Célébrer les 50 ans de la revue Communio

Célébrer les 50 ans de la revue Communio

Il y a 50 ans paraissait le premier numéro français de la revue Communio. Cette revue internationale, notamment animée par celui qui allait devenir pape en 2005, le théologien Joseph Ratzinger, entendait prendre de la distance par rapport à tout un climat de remise en cause de la foi dans le sillage de la crise de l’Église. Une réunion tenue à l’Institut catholique de Paris (ICP) le 8 avril dernier a permis de de retracer le lancement de cette revue, mais aussi sa perspective théologique, dans ce contexte fort troublé des années postconciliaires. On soulignera la discussion apaisée avec une autre revue, Esprit, plus ancienne, née dans un contexte différent et se revendiquant du personnalisme. Communio ne s’inscrit pas dans ce sillage et Esprit n’est pas une revue théologique.

Rappelons qu’en 1984, Esprit avait publié un article particulièrement à charge contre Communio, l’accusant même d’être dans une optique restaurationniste (!). C’est dire le climat de l’époque, pas toujours bienveillant et aussi approximatif que méprisant. Le nom de l’auteur de cet article d’infortune n’a même pas été cité…

Bref, en 1969, trois futurs cardinaux, Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar et Joseph Ratzinger entendirent réagir à la crise par une initiative non seulement intellectuelle, mais aussi confessante, pour ne pas dire priante.

Une démarche confessante dans des temps troublés

En France, la revue fut lancée quelques années plus tard par des figures comme Rémi Brague, Jean-Robert Armogathe et Jean Duchesne, qui cinquante après, ont même écrit un article dans le dernier numéro. Communio est donc une revue confessante, fidèle au magistère, qui n’est pas non plus une revue de clercs et de théologiens professionnels. Pour Urs von Balthasar, il existe une tension constituée entre la singularité et l’universel. Le théologien suisse a ainsi pris ses distances avec le côté centralisé de Concilium qui adopte en haut un sommaire unique. Un aspect important est de rappeler que la communion est déjà là, donnée par avance. La communion est un don. Elle ne se construit pas de manière humaine, une manière de rappeler le don de la grâce dans une période tourmentée. Cette unité des hommes, qui est dans le Christ, est aussi liée à la Trinité. C’est de ce point central que le chrétien peut scruter le monde.

Les différents intervenants ont aussi souligné la démarche de Communio. La question de l’unité est posée. Et on peut se demander si le problème actuel n’est pas de renoncer à cette unité. Le contexte a en effet radicalement changé depuis les années 1970. Pourtant, l’unité de la communauté humaine est toujours posée. Émilie Tardivel  a rappelé que Communio  était une revue de culture chrétienne qui s’inscrit dans la foi. Elle ne fait pas de la politique : elle ne se préoccupe pas de l’unité de la droite de la gauche ou même du centre, mais elle se préoccupe de l’unité humaine et surtout de l’unité de l’Église. La critique s’adresse à tous les régimes politiques, y compris au régime dit libéral. Quand il plaide pour la liberté religieuse, le chrétien plaide surtout pour son droit à faire son devoir. Il ne défend pas qu’une liberté, qui serait juste qu’un élément dans un disparate catalogue de libertés.

La communion est un concept large et pas seulement sacramentel

La communion n’est pas que le sacrement a rappelé un intervenant qui soulignait que Communio  s’inscrivait dans les “aspects sociaux du dogme”, un essai d’Henri de Lubac de 1936 qui connut un grand succès. Le dogme a un caractère social qui rappelle justement l’exigence du Christ total. La liturgie a toujours une portée politique.

Mais les intervenants ont abordé des aspects plus juridiques, notamment au regard des problèmes que l’Europe a connus pendant la Deuxième guerre mondiale. Une critique commune a été faite au droit. Le drame de l’abîme dans lequel l’Europe est tombée, c’est qu’aucun mécanisme ne garantissait l’appartenance à la commune humanité. Le premier droit n’est-il pas justement d’avoir des droits ?

Cependant, Communio n’a jamais nourri de projets politiques. Cela lui a même été reproché. Il peut toujours y avoir une nécessité de réagir face aux événements. Mais il ne s’agit pas d’ériger une fraction politique de plus. La politique n’était pas un point de départ dans l’ “aventure” Communio. À la différence de certaines initiatives des années 1960, puis 1970, Communio ne s’est pas attelée à un projet politique. Ce qui a certainement permis à cette revue de continuer pour rencontrer, aujourd’hui, la troisième génération de son public. On a ainsi pu constater dans l’auditoire une assistance fort variée (clercs et laïcs, âges différents…), témoignant de l’aura d’une revue qui constitue l’une des principales revues théologiques mondiales.

Articles liés

Partages