Comme promis dans notre édito du mercredi des cendres, chaque jour nous vous partageons à méditer un texte du père Michel-Marie Zanotti-Sorkine. L’extrait suivant est tiré du magnifique Marie, mon secret – conversation avec la Vierge, p. 18, et nous parle de la fécondité réelle de la vieillesse.
Ce ne fut pas le cas de la vôtre, ô Vierge de tous les temps, mais, sur notre génération, les vieux manquent atrocement. Entre ceux qui ne se sentent plus le courage de vieillir, poussés par un siècle idiot qui ne croit qu’en la peau tendue, et ceux qui n’ont plus le droit de parler, d’enseigner, d’être obéis, de vivre, parce que génération oblige, parce que la lenteur n’est plus de mise, parce que la mémoire est obligatoire même si l’on ne reçoit plus rien de celle qui est collective, parce que la mort se dessine au visage, parce que le corps péniblement se braque aux gestes les plus primitifs, parce que la vie est belle ou doit mourir, le compte est bon, les vieux dorment, et la sagesse en meurt ! Et pourtant, la vieillesse est féconde, Dieu l’a montré, vos parents nous le crient. Quand reviendrons-nous à cette évidence et viderons-nous les mouroirs de France et de Navarre pour coller un lit dans notre propre chambre, y faisant vivre et mourir les passeurs de notre propre vie ? Il manque aux enfants gâtés, bellâtres de la société, le sourire édenté de leurs lutteurs d’ancêtres ; il manque aux actifs, aux calculateurs, aux adorateurs d’argent, de se voir en miroir sur la chaise roulante, et de sentir les bras décharnés de leurs vieux parents se pendre encore à leur cou pour embrasser. Faut-il le redire, tant que l’âme respire, la vieillesse est féconde ; pourquoi donc s’en priver ? Marie, je vous en prie, priez, priez pour nous, pauvres pécheurs – et permettez-moi d’insister pour le bien de tous, j’y reviens de grand coeur, la preuve entre les mains : que pouvait-on espérer de vos parents dont l’arbre de vie semblait asséché pour jamais ? Tout ! jusqu’à la déchéance et la mort, sauf… la beauté essentielle, et c’est pourtant ce fruit qu’ils ont formé.