Chine – La situation du diocèse de Shangaï, privé de son évêque depuis 2012, demeure toujours aussi difficile

Chine – La situation du diocèse de Shangaï, privé de son évêque depuis 2012, demeure toujours aussi difficile

Le 7 juin dernier, quatre prêtres catholiques ont été ordonnés pour le diocèse de Shanghai. Pour tout autre diocèse, l’ordination de nouveaux prêtres aurait constitué une bonne nouvelle, mais, à Shanghai, dans le contexte très particulier qui est celui de ce diocèse depuis près de cinq ans, si les catholiques locaux se réjouissent de ces ordinations, ils ressentent le fait que ces quatre prêtres n’ont pu être ordonnés par leur évêque, placé en résidence surveillée depuis juillet 2012. La cérémonie d’ordination a été présidée par l’évêque d’un diocèse voisin, Mgr Shen Bin, de Haimen, un diocèse situé au nord de Shanghai, dans la province du Jiangsu.

Cela faisait pourtant cinq ans que Shanghai n’avait pas connu d’ordinations sacerdotales. On se souvient que, le 7 juillet 2012, Mgr Ma Daqin était ordonné évêque auxiliaire de Shanghai. A l’époque, Rome et Pékin avaient, chacun de leur côté, donné leur assentiment à cette ordination et il était entendu, pour le Saint-Siège, que la nomination de Mgr Ma était une manière de parvenir, à terme, à ce qu’un seul et même évêque, à Shanghai, dirige les communautés dites « officielle » et « clandestine ». On se souvient aussi qu’à l’issue de la messe d’ordination, Mgr Ma avait pris la parole pour, devant des représentants stupéfaits du gouvernement, annoncer qu’il se consacrerait désormais entièrement à son ministère épiscopal et qu’il démissionnait par conséquent de ses fonctions au sein de l’Association patriotique, cette instance imposée par le régime communiste pour exercer de l’intérieur un contrôle sur l’Eglise. Le soir même, Mgr Ma était soustrait à l’attention de ses fidèles et rapidement placé en résidence surveillée dans une chambre du petit séminaire, situé au pied de la colline au sommet de laquelle se trouve la basilique mariale de Sheshan, à une heure du centre de Shanghai. Dans la foulée, le petit et le grand séminaires, tous deux situés à Sheshan, étaient fermés, et le noviciat des sœurs connaissait le même sort. Depuis, aucune ordination ou prise d’habit n’avait eu lieu, sinon en 2013 lorsque Mgr Shen Bin avait ordonné à la prêtrise un séminariste de Shanghai, mais la cérémonie avait eu lieu à la cathédrale du Bon Pasteur de Haimen, en-dehors du diocèse donc.

Un tiers des prêtres de Shanghai présents à la cérémonie

Ce 7 juin, les quatre qui ont été ordonnés prêtres (Joseph He Xiangxi, Peter Ren Yining, Joseph Wu Yongtao et Pius Wu Zhiqiang) faisaient partie des séminaristes qui avaient fini leurs études lorsque la fermeture du séminaire est intervenue. Depuis, ils assumaient diverses tâches pastorales dans les paroisses du diocèse mais, en l’absence d’évêque, ils ne pouvaient être ordonnés. Selon les informations disponibles, les quatre ont été ordonnés diacres le 6 juin, avant d’être ordonnés prêtres le lendemain, Mgr Shen Bin officiant dans les deux cas.

La cérémonie a eu lieu dans l’église Saint-Pierre de Shanghai, une vaste église moderne située en bordure de l’ex-concession française. Une trentaine de prêtres du diocèse (sur les quelque 90 que compte Shanghai) s’étaient déplacés pour concélébrer la messe, ainsi qu’une dizaine de prêtres venus de diocèses voisins. Selon une source citée par l’agence Ucanews, les autres prêtres « étaient trop occupés » par ailleurs pour se joindre à la cérémonie. Selon la même source, « la présence de Mgr Shen avait été négociée [avec les autorités], mais les catholiques à Shanghai estiment avoir toujours un évêque. C’est pourquoi la plupart des prêtres ont évité de prendre part à la messe d’ordination et seuls ceux qui sont en charge curiale ou en responsabilité dans le diocèse ont dû s’y rendre ».

Quelques jours auparavant, le 18 mai, dix-sept religieuses avaient prononcé leurs vœux temporaires ou définitifs lors d’une messe présidée par le P. Wu Jianlin, membre du comité de cinq prêtres qui gère actuellement les affaires courantes du diocèse. Là encore, parmi les quelque 70 prêtres venus concélébrer la messe, les prêtres de Shanghai étaient venus en petit nombre – une vingtaine seulement selon des sources locales.

Après presque cinq ans sans ordination ni prise d’habit, comment expliquer la venue, coup sur coup, des cérémonies du 18 mai et du 7 juin ? L’évêque qui a officié le 7 juin, Mgr Shen Bin, est un évêque « officiel » en communion avec Rome ; il est cependant considéré comme proche du gouvernement au point d’avoir été pressenti par Pékin pour devenir évêque de Shanghai en remplacement de Mgr Ma Daqin. Parmi les évêques « officiels », Mgr Shen est le seul à détenir un poste de vice-président dans les deux instances qui composent la partie « officielle » de l’Eglise au plan national, à savoir le Conseil des évêques de Chine et l’Association patriotique des catholiques chinois. Par ailleurs, le 27 avril 2016, Mgr Shen avait présidé en la basilique de Sheshan la messe célébrée en la mémoire de Mgr Jin Luxian (pour le troisième anniversaire de la mort et le centenaire de la naissance de celui qui fut l’évêque « officiel » de Shanghai de 1988 à 2013), manière, sans doute, de déjà le placer à un rôle prééminent dans cet important diocèse de Shanghai.

Quel avenir pour Mgr Ma Daqin ?

Au-delà de la place que les autorités chinoises voudraient voir occuper Mgr Shen, la clef des cérémonies du 18 mai et du 7 juin est peut-être à chercher du côté de Mgr Ma Daqin. Ce dernier jouit d’un grand prestige parmi ses prêtres et ses diocésains, même si certains lui reprochent d’avoir déclenché l’ire des autorités chinoises par son geste posé le 7 juillet 2012. Les autorités chinoises, que ce soit au niveau de la municipalité de Shanghai ou au plan national, au sein du Bureau des Affaires religieuses, font, à l’évidence, pression sur lui pour l’amener à réintégrer l’Association patriotique. Ces derniers mois, Mgr Ma Daqin semble avoir donné des gages à Pékin : en janvier dernier, il a rejoint la branche locale de l’Association patriotique, et, le 16 avril dernier, il est réapparu en public pour concélébrer la messe de Pâques dans la cathédrale de Mindong, dans le Fujian, aux côtés de Mgr Zhan Silu (et cela avait fait grand bruit étant donné que Mgr Zhan figure au nombre des sept évêques « officiels » qui ne sont pas en communion avec Rome). L’Internet catholique chinois avait largement commenté le fait que Mgr Ma se compromette ainsi aux côtés d’un évêque excommunié.

Selon une source locale, qui a préféré gardé l’anonymat, il est trop tôt pour estimer si Mgr Ma Daqin peut espérer prochainement quitter l’état de résidence surveillée dans lequel il est maintenu par les autorités, un état qui l’empêche de diriger son diocèse. Mais, poursuit cette source, on peut penser que maintenant que Mgr Ma a réintégré l’Association patriotique et s’est compromis en concélébrant avec Mgr Zhan Silu, les autorités viennent le « récompenser » en autorisant l’ordination de quatre prêtres et les vœux de 17 religieuses à Shanghai.

Quoi qu’il en soit, les quatre prêtres nouvellement ordonnés ont choisi un lieu symbolique pour célébrer leur première messe : le 8 juin, ils étaient tous les quatre à la basilique de Sheshan pour cette première messe. La chambre où est maintenu en résidence surveillée Mgr Ma Daqin se trouve au petit séminaire, sur la colline de Sheshan, à un jet de pierre donc de la basilique, qui est édifiée au sommet de la colline. « Pour les prêtres, c’était une manière discrète de dire leur volonté de reconnaître Mgr Ma comme étant leur évêque », analyse une source locale.

Source : Eglises d’Asie

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