J’ai lu récemment un texte du philosophe Jacques Maritain dénonçant la traduction française du Credo, selon laquelle le Fils est “de même nature” que le Père, comme hérétique. Mais je ne comprends pas pourquoi. Il me semblait pourtant que l’Eglise professait bien que le Fils et le Père partagent une même nature divine.
Ce que pointe Jacques Maritain (et, avec lui, beaucoup d’autres catholiques), ce n’est pas que la traduction “de même nature” est fausse; c’est qu’elle est incomplète. En latin, comme en grec, la profession de foi du concile de Nicée affirme que le Fils est “consubstantiel” au Père. Or, cela désigne une unité beaucoup plus forte que le “de même nature”.
Un père et un fils humains sont “de même nature”: ils partagent la même nature humaine, mais ils sont évidemment deux hommes bien distincts. Le Père et le Fils (et, d’ailleurs, le Saint-Esprit aussi), quant à eux, non seulement partagent la même nature divine, mais sont un seul Dieu. Si le Père et le Fils étaient de même nature, mais non consubstantiels, les musulmans auraient raison de croire que les chrétiens sont polythéistes. Mais, c’est faux: nous croyons en un seul Dieu (c’est même comme cela que commence notre profession de foi).
Les défenseurs de l’orthodoxie nicéenne, comme saint Athanase ou saint Hilaire, se sont battus contre une traduction assez proche, sur le fond, de ce “de même nature”. C’était une traduction “de compromis”, qui cherchait à mettre d’accord ceux qui pensaient que le Fils était co-éternel au Père, tout-puissant comme le Père, etc. (c’est-à-dire les défenseurs de la foi chrétienne) et ceux qui pensaient qu’Il était inférieur au Père: on disait alors que le Fils était homoiousios (de substance semblable) au Père. Alors que la foi chrétienne affirme qu’Il est de même substance (homousios, sans iota). Comme le “de même nature” n’est pas faux, mais gravement incomplet, ce “de substance semblable” n’était pas faux, mais gravement incomplet.