« L’impasse politique est préoccupante et risque de faire sombrer notre pays dans un désordre incontrôlable ».
Telle est l’alarme lancé par les évêques de République démocratique du Congo, où, après la mort de l’opposant historique Etienne Tshisekedi (voir Fides 02/02/2017), la majorité et l’opposition ne parviennent pas à se mettre d’accord pour former le gouvernement d’unité nationale prévu par les accords de la Saint Sylvestre, chargé d’emmener le pays aux élections.
Des évêques qui par ailleurs mettent en évidences les zones de crises.
« Nous sommes profondément attristés par la multiplication des foyers d’insécurité et de violence qui se génèrent dans la presque totalité du territoire national et font penser à une balkanisation de la République démocratique du Congo » affirment les Evêques congolais.
Les évêques citent les zones de crise suivantes :
1) Le Nord- Kivu, affligé par des massacres à répétition parmi les populations civiles, attribués à de présumés rebelles de l’ADF/NALU au sein du territoire de Beni et par des attaques de groupes ethniques au sein des territoires de Lubero et de Rutshuru. Le retour des anciens rebelles du M23 est par ailleurs source d’inquiétude ;
2) Le Tanganyika, marqué par les affrontements sanglants entre Bantous et Batwas (pygmées) avec comme conséquence des évacuations forcées des populations et un abandon des cultures ;
3) Le Kasaï, Kasaï Central et Kasaï Oriental, bouleversés par des incursions continuelles de milices fidèles au défunt chef traditionnel Kamwina Nsapu.
4) Le Congo Central, touché par le phénomène mystique et politique Bundu dia Mayala s’accompagnant d’affrontements mortels ;
5) La capitale Kinshasa, secouée par des actes de vandalisme et des meurtres au cours de manifestations.
L’Eglise a, elle aussi, subi des actes de vandalisme depuis le début de cette année. Ont ainsi été saccagés le Grand Séminaire de Malole à Kananga et les Paroisses Saint Dominique de Kinshasa-Limete, Saint Kizito et Saint Martin à Lubumbashi, du Bon Pasteur à Boma, Sainte Marie de Lukalaba à Mbujimayi dans le Diocèse de Luiza, Saint Matthias à Mubinza, Saint Jean à Yangala, Sainte Thérèse à Dibandisha et Saint Boniface à Ngwema.
« Les divergences existant au sein de la politique classique et les tensions dans le pays, peuvent conduire la nation à l’implosion et au chaos » écrivent les évêques
En retraçant les étapes de la crise, née « du blocage du processus électoral dont la régularité et la continuité ont été interrompues » – le nouveau Chef de l’Etat aurait en effet dû être élu avant décembre 2016 – les évêques rappellent que c’est le Président sortant, Joseph Kabila, qui sollicite leur médiation laquelle a porté aux accords du 31 décembre.
Les deux problèmes ayant entraîné le blocage du dialogue sont les modalités de désignation du Premier Ministre et la répartition des Ministères entre la majorité et l’opposition. Afin de surmonter ces obstacles, les Evêques demandent aux forces politiques « un dialogue franc, basé sur la bonne foi et la confiance réciproque » et rappellent que la Conférence épiscopale n’a qu’un rôle de médiation. Sont par suite inacceptables « les menaces et les violences récurrentes, fruit de manipulations, dirigées contre l’Eglise catholique pour des raisons inconfessables »
Les violences, qui bouleversent le pays « constituent une véritable tragédie ». « S’agit-il d’un hasard que tout cela intervienne en période préélectoral ? Nous craignons une organisation visant à retarder ou en empêcher la tenue des élections » affirment les évêques.
Pour sortir de cette situation, les évêques demandent aux partis politiques de s’engager loyalement afin d’appliquer l’accord de la Saint Sylvestre, au Président en exercice et aux forces de l’ordre de garantir la sécurité, à la population d’éviter de tomber dans le piège des discours incitant à la haine et à la communauté internationale d’accompagner la RDC dans cette difficile transition.
Source Agence Fides