Nous entrons cette semaine dans ce temps unique, parfois redouté, du carême. Quarante jours que chacun vit selon la spiritualité qui lui est propre, le discernement de son devoir d’état et la grâce de Dieu, en faisant souvent « comme il peut ».
Comme nous pouvons, nous prenons des engagements desquels le démon va s’évertuer plus que d’habitude à nous détourner. Comme nous pouvons nous allons essayer de tenir les deux ficelles de cette traversée du désert que sont nos propres résolutions et le minimum minomorum que demande l’Eglise. Comme nous pouvons, nous en ferons un tremplin pour grandir dans la foi ou une parenthèse héroïque d’efforts sans lendemain mais dont le fruit de pénitence ne sera pas non plus sans effet.
Jeûne, aumône, partage, nous connaissons bien la triade de cette quarantaine mise en place depuis des siècles, avec ses modalités évolutives au gré des vents pastoraux. Deux points cependant traversent les âges sans prendre une ride. Du mercredi des cendres à la nuit de Pâques une trajectoire plus ou moins linéaire nous fait tendre de la poussière à lumière. Ces cendres, dont les hébreux se couvraient en signe de pénitence, pour bien se rappeler leur dépendance vis-à-vis de ce Dieu qui prend en considération ces microbes que nous sommes, mais qui en même temps est à une distance infinie de l’Homme, ces cendres tracent dès le début du carême le signe croisé de la lumière à laquelle elles conduisent. C’est bien par l’humilité des cendres que s’ouvrent peu à peu nos cœurs au désir de Dieu, seul chemin pour accueillir la grâce extraordinaire du salut.
Il est cependant un autre aspect du carême auquel nous ne pensons pas toujours : il fait de nous des doigts tendus vers le ciel par la communion de nos pratiques, reproduites de lieux en lieux de par le monde. Le mercredi qui inaugure cette traversée du désert, tous nous franchissons la mer rouge qui nous reconduit chez nous, un signe ostensible de croisé sur le front. Tous nous sommes en communion fraternelle, comme chaque vendredi, lorsque nous laissons la viande pour le poisson. Signe visible d’appartenance et de reconnaissance de par le monde, cette obligation canonique est aussi l’expression d’une solidarité fraternelle et l’occasion d’un témoignage discret mais prophétique. Il est, comme nos autres efforts, par le sens tendu vers le ciel qu’ils portent, le rappel au monde tout entier de sa propre destination. Le carême, par son retour à l’essentiel, à savoir une conversion qui nous ramène à Dieu pour cheminer vers Lui, est ce doigt tendu vers le ciel. A la question de nos contemporains interpellés « pourquoi », le carême répond « pour où ».
Signe d’appartenance communautaire, identitaire, n’ayons pas peur du mot, le carême est aussi une extraordinaire prophétie collective des fidèles qui, plus que jamais sont dans le monde, sans être du monde. Tel est, du reste, la finalité de cette tension vers le ciel qui ne nous coupe pas de nos frères humains, mais nous enjoint d’être des lumières sur la route. Que ce soit par l’aumône, par le jeûne ou la prière, quelle que soit la sève spirituelle qui irrigue nos démarches privées, elles n’en demeurent pas moins un éclat de ce phare collectif que nous sommes appelés à être particulièrement ces quarante jours de prophétie qui font des cendres le corps glorieux du Christ.
Au nom de toute l’équipe je vous souhaite, je nous souhaite, un carême prophétique de conversion de la cendre à la lumière.
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Edito #17 : «Le carême un temps d’unité fraternelle prophétique »
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