L’Union européenne doit être « une communauté en chemin » plus qu’une « entité statique et bureaucratique », affirme le cardinal Pietro Parolin. Dans un entretien au quotidien italien La Stampa à la veille du 60e anniversaire des Traités de Rome (25 mars 1957), le secrétaire d’Etat du Saint-Siège souligne qu’on n’attend pas des chrétiens « qu’ils disent ce qu’il faut faire, mais qu’ils montrent par leur vie la voie à parcourir ».
Célébrer cet anniversaire signifie « affirmer que le projet européen est vivant » malgré les difficultés, explique le « numéro 2 » du Vatican : « l’idéal reste actuel ». Il rappelle qu’à la base des Traités de Rome, les deux textes fondateurs de l’UE, « il y avait la volonté de dépasser les divisions du passé et de privilégier une approche commune aux défis de notre temps ». La célébration « nous rappelle qu’aujourd’hui encore il est possible de travailler ensemble, parce que ce qui unit est plus important et plus fort que ce qui divise ».
Le cardinal encourage à « repenser l’UE » comme « une communauté en chemin » plus qu’une « entité statique et bureaucratique ». « L’âme du projet européen, selon l’idée des Pères fondateurs, trouvait sa consistance dans le patrimoine culturel, religieux, juridique, politique et humain sur lesquels l’Europe s’est édifiée dans les siècles », rappelle-t-il : « L’esprit des Pères fondateurs n’était pas tant de créer de nouvelles structures supranationales, mais de donner vie à une communauté, en partageant ses ressources ».
Au cœur du patrimoine commun du Vieux continent : ses racines chrétiennes, qui sont « un élément fondamental », « la lymphe vitale de l’Europe ». Mais le cardinal déplore un « lent processus qui a cherché à reléguer toujours plus le christianisme dans la sphère privée (…). Il a donc été nécessaire de rechercher d’autres dénominateurs communs, apparemment plus concrets, mais qui ont conduit à (un) vide de valeurs ». Dans ce cadre, « les chrétiens sont appelés à offrir avec conviction leur témoignage de vie (…). On n’attend pas d’eux qu’ils disent ce qu’il faut faire, mais qu’ils montrent par leur vie la voie à parcourir ».
Les populismes, une réponse partielle
Le secrétaire d’Etat aborde aussi la question des populismes qui sont, estime-t-il, « le signe d’un mal-être profond perçu par beaucoup de personnes en Europe et aggravé par les effets persistants de la crise économique et de la question migratoire (…). Ils sont une réponse partielle à des problèmes compliqués ». Et de mettre en garde contre une politique « réduite à un ensemble de réactions, souvent hurlées, indicatrices de la carence d’idéaux ».
Les inquiétudes « sont authentiques et ne peuvent être d’aucune façon éludées », assure le cardinal Parolin qui préconise de « tenir compte » du « problème de sécurité » : « Si d’un côté on ne peut ignorer celui qui est dans le besoin, de l’autre il y a aussi la nécessité que les migrants observent et respectent les lois et les traditions des peuples qui les accueillent ».
Mais il encourage « une réflexion plus profonde » pour « affirmer un idéal, indiquer une perspective d’action et donner des réponses concrètes ». La question migratoire « met à l’épreuve l’Europe dans sa capacité d’être fidèle à l’esprit de solidarité et de subsidiarité qui l’a animée depuis le début ».
Contre le terrorisme, redonner à l’Europe son âme
Pour affronter le terrorisme, il recommande « d’identifier et de déraciner les causes les plus profondes » du phénomène : « le terrorisme trouve un terrain fertile dans la pauvreté, dans le manque de travail, dans la marginalisation sociale ». Il souligne aussi « une autre cause bien plus profonde du mal-être qui favorise le terrorisme » dans « la perte de valeurs qui distingue tout l’Occident et qui déstabilise surtout les jeunes ».
L’Europe en effet « a cherché à “s’affranchir” du patrimoine culturel et des valeurs qui l’ont engendrée et cela a créé un vide. Les jeunes ressentent et subissent de façon dramatique les conséquences de ce vide parce qu’en ne trouvant pas de réponses à leurs justes interrogations sur le sens de la vie, ils cherchent des palliatifs et des substituts », constate le cardinal Parolin. Ainsi « le terrorisme se combat en redonnant à l’Europe et à l’Occident en général, cette âme qui s’est un peu égarée derrière les fastes de la “civilisation de la consommation” ».