Les autorités chinoises resserrent toujours plus leur emprise sur les religions dans la province centrale du Henan, avec cinq nouvelles règles, imposant notamment aux religions de la province de tenir des statistiques sur les fidèles. C’est ce qu’affirme un prêtre du diocèse de Zhengzhou, au Henan, qui a reçu l’ordre d’enregistrer et déclarer le nombre et la situation des fidèles. Un ordre qu’il dénonce comme une manœuvre destinée à priver les familles catholiques démunies de l’accès aux subventions publiques. Près de 10 % des catholiques chinois sont concentrés dans la seule province du Henan.
Un prêtre de la province chinoise du Henan affirme avoir reçu un ordre des autorités municipales demandant aux églises de la province de collecter des statistiques sur la composition de leurs communautés, en particulier concernant les familles pauvres. Mais il refuse de coopérer, de peur que des personnes mentionnées dans le registre ne soient empêchées de recevoir les aides publiques en guise de « correction » à cause de la pratique de leur foi. « C’est totalement irresponsable. Par cette manœuvre, je suspecte un objectif inavoué d’interdire l’accès des subventions publiques aux personnes aux bas revenus », dénonce le prêtre, qui souhaite rester anonyme de peur de représailles des autorités. Ces dernières années, bien que le pays communiste soit officiellement athée, une trêve fragile s’est installée entre la Chine et le Vatican. Les chiffres du Pew Institute indiquent qu’aujourd’hui, la Chine compte dix millions de catholiques, dont 10 % sont concentrés dans la seule province du Henan, considérée comme le berceau de la civilisation chinoise.
« Maintenant, nous n’avons plus qu’à attendre l’équipe d’inspection. Nous verrons ce qu’ils diront avant de décider de la suite », ajoute ce prêtre du diocèse de Luoyang, qui officie à Sanmenxia. Ce dernier s’inquiète de ce que le gouvernement prévoit de faire avec les données récoltées, qui font partie d’un nouveau « projet spécial » tout juste lancé. Alors que le gouvernement affirme que l’ordre est destiné à améliorer la façon dont les églises et autres sites sont gérés, le prêtre estime qu’il s’agit plutôt d’un prétexte pour limiter et réprimer l’activité religieuse dans la province. Il confie que des autorités ont visité son église le 1er juillet et lui ont donné une circulaire intitulée « Special office emergency notice » (« Avis spécial d’urgence »), donnant l’ordre au prêtre de suivre les consignes indiquées. L’avis contenait cinq points, demandant notamment d’enregistrer et de déclarer, pour le 4 juillet à 18 heures, le nombre et la situation des fidèles de toutes les religions. Les responsables religieux se sont également vus demander de signaler aux autorités locales tout mineur entrant dans les édifices religieux, ainsi que toute installation de néons ou d’enceintes dans des lieux de culte.
Le deuxième point précise que la liste des membres du clergé doit également être affichée dans les paroisses pour que les autorités puissent confirmer qu’ils ont les permis nécessaires pour prêcher. Un troisième point ajoute que le drapeau chinois doit être affiché en permanence dans tous les lieux de culte, et que l’hymne national doit être chanté lors de chaque célébration, affirme le prêtre. Les deux derniers points concernent de nouvelles révisions des règles relatives aux affaires religieuses, ainsi que des statistiques destinées à améliorer les archives municipales, selon le prêtre. Les membres du bureau du « projet spécial » doivent faire des visites à l’improviste aux églises de la province, quand et comme elles l’estiment nécessaires, afin de s’assurer du respect des nouvelles règles, avertit l’avis d’urgence, qui indique également que des enquêtes seront menées afin de vérifier que tous les districts coopèrent.
Les religions sous étroite surveillance
Le prêtre explique que les sites religieux sont étroitement surveillés, et que ceux qui n’ont pas de permis sont fermés. Même les lieux de cultes déclarés ont reçu des avertissements à propos de l’admission de mineurs ou de membres du Parti communiste. Un autre prêtre du diocèse de Anyang, au Henan, confie avoir reçu le même ordre. Cette année, les efforts pour réprimer la religion dans la province se sont intensifiés. Dès le nouvel an chinois, à la mi-février, des informations ont ainsi signalé l’interdiction pour les catholiques d’afficher des distiques à leurs portes (ces couplets, formés de caractères noirs et or sur papier rouge, affichés verticalement aux portes des maisons lors du nouvel an), ainsi que la fermeture d’églises et d’écoles maternelles catholiques. Le 24 avril, les autorités de la ville de Diandian, dans le comté de Shangcai, ont envoyé deux agents afin de sceller l’entrée de l’église catholique de Gadazhang, dans le diocèse de Zhumadian. Une source avait alors indiqué qu’un des agents avait déclaré que la fermeture faisait partie d’une nouvelle mesure du Parti communiste. Le prêtre en charge de la paroisse était enregistré, mais pas l’église.
La source avait assuré que le gouvernement ne permettrait pas à l’église de s’enregistrer ou de rouvrir, et que les autorités ne saisiraient probablement pas l’église, mais que le clergé ne pourrait pas y retourner avant longtemps. La source avait également condamné une telle brutalité, et déclaré que les autorités locales avaient ouvertement piétiné la politique religieuse de l’État. Après le vote de la nouvelle réglementation sur les affaires religieuses, le 1er février, les mineurs se sont vus interdire l’accès aux lieux de culte. Depuis, chaque dimanche, des voitures de police ont été placées devant les églises. Dans le diocèse de Anyang, des avis ont été affichés et des agents postés à l’extérieur des églises afin d’empêcher les mineurs d’accéder aux églises le dimanche.
Le 8 avril, l’Association patriotique des catholiques chinois du Henan et la Commission administrative catholique du Henan ont publié un communiqué interdisant l’organisation de sessions de formation et indiquant que les enfants ne doivent pas être amenés à l’église par leurs parents. « Avant, il ne s’agissait que de propagande, mais maintenant, il y a une limite à ne pas dépasser, prenez-le au sérieux », ajoutait le communiqué. Les autorités du Henan ont également chassé des prêtres de leurs diocèses et détruit la pierre tombale de Mgr Li Hongye, qui avait été nommé par le Vatican mais n’avait pas été reconnu le gouvernement.
Source: Eglises d’Asie