Si les crèches sont bannies, si les croix sont pourchassées, si le mot même de Noël est en voie d’éradication, l’Avent, lui, fait recette. Curieuse contradiction qui révèle qu’on ne comprend plus vraiment notre culture. La croix sur la mitre de saint Nicolas fait courir un risque d’exclusion discriminatoire pour les enfants non catholiques, mais pas la mitre épiscopale, ni le « saint » qui précède Nicolas. La croix de Ploërmel dérange, mais pas le pallium du pape. Les crèches sont insupportables, mais pas l’ambiance festive qui en découle et qui sans elle est dépourvue de fondement. A « Noël », Leffe préfère bière d’hiver et Google fête de la famille. Ici le qualificatif « sainte » est soigneusement omis devant famille.
Pourtant, l’Avent se porte bien. Sans se demander (et peut-être sans remarquer) pourquoi Avent n’est pas avant, alors qu’il est avant …. Avant quoi du reste puisqu’on ne peut nommer l’après qui suit l’Avent. On sait en tout cas qu’un temps s’écoule, un temps qu’on a pris l’habitude de décompter, jour après, grosso modo, depuis début décembre. Oui mais un début décembre qui parfois commence fin novembre ou même plusieurs jours après le 1er décembre. Bref autant dire qu’on parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent plus comprendre.
Non seulement l’Avent ne semble pas avoir subi les foudres de la libre pensée, mais cette année, tout est sujet aux calendriers de l’Avent. Il n’est pas jusqu’à mon club de sport qui n’y aille de son calendrier de conseils quotidiens pour nous conduire jusqu’aux gros repas des fêtes de fin d’année, histoire d’anticiper, non pas les fontaines de grâces, mais les kilo de graisses.
Reliquat profané (au sens littéral, sorti du temple) d’un moment clé de l’humanité qui a notablement modifié l’objet de son attente, à mesure que le monde a dévié la perception même de l’Homme et donc de son propre bonheur. On attend bien une venue pour cette fin d’année. Une venue matérielle, dans les cadeaux divers qui nous permettent d’accroitre notre avoir (quitte à le revendre le lendemain) ; une attente de sociabilité dans ce point d’orgue annuel qui réunit famille d’abord et amis proches ensuite ; attente d’un recommencement, malgré nos bonnes résolutions qu’on sait fondre plus vite la neige des routes de montagnes.
Cette commercialisation de l’Avent, plus que la marchandisation de Noël, nous révèle où est désormais la tension ultime de l’homme. L’humanité occidentale ne parvient plus à se réaliser que dans l’avoir et se trouve toute tendue vers cette attente. L’être, qu’autrefois on espérait de cette naissance merveilleuse, n’intéresse plus, car l’humanité a oublié que pour avoir il faut être et pour autant avoir ne fait pas plus être. L’attente que parcourt cet avent des temps modernes est une fuite abyssale, là où elle était une ouverture à l’infini. Eut-être dans cette course éperdue, nous appartient-il de marquer le pas, pour redonner, à l’humanité, non seulement l’espérance de demain, mais la saveur d’aujourd’hui. Cet aujourd’hui que nous fuyons tant il nous pose face à l’éternité à laquelle il est irrémédiablement lié.
Belle et sainte montée vers Noël
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Edito #54 – Un avent commercial au mépris de la laïcité
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