Ces élections auront été pour le moins déconcertantes. Il y avait bien longtemps que les catholiques n’avaient pas été si présents sur la scène politique. Qu’ils se soient fortement investis ou qu’ils aient été instrumentalisés de diverses manières par les médias ou les politiques eux-mêmes, c’est un fait, les catholiques et leurs thèmes ont largement dominé la campagne. Et en cette veille de second tour, ils sont probablement les plus perplexes. Si nous laissons de côté les pressions qui voudraient limiter leur choix et brider leur conscience, il n’en reste pas moins qu’aucun des deux candidats n’est représentatif de la civilisation de l’amour à laquelle aspirent les chrétiens. Pour des raisons différentes ou parfois similaires, Marine Le Pen, comme Emmanuel Macron peuvent séduire ou repousser le vote catholique. De nombreux éléments de discernement circulent sur les réseaux et InfoCatho tente de relayer les clefs de lecture chrétienne à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise, en évitant autant que possible d’influencer ses lecteurs, encore que certains points étant « non négociables », énoncer la parole de l’Eglise revient, parfois, à prendre position.
Toutefois, une décision n’est jamais isolée et les principes non négociables, surtout lorsqu’ils sont mis en concurrence parce qu’écartelés entre différentes propositions électorales, doivent être évalués à la lumière de la finalité. En d’autres termes, où voulons-nous aller ? Un acte a des conséquences et ces conséquences conduisent à d’autres actes. De deux choses l’une, ou nos actes sont pensés dans l’absolu et « advienne que pourra », ou ils sont ordonnés en vue d’une finalité, c’est-à-dire qu’ils ne sont qu’un pas dans la direction souhaitée.
Un acte politique, comme l’est le vote, n’est pas une fin en soi, il doit toujours être pensé en fonction du Bien Commun. Cela suppose, évidemment, de définir son bien commun, c’est-à-dire son objectif, afin de visualiser au mieux les étapes intermédiaires pour y parvenir. C’est la seule condition pour que l’acte que je dois poser ici et maintenant ait un sens et soit discerné en vue du bien. Sinon, il risque fort d’être aléatoire et nous conduire à une succession de décisions gyrovagues. C’est ce qu’on appelle le mieux possible qui est tout le contraire du moindre mal.
Le moindre mal nous cantonne à une action défensive et de repli, de protection. Il vise non à aller vers le bien, mais à limiter la casse. Si c’est en soi déjà une bonne chose, ce n’est pas constructif, ni porteur d’avenir et d’espérance. Il me semble qu’à cette lumière, le « tout sauf Macron » ou le barrage au Front National, sont l’un comme l’autre des replis qui ne préparent pas l’avenir en vue du Bien. Que ce soit le vote Macron, le vote Le Pen ou l’abstention, ils seront au mieux repli défensif, au pire démission en vue du bien, si le vote n’est pas pensé comme le premier pas en direction du Bien, en d’autres termes non comme le moindre mal, mais le mieux possible, compte tenu d’une part de la réalité concrète, d’autre part du bien ultime qui pour le chrétien est quand même la vie intime avec Dieu, pour soi et pour les autres.
A cette lumière, il convient donc de discerner, non seulement le bien et le mal contenu dans les deux programmes, mais aussi la possibilité que nous aurons de poser ensuite un second pas vers le bien. Et ce second pas n’est pas seulement celui des législatives, mais également de l’orientation durable que prendra le pays au lendemain du 7 mai. Des mauvais choix économiques sont plus facilement récupérables qu’une orientation durablement civilisationnelle. Il y a donc, aussi, une hiérarchisation des priorités qui porte à la fois sur le bien et le mal et sur le discernement à court et long terme.
Alors Marine ou Macron ? Abstention ou vote blanc ? Une certitude, sortons du moindre mal pour construire le mieux possible.
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Edito #26 : « Marine, abstention, Macron, moindre mal ou mieux possible ? »
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