Doit-on prier pour le peuple en démocratie ?
Dimanche, lors de la messe de la fête du Christ Roi, qui tombait le jour de l’élection primaire de la droite et du centre, l’équipe d’animation liturgique avait prévu, parmi les intentions de prières universelles, une prière pour que les dirigeants du monde œuvrent au bien commun. Étant au micro, une fois les prières inscrites terminées, je prends la parole pour dire : « En ce jour de Christ Roi et d’élection primaire, pour que les électeurs choisissent un candidat qui cherche le bien commun et œuvre à l’avènement de ton royaume, Seigneur nous te prions ». Alors que je parlais, le prêtre s’est tourné vers moi, l’œil désapprobateur, et, visiblement, certains dans l’assistance n’ont pas apprécié… Un voisin est même venu me parler depuis, car l’évènement lui avait été relaté.
N’est-il pourtant pas hypocrite de prier pour que les dirigeants soient sensibles au bien commun, lorsque l’on ne choisit pas, à la base, les candidats qui y sont sensibles ? Si nous sommes en démocratie – où le peuple dirige – ne devrait-on pas naturellement prier pour que le peuple fasse un vote éclairé ?
On parle de séparation entre le temporel et le spirituel. Certains auraient-ils oublié que l’ancien rite se terminait avec une prière pour la France, dont le texte a été après le concordat : « Domine salvum fac republicam », id est « Dieu sauve la république » ? Si l’on a pu durant une messe prier pour la république, comment peut-on juger inapproprié de prier pour les électeurs un jour d’élection ? Le refus d’agir en chrétien, la « laïcité » dans le sens du refus des droits de Dieu sur la société, ne sont-ils pas des péchés ? Le vote n’est-il pas censé être une adhésion à un programme, et peut-il donc se révéler potentiellement une adhésion à des valeurs incompatibles avec celle de l’Eglise ? On rappellera aussi qu’il est péché de refuser d’admettre des vérités révélées par Dieu, et enseignées comme telles par l’Eglise.
Au final, ce refus de certain clercs ordonnés d’encourager des positions chrétiennes dans le monde politique ne serait-il pas un péché ? Pourtant, l’Eglise reste dans cette neutralité politique, même lorsqu’un seul candidat est compatible avec les enseignements catholiques, face à une meute de personnes pour lesquelles un vote n’est pas possible sans remettre en cause la doctrine chrétienne. Pour en avoir discuté avec un prêtre une fois, sa réponse fut que si l’Eglise lançait un appel au vote, des représailles seraient à craindre, telles que la fermeture d’églises. Désespérer du Salut, voici un péché contre l’Espérance.
Je maintiens donc ma nécessité de prier pour les électeurs : « Domine salvum fac electora », tout autant que l’on prie pour les dirigeants. Sans oublier de prier pour l’Eglise et les prêtres, qui eux aussi en ont bien besoin.
B.L.