L’abbé Laurentin, dès le début de sa carrière de théologien marial, a comparé Lourdes et Fatima (Cf. Sens de Lourdes, pp. 91 à 105). À Lourdes, les apparitions ont lieu à l’entrée en Carême : on pense à Jean-Baptiste au désert parlant aux cœurs pour lesquels les vérités anciennes sont devenues bien floues ; la source mène ici au Jourdain. À Fatima, l’enfer est évoqué avec l’Au-delà : l’été arrive, l’air et le feu sont dans le miracle du soleil.
Au cours des XIXe et XXe siècles, le message marial élargit son auditoire. À la Rue du Bac, Notre Dame parle dans l’intimité d’une chapelle ; à Lourdes, quelques personnes s’assemblent autour de la grotte ; à Fatima, la grosse foule du 13 octobre annonce les milliers et millions de pèlerins aux 13 de chaque mois, anticipant sur les voyages pastoraux des papes récents qui remuent la terre entière. On dirait que Marie agit et fait agir Pierre en crescendo sur l’humanité : « Lourdes nous ramène aux préludes de l’Incarnation », écrit Laurentin. « Fatima nous entraîne vers les perspectives eschatologiques » (p. 105). Marie montre là sa grande pédagogie, avec des moyens fort simples. Elle s’adresse avec naturel aux enfants, sans rien de forcé. Elle échange aussi par des signes qui touchent profondément l’âme sans omettre le corps, nous menant des choses visibles vers les invisibles.
« La Vierge vient crier plus fort à nos oreilles de sourds, assourdis par les bruits extérieurs du monde, ce que nous ne savons plus entendre, éclairer de lumière vive à nos yeux obscurcis par le péché, ce que nous ne savons plus voir », écrivait aussi l’abbé Laurentin (op. cit., p. 93). « Prière et pénitence », Marie ramène ainsi selon le futur Benoît XVI, « à la simplicité qui est au centre, à l’essentiel, à la conversion, à la foi, à l’espérance et à la charité » (Card. J. Ratzinger, Voici quel est notre Dieu, p. 219). Avec une ingénuité enfantine, Marie se présente comme modèle pour l’Église, petite lucarne toujours ouverte sur le Ciel. Elle nous livre peu de paroles, mais qui nous disent tant de choses ; elle n’est jamais laconique. À Pontmain, son message s’imprime à ses pieds, lettre après lettre, mais quel impact ! À Fatima, elle parle, le petit François n’en entend qu’une partie, mais comprend tout, en grand contemplatif qu’il était déjà (Cf. Cahiers d’Édifa, n° 11, 15 août 2000, p. 64-67).
Marie nous ouvre également le Ciel par sa présence et sa beauté : tous les voyants y insistent. À Fatima, la petite Jacinthe répète sans cesse : « Oh ! Quelle belle Dame ! » (cf. C. Barthas, Il était trois petits enfants, p. 50). À Lourdes, sainte Bernadette disait de la Très Sainte Vierge qu’elle est « si belle que, quand on l’a vue, il tarde de mourir pour la revoir » (cf. R. Laurentin, Lourdes. Histoire authentique, t. III, p. 219, n° 102). Ses larmes aussi sont éloquentes (et pas seulement à La Salette), de même que son sourire. Avant de se définir le 25 mars dans son mystère d’Immaculée Conception, elle se contentait de sourire quand Bernadette l’interrogeait sur son identité, sur ordre du terrible curé de Lourdes : un sourire silencieux qui attirait sans décevoir.
Benoît XVI, en visite à Lourdes en 2008, vante ainsi ce sourire que Marie fit connaître dès le début à Bernadette, « comme porte d’entrée la plus appropriée à la révélation de son mystère. Ce sourire, vrai reflet de la tendresse de Dieu, est la source d’une espérance invincible. Dans le sourire de la Vierge se trouve mystérieusement cachée la force de poursuivre le combat contre la maladie et pour la vie. Oui, quêter le sourire de la Vierge Marie n’est pas un pieux enfantillage. En cette manifestation toute simple de tendresse qu’est un sourire, nous saisissons que notre seule richesse est l’amour que Dieu nous porte et qui passe par le cœur de celle qui est devenue notre Mère. Quêter ce sourire, c’est d’abord cueillir la gratuité de l’amour ; c’est aussi savoir provoquer ce sourire par notre effort pour vivre selon la Parole de son Fils bien-aimé, tout comme un enfant cherche à faire naître le sourire de sa mère en faisant ce qui lui plaît » (Homélie à Lourdes, 15 sept. 2008).
Par un moine sur l’Homme Nouveau