le score de 0 à 0. Jusqu’alors, la fédération nord-coréenne de football avait systématiquement refusé de jouer contre l’équipe de Séoul, ce qui l’avait poussé à renoncer à participer à la Coupe du monde 1978 quelques mois plus tôt, car le tirage au sort l’avait placé dans la même poule que la Corée du Sud.
Chez les femmes, la Corée du Nord, 9ème au classement FIFA en 2016, a remporté onze rencontres (une seule victoire du côté de la Corée du Sud) tandis que chez les hommes, la Corée du Sud, 55ème au classement, a remporté sept matchs (une victoire nord-coréenne).
Entre les Chollima (surnom de l’équipe de Corée du Nord, créée en 1964, en référence à une créature mythique) et les Guerriers Taeguk (surnom de l’équipe de Séoul), outre les rencontres organisées dans le cadre de compétitions officielles, trois matchs amicaux ont été organisés : deux en 1990 et un en autre en 2005. Pour les hommes, la seule rencontre organisée en Corée du Nord, dans l’enceinte du stade Kim Il-sung (du nom du premier dirigeant de la République populaire démocratique du Corée), s’est tenue le 11 octobre 1990 ; les autres rencontres « à domicile » que la Corée du Nord devait organiser dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2010 se sont déroulées à Shanghai en raison du refus de Pyongyang de hisser le drapeau sud-coréen et d’autoriser l’hymne sud-coréen à être chanté sur son territoire, imposées par les règlements de cette compétition (article 22). La rencontre organisée à Pyongyang est à ce jour la seule à avoir été remportée par les Chollima contre les Guerriers Taeguk (2-1).
En 1990, les matchs amicaux organisés ont eu lieu alors que le président Roh Tae-woo était au pouvoir (1988-1993). Dernier général à être élu (l’élection à la présidence de la République de Kim Young-sam [1993-1998] marquant l’accession au pouvoir de civil en République de Corée), il pratique une politique d’ouverture et multiplie les succès diplomatiques (établissement de relations diplomatiques avec l’URSS en 1990 et la République populaire de Chine en 1992, entrée conjointe des deux Corées à l’ONU en 1991) si bien qu’au lendemain de la réunification allemande, près de deux tiers des Sud-Coréens croient que la réunification de leur pays est alors possible (ils n’étaient que 30 % à le croire en 1988). En 1988, la Corée du Nord avait boycotté les Jeux olympiques organisées à Séoul en raison du refus de cette dernière d’organiser cet événement conjointement avec Pyongyang, une proposition formulée par la Corée du Nord en 1985. Et en 1991, les deux Corées participaient à la Coupe du monde de football des moins de 20 ans en envoyant une équipe commune, une mesure inédite qui n’a pas été rééditée depuis.
La diplomatie sportive, un élément de la « sunshine policy »
Quinze ans plus tard, une rencontre s’est déroulée le 14 août 2005, à Séoul, à l’initiative du ministre de l’Unification, Chong Dong Yong, pour célébrer le soixantième anniversaire de la libération de la Corée de la domination japonaise (3-0 pour la Corée du Sud). Le président Roh Moo-hyun menait alors une politique dite du « rayon de soleil » (« sunshine policy ») afin de relancer les relations intercoréennes.
Chez les femmes, une rencontre amicale a également été organisée à cette occasion, le 16 août, remportée 2-0 par l’équipe de Pyongyang. Plus récemment, le 7 avril 2017, une rencontre s’est déroulée au stade Kim Il-sung, dans le cadre des qualifications à la Coupe d’Asie féminine qui se tiendra en 2018 en Jordanie. Comme le rapporte l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, le drapeau sud-coréen a flotté sur le stade Kim Il-sung pour la première fois, le 5 avril, dans le cadre d’une rencontre face à l’Inde.
Pour autant, l’organisation d’événements sportifs ne suffira pas à « améliorer la confiance » entre les deux Corées, explique Mgr Peter Lee Ki-heon. « Corée du Sud et Corée du Nord ont vécu dans la crainte l’une de l’autre pendant longtemps […]. Il est nécessaire, non seulement d’organiser des événements sportifs, mais aussi de fournir de l’aide humanitaire à la Corée du Nord et d’organiser des formes variées de rencontres et de coopération ». Lors d’une conférence de presse organisée le 20 juin, Chun Hae-sung, nouveau vice-ministre de l’Unification entré en fonction le 1er juin dernier, a précisé que l’administration Moon avait approuvé ces dernières semaines 35 demandes formulées par des groupes civiques pour apporter une aide humanitaire à la Corée du Nord.
Outre l’aide humanitaire, l’évêque d’Uijeongbu insiste sur la nécessité d’organiser des rencontres entre membres des familles séparées. « Une des rencontres les plus importantes consisterait à faire se rencontrer des familles séparées entre le Nord et le Sud de la Corée. Quand il a visité la Corée du Sud [en août 2014], le pape François a souligné que Corée du Sud et Corée du Nord étaient frères. A présent, beaucoup de Sud-Coréens oublient qu’ils forment un même peuple avec les Nords-Coréens. Réunir des familles séparées pourrait rappeler que les peuples des deux pays sont frères. » Membre d’une de ces familles déchirées par la guerre de Corée (1950-1953), Mgr Peter Lee Ki-heon rappelle que ses sœurs vivent toujours de l’autre côté de la Zone démilitarisée (DMZ) qui constitue la frontière entre les deux Corées.
La Corée du Nord n’a pas réagi à la proposition du président Moon d’organiser conjointement la Coupe du monde 2030.
Source : Eglises d’Asie